Patrimoine culturel immatériel

L’art de la coiffe en pays bigoudenL’art de la coiffe en pays bigouden

  • « Ce n’est pas facile une voiture pour les bigoudènes »
  • « J’ai surtout commencé lorsque ma tante a cessé de porter la coiffe et le costume»
  • « Ce n’est pas une histoire de nostalgie, c’est construire l’avenir sans oublier le passé »
  • « À travers les cercles celtiques, je pense que cette tradition ne se perdra pas »

C'est quoi ?

La coiffe bretonne serait apparue au cours du XVIIe siècle, mais c’est à la fin du XVIIIe que semble se dessiner la coiffe de Pont-l’Abbé. Le nom de bigouden lui vient probablement du nom breton de la pointe qui la surmontait à l’époque.

©Ooh collective
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Très basse au début du XIXe siècle, elle atteint 35 voire 38 cm à la fin du XXe. L’activité des grosses conserveries permettait aux jeunes du pays de rester travailler sur place sans avoir besoin de partir. Ce sont ces journées de travail qui ont vu naître un jeu de rivalité, une émulation entre les jeunes filles, chacune rajoutant un centimètre de plus à sa coiffe, lançant ainsi une nouvelle mode. C’est comme ça qu’entre 1920 et 1940, la coiffe a pris de nombreux centimètres...

Cependant, « une légende veut que ce soit en réaction à l’arbitraire de Louis XIV qui, en 1675, réprima fort brutalement la révolte, appelée la révolte du papier timbré, qui embrasa toute la Bretagne après l’instauration d’impôts nouveaux. Le dernier bastion qui refusa de rendre les armes fut le pays Bigouden en représailles de quoi le Roi Soleil fit raser quelques clochers (comme celui de la chapelle de Languivoa à Plonéour Lanvern).

C’est en souvenir de cette rébellion et de ses conséquences que les femmes auraient fait prendre de la hauteur à leurs coiffes symbolisant ainsi les clochers abattus. [...]

Toutes les petites filles, vers 5-6 ans au début du XXe siècle, 8-10 ensuite, abandonnaient le bonnet de leur enfance pour porter la coiffe qui ne les quitterait plus. Et ce jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale. [...]

©Ooh collective
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S’équiper [de ces coiffes] est tout un art et la liste des éléments qui la composent est conséquente : un koeff bléo (bonnet), un peigne courbe servant de base, un daledenn (bande de tissu située à l’ arrière de l’« édifice ») pour masquer les cheveux, la koeff (coiffe), qui sera auparavant amidonnée et passée entre les mains expertes de la repasseuse, les deux lasenn (longs rubans appelés lacets), sans oublier les épingles en bon nombre (dont certaines à tête nacrée) pour tenir arrimé le tout. Le bonnet est toujours en velours noir mais il peut être brodé, enjolivé de paillettes. [...] Les broderies plus ou moins raffinées qui les ornent ont des significations bien précises. Il y a la coiffe ordinaire comportant de simples ornements et la coiffe de cérémonie et ses lacets richement et diversement travaillés. Pour le deuil on affiche une grande sobriété, les lacets restent unis, les discrètes broderies de la coiffe représentent des motifs particuliers, toujours disposés de la même manière. Et jusque dans les années 20-30 les koeff lienn melenn (coiffes de deuil) n’étaient pas blanches mais en toile jaune orangé. [...]

L’opération de la pose, délicate, se déroule de la façon suivante : le koeff bléo noué sous le menton laisse déborder des crans sur le front et de chaque côté du visage ; il est recouvert à l’arrière par les cheveux lissés, remontés jusqu’au sommet du crâne et retenus par un ar vouloutenn (ruban de velours) qui ceint le peigne ; sur celui-ci on fixe le dalédenn puis la koeff elle-même avec les épingles ; puis les lasennou maintenant le tout viennent se nouer sous le menton en laissant bouffer un lagadenn (gros noeud) sur le côté. [...] »

Texte de Jeannine Yannick. -[réf. du 24 août 2011], [en ligne], disponible sur internet : http://decouvrir.othpb.com/La-coiffe-bigouden

Ça se passe où ?

Le Pays bigouden est la région qui s’étend au sud-ouest du Finistère. Pont-l’Abbé est le chef-lieu de canton du Finistère, en Cornouaille sur la rivière Pont-l’Abbé. Il doit sont nom aux moines de Loctudy et aux Barons du Pont qui bâtirent le premier pont sur la rivière : pons Abbatis, le pont de l’abbé.

©Ooh collective, Pont-l’Abbé
©Ooh collective, Pont-l’Abbé

Un brin d’évasion

Taguelmoust
© Encre de Malik André - donner une Signature

Loin des embruns bretons, d’autres hommes foulant des pieds les dunes désertiques du Sahara et portant le nom d’« hommes bleus », ne se découvrent traditionnellement jamais la tête. Ce surnom a été attribué aux Touaregs en référence au chèche et à la tunique indigo qui colore leur peau. Ce turban, appelé également taguelmoust est long de plusieurs mètres et s’enroule sur la tête afin de les protéger du vent, du sable, de la chaleur et du froid. Le chèche peut être de différentes couleurs. Le blanc est un signe de respect, le bleu composé de lin est porté les jours de froid car il est plus chaud et les jours de fête.

Dans la culture musulmane, le turban a également l’usage de pouvoir être transformé en linceul permettant à celui qui trouve le corps de l’y envelopper et de l’enterrer à même la terre selon les rites exigés.

Un brin d'histoire

Histoire du Pays Bigouden

« Au Paléolithique :

Au début de cette ère, l'océan se situe 5 à 10 mètres au-dessous du niveau actuel. Une population sans doute clairsemée habite la région, ces hommes installés sur le littoral sont des chasseurs-pêcheurs-cueilleurs semi-nomades, ils sont contemporains de l'homme de Tautavel.

Malheureusement la remontée des eaux de la mer à la fin de l'époque glaciaire a probablement détruit leurs campements. On retrouve des traces de vies sur le site de Menez Drégan à Plouhinec (commune voisine de Plozévet).

Au Néolithique :

Un peuple mal connu venant de l'Est s'installa dans le pays, il devait avoir atteint un certain degré de civilisation pour déplacer et mettre debout des pierres dont le poids avoisinait les 200 tonnes. Pendant près de 200 ans ils recouvrirent le sol de menhirs et de dolmens, ce sont les premiers monuments de pierre construits en Europe. Ils introduisirent également une nouvelle religion et des usages funéraires nouveaux.

L'âge du fer :

Cette civilisation fut remplacée par des hommes qui avaient des armes et des outils de fer, c'était les Gaulois ou les Celtes. Ils ont laissé de nombreux vestiges dans la région. Ce sont eux qui ont donné le nom d'Armorique ce qui veut dire "Pays au bord de la mer.

50 av. J.-C. :

Les romains envahirent toute la Bretagne pendant près de 500 ans.

Au moment de l'invasion, les Romains construisent de nombreux camps.

Une voie romaine partait de Quimper et aboutissait à la Pointe de Penmarch en passant par Pont-l'Abbé.

En 1589 :

Le brigand La Fontenelle terrorisa la région et détruisit Penmarch.

L'agglomération était trop étendue pour qu'une enceinte la protégeât, chaque maison était fortifiée individuellement, La Fontenelle s'en empara par surprise, il tue 5 000 paysans, brûla 2 000 maisons et chargea 300 barques de butin.

En 1596, il massacre 1500 paysans de Plogastel-Saint-Germain. Pour se venger la garnison de Pont-l'Abbé va l'assiéger dans son repaire de Douarnenez.

En 1613 :

Évangélisation de la région par le révérend Père Le Nobletz.

En 1675 – La révolte des Bonnets Rouges :

Louis XIV créas de nouveaux impôts pour financer la construction du château de Versailles et le luxe de la cour, il fallut désormais employer du papier timbré pour rédiger les actes, l'État prit le monopole de la vente du tabac et établit un droit sur l'usage de la vaisselle d'étain. Ces nouvelles taxes causèrent un vif mécontentement, Les paysans se révoltèrent et établissent un programme de revendications populaires intitulé " Le Code Paysan ", rédigé à N.-D. de Tréminou, près de Pont-l'Abbé. Lors de la révolte dite du " Papier timbré " ou des " Bonnets rouges ", des nobles furent maltraités, Le château du pont est pillé et incendié.

En représailles, le duc de Chaulnes, gouverneur de Bretagne, fit pendre les meneurs qui ne purent pas s'enfuir, puis fait découronner les clochers des paroisses rebelles : Combrit (reconstruit un siècle plus tard), Lambour en Pont-l'Abbé, Lanvern et Languivoa en Plonéour.

En souvenir de cette révolte, les bigoudènes portent une coiffe démesurément allongée. »(1)

©Musée Bigouden
©Musée Bigouden

« À la fin du XVIIIe siècle et pendant le XIXe siècle, l’introduction de la pomme de terre dans le Pays Bigouden enrichit le port de Pont-l'Abbé : la capitale bigoudenne exporte des pommes de terre dans tous les ports de France et d’Angleterre. Ce qui n’est pas sans provoquer des émeutes en 1847, quand on charge des navires de pommes de terre ... alors que la population en est dépourvue ! Aujourd’hui encore la pomme de terre fait vivre des paysans dans la région de Pont-l’Abbé.

Au début du XXe siècle, les difficultés de la pêche entraînent une grande misère dans le Pays Bigouden. Des religieuses introduisent alors une nouvelle activité pour donner du travail aux femmes : la dentelle. Les dentellières bigoudennes exécutent des napperons, des nappes, des petits ouvrages en dentelle, réputés dans le monde entier. En 1960, ce sont pas moins de 5000 bigoudennes qui travaillent la dentelle à domicile ! Aujourd’hui l’activité s’est nettement réduite, mais on trouve encore quelques femmes qui pratiquent la dentelle en travail d’appoint. »(2)

©Ooh collective
©Ooh collective

(1) Office du tourisme du Haut Pays Bigouden. -[réf. du 24 août 2011], [en ligne], disponible sur internet : http://www.othpb.com/fr/decouverte/histoire/chronologie.html

(2) Texte d’Olivier Thierry. -[réf. du 24 août 2011], [en ligne], disponible sur internet : http://www.terresceltes.net/Pont-l-Abbe.html

Un brin de poésie

AR PLAC’H IFERNIET
Marie-Aline Lagadic, Lisette Floc’h - Penmarc’h

J’ai entendu de nombreuses fois ma grand-mère et mes tantes chanter cette chanson à l’unisson. Cependant, monsieur Pierre Boennec, directeur à la retraite de Saint-Guénolé, m’a précisé que les femmes demandaient à l’une des meilleures chanteuses de l’usine de la chanter seule. Les femmes ne sachant pas le français ont composé un air à la mode sur ce chant, un des plus ancien du répertoire.

Gwechall ‘voe daou zen yaouank n’em heuliañ noz ha deiz
Ha na vize ket ganto kalz a gomzoù Doue. (2 w)

Met dont a rae ar marv da lak’ an disparti,
Nag a varvas ar fumelenn charmant ha disoursi.

An den yaouank pa welas ‘voe marv e vestrez,
En em daolas er gouant etouez an dud santel.

Da bediñ ar Werc’hez Vari, da bediñ noz ha deiz,
Da zizirout gwel e vestrez ‘giz pa voe e buhez.

Dre forz da bediñ,Doue da bediñ noz ha deiz,
Mag eo erruet gantañ an Diaoul miliget.

Petra roit din den yaouank, petra roit an asurañs,
He me ‘raio dit gwel da vestrez ‘giz pa voe n’he ofañs.

Me ‘zo ur minorig bihan ha ‘meus ket ar voian
Nemet ur c’hozh plañtinenn friset en aour melen.

Roit’ ‘ne(z)hi din ‘ta, den yaouank, roit ‘ne(z)hi en asurañs,
Ha me raio dit gwel da vestrez ‘giz pa voe n’he ofañs.

Hag eñ ‘gragas en ennañ ‘giz krag en ur bugel,
Hag eñ en savas ‘n(z)han dre ur montagn braz huel.

Hag en tu all d’ar montagn ‘voe ur alle kaer meurbet,
Hag en tu all d’an alle, ‘voe dorioù siellet.

Hag en tu all d’an alle, ‘voe dorioù siellet.
Na c’helle den digor’ nemet an Diaoul miliget.

O salud deoc’h ma mestrez, ha c’hwi a-peus poan,
Hervez al liou a zougez emaoc’h e-kreiz an tan.

Me ‘meus laket pedennoù partout dre ar parrezioù
Evit ho telivriñ, ma mestrez deus an holl boanioù.

Ha pa lakfez pedennoù partout etre ar bed,
Un ene pa z eo daonet na n’eus pardon ebet.

Autrefois il y avait deux jeunes gens qui se suivaient nuit et jour
Et ils ne faisaient pas cas de la parole de Dieu

Mais la mort vint les séparer

Et la jeune fille charmante et insouciante mourut

Quand le jeune homme vit que sa maîtresse était morte,
Il entra au couvent parmi les homme saints

Pour prier la Vierge Marie, pour prier nuit et jour
Pour désirer voir sa maîtresse comme de son vivant

À force de prier Dieu de prier nuit et jour
Le Diable maudit lui apparut


Que me donnerais-tu jeune homme que me donnerais-tu en garantie
Si je te faisais voir ta maîtresse comme lorsqu’elle péchait

Je ne suis qu’un pauvre orphelin et je n’ai pas les moyens
Excepté une vielle patène
(1)ciselée dans de l’or fin

Donne la moi, jeune homme donne la en garantie
Et je te ferai voir ta maîtresse comme lorsqu’elle péchait

Et il l’attrapa comme attraper un enfant
Et il le souleva par dessus une haute montagne

De l ‘autre côté de la montagne il y avait une très belle allée

 

De l’autre côté de l’allée, il y avait des portes scellées
Que nul ne pouvait ouvrir sauf le Diable maudit

O bonjour ma maîtresse, vous souffrez
D’après votre mine, vous êtes au milieu du feu

J’ai mis des prières partout à travers les paroisses
Pour vous délivrer ma maîtresse de tous vos maux

Et quand vous mettriez des prières partout à travers la Terre
Une âme qui a péché, n’a jamais de pardon

(1)Petit plat rond destiné à recevoir l’hostie.

Petit abécédaire

AR VOULOUTENN : ruban de velours

BIGOU / BIGOUDEN : partie supérieure de la coiffe de Pont-l'Abbé.

BOUD-RADENN / BOURRADEN :  feuille de fougère symbolisant l’abondance, motif décoratif des broderies bigoudènes.

COIFFE DE L’ÎLE DE SEIN : La Jibilinen est en fait la coiffe de deuil de tout le Cap sizun. Sur le continent elle se posait sur la coiffe ordinaire et blanche, la capenn.

Suite à une terrible épidémie  de choléra en 1886, les îliennes n’eurent plus jamais le cœur de reporter la fine coiffe blanche. Cependant, pour montrer qu’elle n’était pas utilisée en coiffe de deuil, les deux longues ailes étaient remontées de chaque côté de la tête.

COIFFE DE SAINT-POL-DE-LÉON : appelée chikolodenn, cette coiffe est composée d’un large ruban noué qui peut soit retomber en encadrant la poitrine soit être relevé sur la tête.

FEROUREZ : repasseuse de coiffes

KOEFF/ KOEF : coiffe

KOEFF BLEO : bonnet

KOEFF LIENN MELENN : coiffes de deuil

KORNOU MAOUT / KORN MAOUT : corne de bélier

KRIB : du vieux breton crip, « peigne, crête ».

LAGADENN : gros noeud

LASENN : longs rubans appelés lacets

PLEON PAVENN : plume de paon

Sources

DI NAPOLI, Marc (peintures) / CASTEL, Yves-Pascal. -Coiffes et costumes de Bretagne : regards d’aujourd’hui. -Editions Equinoxe, 2003, 120 p.

DESHAYES, Albert. -Dictionnaire étymologique du breton. -Editions du Chasse-marée, 2003, 592 p.

Liens utiles

Site de la ville de Pont-l’Abbé : www.ville-pontlabbe.fr

Site du musée bigouden : www.ville-pontlabbe.fr/musee/?cat=101

La maison du costume breton : www.lamaisonducostumebreton.fr

Site de l’office du tourisme du Haut Pays Bigouden : www.hautpaysbigouden.com

Site Découvrir le Haut Pays Bigouden : http://decouvrir.othpb.com/

Site des Terres celtes: www.terresceltes.net

Site infoBretagne : www.infobretagne.com

Site du Pays Bigouden : www.lepaysbigouden.com

Site myspace de Marie-Aline Lagadic : www.myspace.com/mariealinelagadic

Site myspace de Klervi Rivière : www.myspace.com/klerviriviere

À écouter

Marie-Aline Lagadic / Klervi Rivière, Ar plac’h iferniet, Le chant des sardinières (chants traditionnels d’ouvrières en Basse Bretagne1860-1960), Keltia musique, 2006