Patrimoine culturel immatériel

La légende sacrée de Saint-AphrodiseLa légende sacrée de Saint-Aphrodise

  • Ma grand-mère me disait hors de Saint-Aphrodise, point de Salut !...
  • Peut-être qu’un jour mon fils, qui a aujourd’hui 11 ans, prendra la suite

C'est quoi ?

La légende de Saint-Aphrodise se développe au Moyen Age, pour atteindre sa forme définitive au XVIe siècle.

Statue de Saint-Aphrodise
Musée du Biterrois, Statue de Saint-Aphrodise

Avant la chrétienté, Béziers partageait les croyances païennes vouant des cultes aux divinités mythologiques. Préfet d’Héliopolis en Egypte, Aphrodise aurait reçu la Sainte Famille fuyant Hérode. Conquit par le Christ, il parti après la mort de ce dernier pour répandre Sa Parole. C’est ainsi qu’Aphrodise quitta l’Egypte et arriva à Béziers à dos de chameau dans le but d’y prêcher l’Evangile. Âgé de 101 ans, il subit le martyr et fut décapité sur la place des Arènes, aujourd’hui place Saint-Cyr. Sa tête fut jetée dans un puits, mais elle remonta. « Soudain les eaux remontèrent jusqu’à la margelle et le Saint ayant retrouvé sa tête, la portant entre ses mains, s’achemina et se dirigea à travers une longue rue, vers l’extrémité septentrionale de la ville et il s’ensevelit dans une grotte où il avait coutume de se rendre et qui n’est autre que la crypte de l’église actuelle. […] Sur son parcours les gens répandaient des escargots et le Saint les effleurait sans en écraser aucun. Au carrefour dit aujourd’hui du Saint-Esprit, des tailleurs de pierre raillèrent le Saint en le voyant passer et le traitèrent de fou. Dieu les punit de leur irrévérence en les pétrifiant sur place et en maintenant leurs cous tordus dans l’attitude où ils se trouvaient. Le souvenir de la vengeance divine fut perpétué par la représentation de neuf têtes de pierre rangées en saillie dans la muraille de l’ancienne abbaye du Saint-Esprit et la rue prit de cette circonstance le nom de « rue des têtes ». Saint Aphrodise, Abbé A.Coste.

Le chameau, après la mort de Saint-Aphrodise fut adopté par un potier et devint l’emblème de la ville. Saint-Aphrodise, premier évêque de Béziers est toujours vénéré.

Ça se passe où ?

Béziers est situé dans l'Hérault en Languedoc-Roussillon. La ville est au croisement de l’Orb et du canal du Midi.

Vue de Béziers
©Ooh collective, Vue de Béziers

C'est quand ?

Fête du chameau à Béziers 1950
©Musée Biterrois, Fête du chameau à Béziers 1950

La Saint-Aphrodise est célébrée le 28 avril, date qui serait celle de sa décollation. C’est l’occasion à Béziers d’une foire populaire située sur la place devant l’église.

Arrivée du papari à la maison du potier
©Ooh collective, Arrivée du papari à la maison du potier

Un brin d’évasion

La girafe de Charles X

En 1825, les relations entre la France et l’Egypte étaient tendues. La France revendiquait l’indépendance des Grecs de l’île de Chio, massacrés par les Turcs trois ans plus tôt avec l’aide des Egyptiens. Bernardino Drovetti, consul général de la France au Caire, désireux d’améliorer les relations entre les deux pays et sachant que Charles X cherchait à enrichir la ménagerie du jardin du Roi proposa à Méhémet Ali Pacha, vice-roi d’Egypte, d’offrir un des deux girafons reçu peu de temps auparavant en cadeau d’un seigneur soudanais, au roi de France. C’est ainsi qu’en 1826, la girafe prit le bateau à Alexandrie pour se rendre à Marseille. Il fallu faire un trou dans le pont du navire afin qu’elle puisse laisser sortir sa tête. Drovetti fit également embarquer trois vaches pour donner à la girafe sa ration quotidienne de lait. Arrivée à Marseille elle doit attendre la belle saison afin de prendre la route pour monter à pied à la capitale, accompagnée d’Etienne Geoffroy Saint-Hilaire, professeur au Muséum d’histoire naturelle, de plusieurs gendarmes, de vaches, d’une antilopes, de deux mouflons, d’un valet trayeur, des Soudanais et d’un interprète. Après 880 km à pied, elle arrive aux jardins du roi le 30 juin1827. Elle reçu 600 000 visiteurs en six mois. Durant les deux années qui suivirent, la girafe fut très à la mode. On la retrouvait partout : sur la vaisselle, dans les peintures, dans les coiffures « à la girafe », les nœuds de cravate « à la girafe »… Balzac écrit un pamphlet : Discours de la girafe au chefdes six Osages prononcé le jour de leurvisite aux Jardins du Roi et traduit del’arabe par l’interprète de la girafe.

La girafe meurt en 1845. Naturalisée, elle est envoyée en 1931, faute de place, aumuséum d’histoire naturelle de La Rochelle où on peut encore la voir aujourd’hui.

Un brin d'histoire

Béziers

«6500 ans avant J.-C. Lors du creusement de la rocade nord de la ville, des vestiges ont été mis au jour, dont l'étude prouve que l'histoire et le peuplement de Béziers […] débuta il y a 6500 ans.

L'occupation romaine. La ville est fondée par les Grecs, au VIe siècle avant J.-C. Puis vient l'empire romain : Béziers, place forte, est reliée à Narbonne par la Voie Domitienne. Autour de la cité de "Biterre", se développe la culture de la vigne et de l'olivier, les forêts de chênes sont défrichées. Ce fleuron "gallo-romain" est ensuite envahi par les Wisigoths, qui rançonnent la contrée et s'y installent.
Oh, mais c'est Charles Martel ! Si Charles Martel a repoussé les Sarrasins à Poitiers en 732, il a aussi conquis et occupé Béziers, en 737, alors qu'il achevait de "reconduire" l'armée arabe, vers l'autre côté des Pyrénées ...
La Croisade contre les Cathares. "Tuez les tous, Dieu reconnaîtra les siens". Ces quelques mots d'un légat du Pape de Rome donnent libre cours à la "grande boucherie", du 22 juillet 1209. Un "gran mazel" comme on dit en occitan. La croisade des Albigeois, contre "l'hérésie Cathare" se traduit donc par le sac, l'incendie de Béziers et le massacre de sa population. L'armée du roi de France et de Rome mettra ensuite quarante ans à achever cette guerre de pillage, de bûchers expiatoires.

Troubadours et commune. Béziers compte parmi les premières cités du sud à obtenir sa charte communale : elle est administrée par des consuls, qui exercent leur pouvoir sur l'emplacement même de l'ancien forum romain, où s'élève aujourd'hui l'hôtel de ville. Béziers épouse aussi très vite la culture des troubadours. […] Cette douceur de vivre, cet essor culturel, ne résistent pas aux invasions, famines, épidémies du XIVe siècle.
Le Canal du Midi : à Pierre-Paul Riquet, la France reconnaissante. Pierre-Paul Riquet naît à Béziers en 1609. Il dessine et imagine le Canal du Midi, puis obtient de Louis XIV l'autorisation de le construire. Car Riquet a trouvé la solution - que cherchaient déjà les Romains - pour approvisionner en eau ce canal de manière permanente. […]

Fortunes viticoles et fastes méridionaux. La période la plus faste de l'histoire biterroise se situe au XIXe siècle. L'essor de l'industrie, de la voiture et du commerce ouvrent au vignoble local le marché national et mondial du vin. Cela fournit du travail à des milliers de personnes, entraînant un essor démographique sans précédent. Grâce au vin, des fortunes colossales se créent, les "châteaux pinardiers" fleurissent dans le vignoble biterrois. […]

Jean Moulin, l'honneur de la France. La défaite de 1940 et l'Occupation allemande sont une blessure à l'orgueil ombrageux des biterrois. C'est d'une maison du Champs de Mars où il naît, que s'élève le grand air de la révolte. Jean Moulin, préfet par vocation, biterrois par naissance, démocrate et libre par conviction, devient le héros de la Résistance française. Il en assure la coordination au plus fort de l'Occupation. Avant d'être trahi, arrêté, martyrisé. Et de mourir dans le train qui l'emmène en déportation ... .

Béziers aujourd'hui. C'est une ville d'un peu plus de 74 000 habitants, coeur d'une communauté d'agglomération qui en compte 107 000. Installée au coeur d'une région éminemment touristique, où elle trouve sa propre place, Béziers trace son propre chemin vers l'avenir : développement universitaire, diversification du tissu économique, multiplication des infrastructures d'accès (A9, A75, TGV vers l'Espagne...). »

Un brin de poésie

La ballade du chameau
De André-Philippe Nougaret

D’Orient, voilà deux mille ans,
Venu mourir dans la Cité
Tous les ans, quand vient le printemps,
Il renaît de l’antiquité.
Qui vient danser devant l’Eglise
Fin avril, après les rameaux,
Biterrois, de saint Aphrodise
Entends l’histoire du chameau.

Les potiers recueilli l’ayant,
A la mort du déshérité,
Un fief firent entretenant
Le simbel, à perpétuité.
Qui a sen fosso pour devise,
Papari pour mener anneaux,
Biterrois, de saint Aphrodise
Comprends l’histoire du chameau.

Le vingt-huit avril, pour sa fête,
Comme faisait son Froudiset,
C’est per lous malerous qu’il quête
Quand il frappe chez le potier.
Qui fait que chacun se cotise
Pour du pauvre apaiser les maux,
Biterrois, de saint Aphrodise
Maintiens l’histoire du chameau.

Il va saluer pieusement
Son saint Patron, décapité
Place saint Cyr, puis remontant,
Il salue par civilité.
Qui la tradition pérennise,
Venue de temps immémoriaux,
Biterrois, de saint Aphrodise
Maintiens l’histoire du chameau.

Avec Mailhac puis Nougaret,
Sant Andiu de la Galinière,
Carbon, Castelbon, Pertuzé,
Et la foire si populaire
Qui, tous les ans, veut qu’on produise
Tarayettes, gisclets, émaux,
Biterrois, de saint Aphrodise
Chante l’histoire du chameau.

Quand tu goûtes, par gourmandise,
Coques et vins blancs régionaux,
Biterrois, de saint Aphrodise
Tu peux rendre grâce au chameau.

Petit abécédaire

Agape, Caralippe et Eusèbe : trois des principaux adeptes de Saint-Aphrodise également condamnés à mort.

Biterrois : habitants de la ville de Béziers.

Chameau : Monture de Saint-Aphrodise lors de son arrivée d’Egypte, il est aujourd’hui l’emblème de la ville de Béziers. Adopté dès le martyr de son maître, il est représenté par une machine en forme de dromadaire (il n’a qu’une seule bosse) et décoré aux armes de la ville. Il est porté par plusieurs hommes cachés à l’intérieur et sort notamment à la Saint-Aphrodise où il reçoit la Bénédiction.

Compagnon : l’étymologie provient de cum, et de panis (pain) : celui qui mange le même pain.

Décollation : Action de couper le cou. Il sert à désigner le martyre.

Enciellement : montée au ciel.

Evêque : vient du latin episcopus, le terme grec signifie surveillant et provient de deux mots se traduisant par « sur » et « examiner ».

Gnico-gnaco (la) : nom donné à la mâchoire articulée du chameau de Béziers lorsque son conducteur, le papari la met en mouvement.

Lou Camel : signifie chameau en languedocien.

Papari : conducteur de chameau, déguisé en arabe.

Saint Aphrodise : patron de la ville de Béziers. Aphrodise est un nom provenant probablement de Vénus Aphrodite, c'est-à-dire « née de l’écume de la mer ».

Sources

MAILHAC, S. -Saint-Aphrodise : Le Chameau et les Potiers. -feuillets, avril 1981

LAPEYRE, Claude / ROQUE, Alain. -Béziers pas à pas : ses rues, ses allées, ses monuments. -Editions Horvath, 1993, 256 p.

THOMAS CHANOINE L.-E. -St-Aphrodise : Patron de la Ville de Béziers et de la Paroisse qui lui est dédiée. -Imp. La Laborieuse, 1951, broché, 6 p.

Ville de Béziers - Office de Tourisme er des Congrès. -Béziers, un vrai livre d’histoire… -[en ligne], [réf. du 23 août 2010], Disponible sur Internet : http://www.beziers-tourisme.fr/FR/decouvrir/histoire_.aspx

SALGON, Jean-Jacques. -La girafe de Charles X et de son voyage du Soudan à Paris.-L’actualité Poitou-Charentes, n° 79, janv. 2008, [document en ligne], [réf du 23 août 2010], Disponible sur Internet : http://pdf.actualite-poitou-charentes.info/079/actu79janv2008_42-43..pdf

POISSON, Georges. -Histoire de la girafe. -Le Courrier de l’UNESCO: une fenêtre ouverte sur le monde, n°3, 1986, [document en ligne], [réf du 23 août 2010], Disponible sur Internet : http://unesdoc.unesco.org/images/0006/000684/068421fo.pdf

Dictionnaire de la langue française d’Emile Littré, [rééd. 1872-1877], [en ligne], [réf du 23 août 2010], Disponible sur Internet : http://francois.gannaz.free.fr/Littre/accueil.php

Liens utiles

Site officiel de la ville de Béziers : http://www.ville-beziers.fr/

Site de l’office du Tourisme de Béziers : http://www.beziers-tourisme.fr/

Site de l’agence Sirventés : http://www.sirventes.com/

Site de Laurent Cavalié : http://www.myspace.com/laurentcavali

A écouter

Laurent Cavalié, A la Bastida (A la Bastide), Soli Solet, Agence Sirventés, 2009