Patrimoine culturel immatériel

La tradition du SpringerleLa tradition du Springerle

C'est quoi ?

Christkindel, Ich bin noch so klein, Christkindel, je suis si petit !

Kann nett viel saawe Je ne peux pas dire grand-chose,

Awer e grosses Packel kann Mais un gros paquet,

I doch schon traawe. Je peux déjà le porter !

 

Comptine en alsacien pour les enfants

Étal de springerle et produits locaux au marché de Bouxwiller © Ooh ! Collective
Étal de springerle et produits locaux au marché de Bouxwiller © Ooh ! Collective

Les springerles font partie des premiers petits gâteaux alsaciens. Cultivé depuis le XVIe siècle dans la région, l’anis leur donne leur goût typique. Traditionnellement, ils sont confectionnés pendant la période de l’Avent et peuvent décorer les sapins de Noël.

Springerle, ou « petit sauteur » est le nom de ces petits gâteaux blancs, mais aussi de leurs moules, qui ont la particularité d’être sculptés et ainsi de donner aux gâteaux un relief typique.

« Ces moules, réalisés en bois de poirier entre les XVIe et XXe siècles, servaient à imprimer avant cuisson la pâte de petits gâteaux de Noël.

Les thèmes de décoration évoquent le cœur et l'amour, les métiers, des animaux réalistes ou mythiques, des scènes de la Bible, des tenues élégantes ou des uniformes, et bien d'autres sujets. Ces centaines d'images creusées dans le bois par une main d'artistes ou au contraire par un sculpteur naïf représentent tous les aspects de la vie quotidienne de l'époque. Des pièces de mobilier, des outils et objets utiles d'époque contribuent à l'évocation d'un passé pas si lointain. » (*)

Les motifs sont religieux ou profanes. Ils peuvent représenter des évènements historiques, rendre hommage à certains métiers, ou prendre la forme de symboles pour les mariages, les naissances, etc... Certains springerles, symbolisant la fertilité étaient offerts aux jeunes couples Ils représentaient deux cœurs et deux grenades entrouvertes faisant voir la multiplicité des grains ou un bouquet de trois fleurs : la tulipe, le dahlia et le tournesol

D’autres, ornés des lettres de l’alphabet entraient dans le quotidien, et traditionnellement, l’enfant n’avait le droit le manger son gâteau que lorsqu’il connaissait son alphabet...

Anciennement en bois fruitier ils sont aujourd’hui en terre cuite.

(*) Musée des Arts et Traditions Populaires, Musée du Sceau. Les springerles [en ligne]. Disponible sur : <http://musee.sceaualsacien.pagesperso-orange.fr/les_springerle.html> (consulté le 24/07/2012).

Recette du XIXe siècle

D’après la recette de Monsieur Haudot, conservateur et fondateur des musées de la Petite Pierre

2 oeufs
200 g de sucre en poudre
1 paquet de sucre vanillé
275 g de farine
1 pointe de couteau de levure chimique
5 g d’anis en grains
1 moule à springerlé

Battre les œufs avec le sucre et le sucre vanillé jusqu’à ce que le mélange prenne l’allure d’un ruban (15 minutes).

Y incorporer 225g de farine et la levure.

Répandre le reste de farine sur la planche à pâtisserie.

Y déposer la pâte et la pétrir jusqu’à ce qu’elle devienne lisse.

Ajouter de la farine si nécessaire.

Étendre la pâte sur 1 cm d’épaisseur.

La découper à angle droit à la grandeur du moule.

Fariner le moule, puis y presser la pâte.

Décoller la pâte du moule, couper et disposer les motifs sur la plaque à cuire farinée et parsemée des grains d’anis. Laisser sécher 24h dans un endroit modérément chauffé.

Cuire 30 minutes à four modéré.

Moule à springerle chez le potier Claude Ernenwein © Ooh ! Collective
Moule à springerle chez le potier Claude Ernenwein © Ooh ! Collective

Pour que la gravure reste blanche, dès qu’un socle sera formé, glisser dans le four une autre plaque froide au-dessus de la plaque de cuisson.

À la sortie du four, laisser les springerles à l’air libre pour qu’ils ramollissent.

Recette d’Esther Schmutz, sœur protestante à la maison Gustave Herrmann.

Pour 55 à 60 pièces

4 à 5 œufs (250 g avec la coquille, 220 g sans la coquille)
500 g de sucre semoule
1 cuillerée à soupe d’anis en grains
Facultatif : le zeste d’un demi citron râpé ou finement hâché
500 g de farine (pour la pâte)
50 g de farine (pour rouler la pâte)

Mélangez à l’aide d’un batteur les œufs et le sucre. Battez pendant une dizaine de minutes jusqu’à obtention d’une crème lisse, blanche et aérée. Incorporez l’anis et le zeste de citron. Ajoutez la farine tamisée, pétrissez légèrement, couvrez et laisser reposer pendant 1 heure au frais. Disposez la pâte sur la table, pétrissez-la à nouveau en ajoutant une petite poignée de farine. La pâte doit rester un peu collante. Divisez-la en trois boules d’environ 1 cm. Saupoudrez légèrement de farine. Au toucher, cette pâte doit être douce. Saupoudrez un peu de farine dans les moules à springerle puis posez ces moules sur la pâte en les pressant légèrement (à l'aide d’un rouleau) afin d’imprimer le décor dans la pâte. Lorsque toute l’abaisse de la pâte est décorée, découpez à la taille du motif, à l’aide d’un couteau ou d’une roulette cannelée. Posez ces motifs sur une tôle garnie d’un papier cuisson.

Laissez reposer les springerles pendant 24h dans un endroit sec et tempéré en évitant les courants d’air. Puis faites cuire à feu moyen (à 180° - thermostat 6) pendant 20 min. Évitez de les poser dans la partie haute du four pour qu’ils gardent leur teinte blanche. Laissez-les refroidir sur le papier cuisson et détachez-les délicatement.

Ça se passe où ?

Saverne est un chef-lieu d’arrondissement du Bas-Rhin et Marmoutier, un chef-lieu de canton du Bas-Rhin, en Alsace. 

C'est quand ?

Dès que l’on sent Noël approcher, mais aussi à l’occasion de fêtes, pour célébrer la naissance ou l’amour.

Un brin d’évasion

Le pain de Noël monégasque

À Monaco, comme pour tous les chrétiens, Noël est une célébration empreinte de différents rituels et d’offrandes.

Dans les traditions monégasques, la veille de Noël, la famille se retrouve réunie afin de partager le repas. Le plus jeune, bénit l’âtre à l’aide d’un rameau d’olivier trempé dans du vin. Au centre de la table couverte d’une grande nappe blanche, entouré de nombreux plats, est posé le pain de Noël. Ce pan de Natale, est un pain rond sur lequel sont disposées quatre noix en forme de croix. Il est décoré d’un rameau d’olivier et d’une branche d’oranger avec leurs fruits. Il doit ainsi rester au centre de la table aux côtés de treize desserts jusqu’à l’Épiphanie.

On les recouvre des bords de la nappe entre les repas.

Ce rituel apporterait abondance des récoltes et prospérité dans la maison.

Un brin d'histoire

Emprunte des motifs sur la pâte à springerle © Ooh ! Collective
Emprunte des motifs sur la pâte à springerle © Ooh ! Collective

Histoire de l’anis

L’anis véritable ou anis vert, est originaire du Moyen-Orient. C’est l’une des plus anciennes épices consommées.

Pythagore évoque le parfum de ces grains et il est mentionné dans la Bible.

Plante aux propriétés digestives, l’anis était largement utilisé par les Romains qui en parsemaient leurs desserts ou en aromatisaient leurs vins.

Sa consommation se développe au IXe siècle quand Charlemagne en ordonne la culture. Utilisé pour ses qualités digestives ou comme aphrodisiaque au Moyen-âge, l’anis sert aussi d’offrande.

Introduit en Europe au XIVe siècle, il est alors utilisé pour aromatiser le pain. Il est cultivé en Alsace depuis le XVIe siècle.

Découpe des springerles avant cuisson © Ooh ! Collective
Découpe des springerles avant cuisson © Ooh ! Collective

Un brin de poésie

Wihnachtreeesle im Winterwald
Igezwangt in der schroffe
Eckige Wand vum e Felsespalt
Han ich hit agetroffe.
S’Tal ligt nass un müdrig un kalt,
Ganz im Triewe versoffe.
D’Sunn hat sich hinter e Falt
Wit en de Wulke verloffe
Winachtsreesle im Winterwald
Hat sini Blueme offe.
Freieijohr macht mer sich nit mit Gewalt
Nur mit Glauiwe un Hoffe.

Des roses de Noël au bois d’hiver,
Étranglées dans l’abrupt
Escarpement d’une faille de roche,
J’en ai rencontrées aujourd’hui.
La vallée s’étire, mouillée, dolente et froide,
Toute noyée dans un monde brouillé.
Le soleil, derrière un creux,
S’est égaré loin dans les nuages.
Des roses de Noël au bois d’hiver
Ont ouvert leurs fleurs.
Pas de printemps dans la violence,
Mais dans la ferveur et l’espoir.

Émile Storck, poète alsacien – traduction de Roger Kiehl

 

Paradiesvöejel

[...] Ils sont là, les oiseaux de paradis, en verre argenté, parfois saupoudrés d’or. Ils sont si beaux, si fragiles, que tu oses à peine les tenir dans ta main. Le vendeur les enveloppe dans du papier de soie. Sur le chemin du retour, tu jettes souvent un œil sur la sacoche de Maman en espérant que les oiseaux y reposent, intacts. Tu as hâte de les installer dans le sapin. Ils sont montés sur une pince avec ressort. Tu imagines avec contentement comment ils dodelineront du corps dès lors que tu frôleras les branches du sapin. »

Simone Morgenthaler, extrait du roman Les saisons de mon enfance.

Springerle avant cuisson chez le boulanger-pâtissier Bruno Baehl © Ooh ! Collective
Springerle avant cuisson chez le boulanger-pâtissier Bruno Baehl © Ooh ! Collective

Petit abécédaire

LES MOTIFS DES MOULES: Les petits gâteaux dits « springerlés » comme les moules qui servent à les confectionner, étaient faits principalement pour Noël, mais certains modèles ont été faits pour des occasions précises. *

L’ALPHABET : le gâteau servait comme support pédagogique aux enfants en âge d’apprendre l’alphabet. Ils n’avaient le droit de manger de gâteau que quand ils le connaissaient sur le bout des doigts. *

LE BATEAU : il commémore le pacte d’assistance militaire passé entre les Zurichois et les Strasbourgeois le 20 juin 1576. Pour montrer avec quelle rapidité les Zurichois pouvaient voler au secours des Strasbourgeois, ils avaient embarqué sur leur bateau un chaudron de millet chaud. Celui-ci était encore chaud arrivé à Strasbourg en descendant le Rhin.*

LES BÉBÉS : emmaillotés ils servaient pour les naissances ou les baptêmes.*

LES CŒURS : conçus pour les mariages et les fiançailles *

Springerle en forme de cœur © CTRA Stirnweiss
Springerle en forme de cœur © CTRA Stirnweiss

LA FÉCONDITÉ : ces springerles étaient offerts aux jeunes couples. Ils représentent deux cœurs et deux grenades entrouvertes faisant voir la multiplicité des grains, ou un bouquet de 3 fleurs : la tulipe, le dahlia et le tournesol. *

LES NOUVELLES TECHNOLOGIES : la montgolfière, le train, le bateau à vapeur avec roue à aubes ou une tour de télégraphe. *

LES PERSONNAGES : les plus courants sont des paysans ou citadins, mais certains personnages font l’objet d’une plaque à eux tout seul : le tambour, le couple, la fileuse, le gentilhomme ou encore une belle Strasbourgeoise dont on peut distinguer les initiales. Certains métiers sont représentés comme le jardinier ou la bergère. *

LES SUJETS HISTORIQUES : une botte de hussard napoléonien, un casque à pointe de l’époque où l’Alsace était allemande ou le casque des cuirassiers de la bataille de Reichshoffen *

LES SUJETS RELIGIEUX : ils sont presque exclusivement de formes rondes : la nativité, le songe de Jacob, l’aigle de Saint-Jean, l’agneau pascal ou Daniel dans la fosse aux lions. *

SPRINGERLE : ce mot vient de l’alsacien springen, qui signifie sauter. Afin qu’ils se détachent, il faut taper la planche qui sert de moule sur la table, ce qui les fait sauter. De plus, en séchant, les springerles « font un bond », c’est-à-dire qu’ils obtiennent un petit socle.

* ERNENWEIN, Claude. Explications détaillées sur les springerles

Sources 

GAMERDINGER, Françoise, NOVELLA, René. Le patrimoine culinaire de la principauté de Monaco. GOLDSTEIN, Darra, MERKLE, Kathrin. Cultures culinaires d’Europe : Identité, diversité et dialogue. Strasbourg : Éditions du Conseil de l’Europe, 2006, p. 315-316.

GRAESBECK, Catherine, UNTEREINER, Guy (illus.). Noêl en Alsace: Une tradition toujours neuve. Gites de France, 2010, 36p.

MORGENTHALER, Simone. Les saisons de mon enfance. Strasbourg : La Nuée Bleue, 2010, 192p.

MORGENTHALER, Simone, EHRARD, Marcel (photo.). Décors et recettes de Noël : Traditions d’Alsace. Stasbourg : La Nuée Bleue, 1999, 91p.

Musée des Arts et Traditions Populaires, Musée du Sceau. Les Springerle [en ligne].
Disponible sur : <http://musee.sceaualsacien.pagesperso-orange.fr/les_springerle.html> (consulté le 24/07/2012).

Coup de pouce. Anis [en ligne].
Disponible sur : <http://www.coupdepouce.com/guide-des-recettes-par-aliment/huiles-et-epices/anis/f/4778> (consulté le 24/07/2012).

Toil'd'épices. Anis vert [en ligne].
Disponible sur : <http://www.toildepices.com/wiki/index.php/Anis_vert> (consulté le 24/07/2012)

Dictionnaire Larousse [en ligne].
Disponible sur : <http://www.larousse.fr/> (consulté le 24/07/2012)

[S.a], Le Petit Robert des noms propres. Paris : Le Robert, 2001.

Pour aller plus loin :

ROTH, Suzanne. Les petits gâteaux d’Alsace. Strasbourg : La Nuée Bleue, 2005, 90p.

Doc. Adobe Reader de Monsieur Ernenwein (recette du XIXe)

MATZEN, Raymond, DAUL, Léon. Wie geht’s ? Le dialecte à la portée de tous. Strasbourg/ La Nuée Bleue, 2010, 335p.

ERNENWEIN, Claude. Poterie d’Art Claude Ernenwein [en ligne].
Disponible sur : <http://www.poterie-ernenwein.com/page/accueil> (consulté le 24/07/2012)

Liens utiles

Site de l’Office de Tourisme du Pays de Hanau et du Val de Moder : http://www.tourisme-hanau-moder.fr/

Site du Musée des Arts et Traditions Populaire de la Petite Pierre :http://musee.sceaualsacien.pagesperso-orange.fr/

Site de Jean-Pierre Albrecht : http://jeanpierrealbrecht.com/

 

À écouter :

Jean-Pierre Albrecht, Alleluia, E Wynacht im Elsass