Patrimoine culturel immatériel

La tradition de la pêche à la montreuilloiseLa tradition de la pêche à la montreuilloise

  • C’est un ami qui m’a fait découvrir ce lieu parce qu’il s’intéressait aux oiseaux… en creusant, je suis tombée sur la Pêche
  • Transmettre un savoir-faire, c’est bien, encore faut-il bien le transmettre

C'est quoi ?

La culture des pêches montreuilloises remonterait au XVIIe siècle. Dégustées à la cour des princes et des rois de France, d’Angleterre ou de Russie, elles pouvaient atteindre 400 à 500 g et coûtaient jusqu’à un louis d’or sous Napoléon III. Elles ont fait la gloire de Montreuil pendant deux siècles.

Mur de pêches
©Ooh collective, Mur de pêches

Au Moyen Age, la viticulture dominait toutes les autres exploitations. Cette culture a gardé beaucoup d’importance jusqu’au XIXe, pour disparaître début XXe au profit des arbres fruitiers et fleurs coupées.

La culture de la pêche remonterait au moins au XVIIe siècle. Est-ce l’horticulteur Pépin à Montreuil ou Girardot à Bagnolet qui l’aurait introduite ? On ne peut rien affirmer de façon catégorique. Ceci étant, la spécificité de Montreuil est la rapidité avec laquelle la culture s’est développée, et la vigne recule dès le XIXe au profit des murs à pêches, dont l’implantation s’est faite en un siècle et représente (en 1907) 720 hectares sur les 930 de la ville.

Dans la deuxième moitié du XIXe, les pêches de Montreuil gagnent de nombreux concours internationaux et approvisionnent les cours de Vienne ou de Saint-Pétersbourg.

Mais avec le développement du chemin de fer, les pêches du Midi viennent concurrencer nos montreuilloises. Dès 1880, la culture s’ouvre donc à d’autres fruits plus rentables tels que la poire ou la pomme, et certaines variétés de pêches traditionnelles sont remplacées par des pêches tardives.

Entre les deux guerres, Montreuil doit faire face à une urbanisation qui grignote et réduit fortement son plateau agricole. En 1936, la Société Régionale d’Horticulture de Montreuil est reconnue d’utilité publique. Elle compte à cette période près de 1 000 membres. »

Aujourd’hui, les murs à pêches restent les témoins d'une époque florissante dont 8,5 ha sur 38 ont été classés.

Les murs

La culture dite « à la Montreuil » se caractérise par des murs recouverts de plâtre qui permettent d’emmagasiner la chaleur du soleil le jour et de la restituer au fruit la nuit, les arbres étant palissés le long de ces murs.

Mur recouvert de plâtre
©Ooh collective, Mur recouvert de plâtre

Les fondations des murs sont d’environ 0,50 m de large pour 0,60 m de profondeur.

La hauteur moyenne des murs est de 2,70 m pour 80 cm de large. Le crépi suit la croissance de l’arbre et commençant au pied du mur, il monte donc d’année en année.

Les murs sont souvent orientés Nord-Sud, même si la direction varie de manière à ce que les murs puissent recevoir les rayons du soleil à différentes heures de la journée afin d’avoir des fruits mûrs à différentes périodes. Leur orientation est extrêmement complexe et permet une rentabilité maximale.

Les murs, parallèles et distants sont couverts d’un chaperon permettant de protéger les fruits des intempéries.

Les soins :

Lorsque l’arbre atteint une certaine grandeur, il doit être palissé.

La technique montreuilloise est celle du palissage à la loque. La loque est une bande d’étoffe, de préférence en laine qui, clouée au mur a l’avantage de maintenir la branche en place sans la blesser.

Technique du palissage à la loque
©Ooh collective, Technique du palissage à la loque

A Montreuil, on pratique la taille longue, qui donne à l’arbre une forme d’éventail.

Lors de l’ébourgeonnement, on retrancher une partie des bourgeons, afin de régler la pousse de l'arbre. Avant la maturation du fruit a lieu l’effeuillage, qui permet de leur donner plus de soleil.

La cueillette ne peut avoir lieu que lorsque la rosée a séché, mais que les fruits sont encore à l’ombre.

Au XIXe siècle, on voit se développer le tatouage. Cette opération consiste à fixer, à la bave d’escargot selon la légende, à l’amidon selon d’autres sources plus scientifiques, un dessin découpé dans du papier, qui sert de cache et empêche le soleil de colorer le fruit. C’est ainsi que sont parfois tatoués les armoiries ou les portraits de souverains.

« À Montreuil, sur des terrains de faible qualité, chaque pêcher produisait entre 200 et 500 pêches par saison. Jusqu'à 400 variétés, répondant aux doux noms de la "Grosse Mignonne", "la Belle Impériale", "la Galande", "le Téton de Vénus"… ont été dénombrées. »

Ça se passe où ?

Jardin à Montreuil
©Ooh collective, Jardin à Montreuil

Chef-lieu de canton de la Seine-Saint-Denis, Montreuil est situé en Île-de-France.

Un brin d’évasion

L’anone

Très loin de Montreuil de l’autres côté des océans pousse un fruit au nom prometteur de fraise de paradis, de pomme cannelle, de corossol mais aussi de cœur-de-bœuf ou de cachima, sa peau rappelant les écailles du caïman. Ce fruit exotique dont le nom générique d’anone regroupe de nombreuses espèces cultivées en Afrique, en Amérique ou en Asie, est rarement présent sur nos étales de par sa fragilité.

De forme ovale, sa peau est constituée d’écailles vertes et sa chair, parsemée de petites graines noires, présente une pulpe crémeuse et blanche. La peau de l’anone s’éclaircit en mûrissant.

Son goût, selon les espèces rappellerait un mélange de poire et de mangue selon certains, de fraise et de vanille pour d’autres, mais aussi de pêche, voire de banane ou de crème fraîche avec une touche acidulée et selon certains un arôme de clou de girofle… plutôt surprenant.

On peut dire que l’anone regroupe de nombreux fruits, proches au niveau de leur aspect, mais assez éloignés au niveau du goût.

Voici les quatre espèces les plus répandues sur nos marchés :

  • La chérimole (Annona cherimolia) est I’anone la plus connue et la plus appréciée des européens. De la taille d’une balle de tennis, elle est en forme de cœur et présente une écorce veloutée aux écailles vertes. Qualifiée de « délice même » par Mark Twain, sa chair fondante aurait une saveur de fraise, de rose et d’ananas. Introduit aux Antilles et en Asie par les Européens, au XVllle siècle, le chérimolier, répandu dans toute l’Amérique tropicale, serait originaire des Andes péruviennes.
  • La pomme-cannelle (Annona squamosa) est plus petite. Nommée « pinha », « pin » au Brésil, elle se recouvre de poudre blanche à maturité. Elle est si sucrée que les anglais l’appellent « sugar-apple ». Originaire d’Amérique tropicale, les Portugais l’introduisirent en Asie, puis les Français et les Anglais l’amenèrent dans les colonies africaines.
  • Le corossol épineux (Annona muricata) est conique et peut peser jusqu’à 5 kg . Il est hérissé de pointes. Mûr, il passe du vert au noir et dégage une odeur de térébenthine. Fibreuse, sa chair évoque le cassis et est très utilisée pour les sorbets et jus de fruits. Originaire de Colombie, ce corossol prospère en Amérique subtropicale. Son nom proviendrait de l’lle de Curaçao.
  • Le corossol « coeur de boeuf » (Annona reticulata) est plus large que haut. Son écorce est presque lisse et sa pulpe vire parfois au rose voire au rouge. Bien qu’agréable, il est moins dégusté que les autres.

On les trouve sur nos étals entre octobre et février. Lorsque l’écaille commence à se fendiller, c’est qu’il est mûr, bon appétit !

Un brin d'histoire

Montreuil vient du latin "Monasterolium", petit monastère.

On trouve une première trace de l’existence du village dans une ordonnance du roi mérovingien Thierry IV.

Le château de Vincennes, résidence des rois de France est situé sur le territoire de Montreuil au lieu-dit « la Pissotte ».

Louis IX (Saint-Louis) et sa mère Blanche de Castille assistent à toutes les fêtes carillonnées dans l’église Saint-Pierre-Saint-Paul, Charles V et sa femme Jeanne de Bourbon y sont baptisés en 1375.

Dès le XIVe siècle les habitants de Montreuil sont exemptés par lettres patentes, de toutes les impositions, logement et nourriture des gens de guerre "à condition qu'ils entretiendroient à leurs dépens les fontaines de Montreuil desquelles l'eau qui alloit au vivier de Vincennes s'écouloit jusqu'à la rue Pavée", ainsi que les conduites, tuyaux et regards par où passaient les "eaux bonnes à boire, consommées au Château".

A partir du XVIe siècle, Montreuil connaît le déclin, les rois de France délaissent Vincennes.

La ville cultive ses jardins. Il se développe sur le terroir du haut Montreuil la culture des pêches. La renommée et la fortune de certains va durer jusque dans les années 1950 grâce à ces fruits. Fournisseurs de la cour du roi de France de François 1er à Louis XVI les montreuillois exporteront leur production, après la Révolution, sur les tables du Tsar de Russie de la reine d’Angleterre et des épiceries de luxe parisiennes.

Après la Commune de 1871, à laquelle de très nombreux habitants participent, la cité s'industrialise et s’urbanise surtout dans le bas Montreuil.

La ville devient une pépinière industrieuse qui produit pêle-mêle alcools, biscuits, coffres-forts, confiserie, construction mécanique, vernis, ferblanterie, feutre, jouets en métal et poupées en porcelaine, pianos, scaphandres... et même du léopard de la Baltique !

Ses centaines d'ateliers et d'usines parmi lesquels Pernod, JEP, Kréma, BB Jumeau, ou Klein, au côté de Georges Méliès ou de Charles Pathé, pionniers du cinématographe, ont transformé l'ancien village agricole en une ville industrielle dont l'architecture modèle le Montreuil d'aujourd'hui.

Historique réalisé par M. Gilbert Schoon, Directeur du Musée de l'Histoire vivante de Montreuil.

La pêche
©Ooh collective

Un brin de poésie

Pêches de Montreuil
Paroles d’André CASSIN (années 1920).

Oui c’est à Montreuil que fut créée la femme
Le premier péché d’Eve fut consommé,
Croquant dans la pêche, elle faillit rendre l’âme ;
L’noyau avalé
Manqua de l’étouffer
Adam fit des efforts
Pour qu’elle respire plus fort.

Un jour Guillaume Tell armé d’une arbalète
Sans toucher son fils, devait à c’qu’on dit,
Descendre la pêche qu’il avait sur la tête
L’coup réussit
C’est pourquoi aujourd’hui
Les garçons sans pitié
Chez nous viennent chanter

A Montreuil les femmes sont les pêches, les pêches
Et comme Cupidon oui nous tâcherons
D’atteindre leur cœur, car nous leur lancerons
Des flèches, des flèches,
D’amour
Qu’elles garderont toujours.

Petit abécédaire

Ebourgeonnement : opération qui consiste à retrancher une partie des bourgeons, pendant la période de végétation, à l'effet de régler la pousse de l'arbre et de déterminer la position des branches, de faire reporter sur les bourgeons réservés ou sur les fruits la sève en circulation, ou enfin de donner aux fruits, lorsque les arbres en sont chargés, plus d'air et de lumière.

Effeuillage : Action de couper les feuilles sans ôter le pétiole, pour faire mûrir le fruit et laisser le soleil lui donner son coloris.

Ensachage : opération qui est apparue dans les années 1880 et qui consiste à mettre le fruit (pomme ou poire) dans un petit sac. Elle a pour but de le protéger des insectes, des maladies ou des coups de soleil tout en favorisant leur maturation. Ce procédé rend également la chair plus fine. L’ensachage se pratique de la mi-mai à la mi-juin.

Espalier : rangée d'arbres fruitiers dont les branches sont dressées et appliquées contre un mur ou sur un treillage.

Eventail : forme donnée par la façon de tailler les arbres. Au XVIIIe, elle était appelée « à la Montreuil ».

Le Quintinie : jardinier de Louis XIV à Versailles.

Noguet (le) : panier ovale en osier dans lequel sont déposées les pêches lors de la cueillette. Ses dimensions sont : 0,65 cm de long, 0,48 cm de large et 0,25 cm de profondeur.

Palissage à la loque : technique utilisée à Montreuil. La loque est une bande d’étoffe de préférence en laine, qui enveloppe la branche de l’arbre et la maintient au mur sans la blesser.

Palisser :Étendre les branches des arbres contre un mur, les dresser à l'aide de loques, ou de jonc, ou d'osier, ou de clous, arrangeant chaque branche avec ordre selon sa place, et lui donnant une certaine inclinaison ou la ligne droite, afin que l'arbre ait une forme régulière.

Serpette : outil utilisé pour le nettoyage et l’effeuillage du pêcher. L’égoïne peut aussi être utilisée.

Tatouage : opération développée au XIX qui consiste à fixer à la bave d’escargot selon la légende, à l’amidon selon des sources plus scientifiques, un dessin découpé dans du papier, qui sert de cache et empêche le soleil de colorer la pêche.

Sources

AUDUC, Arlette. -Montreuil patrimoine horticole : Seine-Saint-Denis. –Inventaire général, Victor Stanne Ed., 2003 [réimp.], 40 p.

BRUNET, Jacques / SAVARD, Nicole. Montreuil-sous-bois. Les Savard : Histoires de vies 1880-1930. -Valette Ed, 2005, 167 p.

Dictionnaire de la langue française d’Emile Littré, [rééd. 1872-1877], [en ligne], [réf du 23 août 2010], Disponible sur Internet : http://francois.gannaz.free.fr/Littre/accueil.php

Ville de Montreuil. -Le patrimoine horticole. -[en ligne], [réf du 23 août 2010], Disponible sur Internet : http://www.montreuil.fr/culture/patrimoine/le-patrimoine-horticole/

Site 123 Fruits. -Découvrez les différentes variétés et origines des fruits du monde : l’origine des fruits exotiques. -[en ligne], [réf. du 25 août 2010], Disponible sur Internet : http://www.123fruits.com/article.php3?id_article=51

Site 1001 fruits. -Pomme cannelle (Anone). -[en ligne], [réf du 25 août 2010], Disponible sur Internet : http://www.1001fruits.net/72-pomme-cannelle.html

Site Saveurs d’Asie. -Anone. -[en ligne], [réf du 25 août 2010], Disponible sur Internet : http://www.saveurasie.com/fruits-legumes/64-anone-cherimole-corossol-pomme-de-pain.html

Liens utiles

Site de la Société régionale d’horticulture de Montreuil :http://www.srhm.fr/histoire.htm

Site de la ville de Montreuil : http://www.montreuil.fr/

Site de l'association interprofessionnelle des Fruits et Légumes Frais : http://www.fraichattitude.com/

A écouter :

Eveline et Frédéric Paris, Devinez ce qu’il y a ?, Petite alouette, 1997.