Patrimoine culturel immatériel

Les maîtres-confiseurs à CambraiLes maîtres-confiseurs à Cambrai

  • « J’avais 10 ans, c’est un monsieur de 92 ans qui nous a appris comment fabriquer de la bêtise »
  • « Mon plus beau souvenir c’est le plus gros bonbon du monde, sur une remorque »
  • « La transmission c’est l’observation »

C'est quoi ?

Pour beaucoup de gourmands, Cambrai rime avec « bêtises ». Ce bonbon en forme de petit coussin a vu le jour vers 1850. C’est une délicieuse bêtise qui serait née d’une erreur de cuisson d’un apprenti confiseur. Traditionnellement à la menthe, elle a aujourd’hui démultiplié ses saveurs et l'on peut en déguster au chocolat, à la violette, la pomme, l’orange ou autres parfums de fruits.

©Bêtises de Cambrai-Afchain 1830
©Bêtises de Cambrai-Afchain 1830

La recette de la bêtise est restée inchangée jusqu’à ce jour. Elle est composée de sucre et de glucose, sans colorant, ni conservateur ou produit chimique.

Les confiseries Afchain et Despinoy perpétuent la tradition de la bêtise de Cambrai et s’en disputent la paternité, mais n’est-il pas plus amusant de faire une bêtise à deux ?

Ce bonbon figure à l'inventaire du Patrimoine Culinaire du Nord-Pas-de-Calais depuis 1992.

Les étapes de fabrication de la bêtise de Cambrai :

  • On fait bouillir le sucre et le glucose.
  • Bien mélangée, la pâte est refroidie sur une table afin de pouvoir la travailler plus aisément.
  • Une petite partie sera prélevée et colorée avec du caramel pour y apporter la teinte du filet de la bêtise.
  • La majeure partie de la pâte va être étirée et oxygénée.

©Ooh collective
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  • Ajout de la menthe, puis de la ligne de caramel.
  • La pâte est ensuite affinée, étirée et tourne mécaniquement jusqu'à être laminée.
  • La découpe de la bêtise.
  • L’emballage.
  • Les bêtises sont ensuite triées et conditionnées.

©Ooh collective
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Ça se passe où ?

La ville de Cambrai est située dans le département du Nord, dans la région Nord-Pas-de-Calais.

Un brin d’évasion

Les hosties citriques

Certains bonbons ont le pouvoir immédiat de nous transporter dans l’enfance. Ainsi sont les hosties citriques, spécialités belges également appelées UFO’s (ovni en français) à cause de leur forme en soucoupes volantes. Fabriquées à base de papier comestible, elles renferment une poudre citrique assurant la grimace... Avant la découverte des gélules, les pharmaciens utilisaient les hosties afin d’y cacher des herbes médicinales au goût désagréable.

Un brin d'histoire

« Au coeur de vastes plaines fertiles et au carrefour de plusieurs routes, Cambrai grandit sur les rives de l’Escaut.

Du castrum gallo-romain...

Cambrai est mentionnée pour la première fois au IIIe siècle sur une carte des voies et agglomérations de l’Empire Romain, la table de Peutinger. Il ne s’agit que d’une modeste bourgade située au croisement des routes menant à Bavay, Arras et Saint-Quentin. Lors des invasions franques au IVe siècle, elle devient chef-lieu des Nerviens à la place de Bavay. C’est probablement à cette époque que la première enceinte est élevée.

À la cité épiscopale

Au VIe siècle, Cambrai devient siège épiscopal et se développe autour de ses édifices religieux, dont la cathédrale et l’abbaye Saint-Aubert à proximité du noyau gallo-romain. L’église édifiée sur une éminence proche, le Mont-des-Boeufs, reçoit le corps de l’évêque Géry et devient le centre d’un pèlerinage important dédié au saint. À la fin de la période mérovingienne, l’ancien castrum et le Mont-des-Boeufs constituent ainsi les deux centres d’urbanisation de la ville.

L’essor urbain au Moyen Âge

Face aux invasions des IXe et Xe siècles, l’évêque Dodilon édifie une enceinte englobant le noyau primitif, la cathédrale et l’abbaye Saint-Aubert. Une autre muraille protège Saint-Géry au Mont-des-Boeufs. Entre ces deux pôles, des quartiers s’organisent. Le marché se développe sur la grande place ; les corps de métiers se regroupent par rues (rues des Rotisseurs, des Chaudronniers...). Au XIe siècle, une enceinte, renforcée au XIVe siècle, contient l’ensemble de la ville et en fige les contours.

Les mutations du XVIe au XVIIIe siècle

En 1543, Charles Quint fait démolir l’abbaye Saint-Géry et le quartier attenant pour construire une citadelle. Plus de 700 maisons disparaissent ainsi du paysage urbain. Dans le même temps, le système défensif de la ville est renforcé. La conquête française de 1677 induit un nouveau bouleversement. Les maisons à pignon sur rue sont proscrites et remplacées par une disposition des murs gouttereaux sur rue (rue des Capucins, rue des Anglaises...). Cette influence française caractérise également les reconstructions des abbayes du Saint-Sépulcre (actuelle cathédrale) et Saint-Aubert (actuelle église Saint-Géry). Vauban fait ajouter des ouvrages fortifiés, notamment autour de la porte de Paris. Lors de la Révolution, la plupart des édifices religieux, dont la cathédrale médiévale, sont vendus puis démolis. Certaines places, comme la place Jean Moulin, ont pour origine ces espaces devenus vacants.

Le démantèlement

En 1892, pour désengorger le centre-ville surpeuplé et aménager des axes rayonnants permettant de relier les faubourgs au centre, les fortifications sont démantelées. Elles font place à de larges boulevards. Certaines portes, aujourd’hui intégrées dans le tissu urbain, en sont les derniers témoins. Cette période de remodelage s’accompagne de la destruction d’immeubles vétustes et de l’embellissement d’anciens quartiers.

Cambrai aujourd’hui

Après les destructions de la Grande Guerre, l’architecte Pierre Leprince-Ringuet conçoit un programme urbain fonctionnel, redistribuant les fonctions administratives et commerciales autour de la Grand’Place. La deuxième reconstruction après 1945 engendre certaines modifications, comme la disparition de la place au Bois. Par la suite, des quartiers pavillonnaires se développent et un centre universitaire est créé dans les zones périphériques, confirmant la croissance urbaine de la ville. »

Ville de Cambrai. La formation d’une ville. -[réf. du 24 août 2011], [en ligne], disponible sur internet : http://www.villedecambrai.com/decouverte/historique/la-formation-dune-ville.html

©Ooh collective
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Un brin de poésie

LA COCCINELLE

Elle me dit : Quelque chose
Me tourmente. Et j'aperçus
Son cou de neige, et, dessus,
Un petit insecte rose.

J'aurais dû - mais, sage ou fou,
A seize ans on est farouche,
Voir le baiser sur sa bouche
Plus que l'insecte à son cou.

On eût dit un coquillage ;
Dos rose et taché de noir.
Les fauvettes pour nous voir
Se penchaient dans le feuillage.

Sa bouche franche était là :
Je me courbai sur la belle,
Et je pris la coccinelle ;
Mais le baiser s'envola.

- Fils, apprends comme on me nomme,
Dit l'insecte du ciel bleu,
Les bêtes sont au bon Dieu,
Mais la bêtise est à l'homme.

Victor Hugo,
Les Contemplations, 1856

Petit abécédaire

AFCHAIN : Confiseur reconnu inventeur des bêtises de Cambrai depuis 1889.

BILLON (Le) : Le billon est un jeu d’adresse traditionnel du douaisis et du cambrésis. Similaire au jeu de boules ce jeu d’adresse a pour but de lancer des sortes de massues appelées billons le plus près d’un poteau, la bute.

BÊTISE : l’étymologie du mot « bêtise » qui provient de « bête » pourrait avoir deux emplois particuliers dans le sens de la bêtise de Cambrai : soit parce que la création de ces bonbons est due à une erreur de dosage lors de la fabrication, soit par référence au sens de « babiole, petite chose, bagatelle ».

BONBON : Le mot bonbon vient simplement du redoublement enfantin de l’adjectif « bon ».

DESPINOY : Confiseur et créateur des bêtises de Cambrai. Née au début des années 1800, la confiserie Despinoy a retrouvé un nouvel essor sous la houlette de René CAMPION lors de sa reprise en 1972.

IN N’RAVISE POINT A EUNE GARBEE POU FAIRE IN BE DIZE : proverbe du Cambraisis qui signifie : « On ne regarde pas à la dépense pour arriver son but. » Caudry.

MARTIN ET MARTINE : Symboles de Cambrai, la légende raconte que ce couple de forgerons libéra la ville d’un seigneur tyrannique nommé Thun Lévêque en 1370. On peut admirer les géants Martin et Martine lors du défilé du 15 août.

©Ooh collective
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MATISSE (Henri) : Né en 1869 dans le Cambrésis, au Cateau. Matisse reprend le vitrail « Fleuve de vie » créé initialement pour la chapelle de Vence. Appelé « Les Abeilles », il est réalisé par Paul Bony en 1954-1955. « Ce vitrail a la valeur d’un symbole. J’ai fait le rêve de donner de la joie aux hommes. J’ai voulu créer au Cateau une féérie de couleurs qui serait comme un esprit de la lumière ».

MENTHE : selon la mythologie grecque, il semblerait que la menthe tienne son nom de la nymphe Minthê qui fut transformée en plante par Persépone (la femme d’Hadès) ou par Hadès lui-même (selon les versions) après avoir eu une liaison avec ce dernier.

PINTER (Klaus) : Artiste plasticien, sculpteur né en 1940 en Autriche. « Le Cocon », une sculpture suspendue translucide est éclairée par la lumière des vitraux de la chapelle des Jésuites pour laquelle elle a été conçue.

Sources

SKIRA, Pierre. -Rêves sucrés...bonbons et sucettes du monde. -Editions Viviane Hamy, 2009, 231 p.

INGHELRAM, Liesbeth / INGHELRAM Robert. -Sweet Belgium. -Editions Stichting Kunstboek, 2008, (Hostie citrique, p 306)

BARALLE, Bernard. -Proverbes et expressions du Nord-Pas-de-Calais en patois : anthologie de 2500 proverbes, dictons, locutions, formules. -Editions Nord Avril, 2006, (Le Cambraisis, p. 359)

Confiserie Despinoy. -[réf. du 24 août 2011], [en ligne], disponible sur internet : http://www.betises-cambrai-despinoy.fr/notre-histoire.php

Société de javelot et de billons. -Qu'est-ce que le billon ? -[réf du 24 août 2011], [en ligne], disponible sur internet : http://les-houilleres.chez-alice.fr/regles.htm

Centre national de ressources textuelles et lexicales. -[réf. du 24 août 2011], [en ligne], disponible sur internet : http://www.cnrtl.fr/etymologie/b%C3%AAtise

Liens utiles

Site de la ville de Cambrai : www.villedecambrai.com

Site de la confiserie Afchain : www.comptoirdesflandres.fr

Site de la confiserie Despinoy : www.betises-cambrai-despinoy.fr

Site de l’office de tourisme du Cambrésis: www.tourisme-cambrai.fr

Site de Klaus Pinter : www.klauspinter.net

À écouter

Frédéric et Eveline Paris, Bergeronnette, Petite alouette 2 - Belle pomme d'or, L’autre distribution, 2007