Patrimoine culturel immatériel

L'art de la marionnette à Charleville-MézièresL'art de la marionnette à Charleville-Mézières

  • « ça se passait dans le grenier de chez mes parents »
  • « Je suis devenu conteur par mon métier d’enseignant »
  • « Mon plus beau souvenir ? Un personnage humain qui se transformait en oiseau »

C'est quoi ?

La marionnette a toujours fait partie de l’Histoire de l’humanité. Présente dans le monde entier, elle va bien au-delà du langage théâtral et incarne le monde du concret et de l’invisible, les croyances magiques, religieuses, spirituelles, philosophiques et bien entendu artistiques.

L’inanimé animé donne vie à tous les possibles de l’humain. Au centre de rituels funéraires ou festifs, elle cristallise les angoisses et les questionnements de l’homme face à la vie et à la mort. Rendant l’irréel réel, elle est le prolongement de notre intérieur et ouvre avec magie le chemin de notre imaginaire.

Marionette en laine ©Ooh collective
©Ooh collective

À Charleville-Mézières, tout a commencé par une rencontre qui a su générer la passion d’une vie. C’était en 1941, Jacques Félix, un jeune homme de 17 ans alors animateur de groupe de jeunes adolescents, découvre la marionnette lors d’un stage donné à Nancy par le maître marionnettiste Geo Condé. Ce dernier lui transmet la technique de construction des marionnettes brodées laine. Cette même année, Jacques Félix et sept de ses amis produisent une dizaine de spectacles alliant le chant, le mime, la marionnette et le jeu de clown.

Quatre ans plus tard, Jacques Félix fonde la compagnie des Petits Comédiens de Chiffon qui remporte un grand succès en 1947 en jouant Les Gueux au paradis au théâtre municipal de Charleville. En 1955, la troupe créée le spectacle Les quatre Fils Aymon qu’elle présente à Paris au Palais de Chaillot puis à Liège en 1958 dans le cadre du Festival International des Marionnettes. Reconnus par les professionnels, les Petits Comédiens de Chiffons sont invités à l’étranger.

Jacques Félix, élu membre du conseil municipal de Charleville-Mézières, réussit petit à petit à allier ses deux passions : les marionnettes et sa ville, avec la complicité du maire de l’époque André Lebon.

En 1961, les Petits Comédiens de Chiffon accueillent le deuxième congrès national du Syndicat des guignolistes et marionnettes français, donnant ainsi vie au premier festival international français et liant une ville à un art en perpétuelle évolution et pourtant mal connu du public : les marionnettes. Fort de ses compétences et de ce don qui est de savoir s’entourer et fédérer les passions qui permettent de renverser les montagnes, Jacques Félix donne vie au Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes quelques années plus tard en 1972, lançant ainsi une longue aventure qui perdure encore aujourd’hui.

Depuis la première édition, les exigences du festival sont d’offrir aux spectateurs une fenêtre ouverte sur le monde en invitant le meilleur des compagnies françaises et étrangères en mettant en avant leur capacité d’innovation sans renier les racines de leur art. En effet, les techniques traditionnelles restent présentes avec les marionnettes à gaines, à tringle, à fil, les marionnettes portées et le théâtre d’ombre. Le festival s’ouvre également sur les évolutions de contemporaines de cet art en présentant les dernières innovations.

En 1980, l’Union Internationale de la Marionnette (UNIMA) installe son secrétariat permanant à Charleville-Mézières. Un an plus tard, l’Institut International de la Marionnette, un lieu de création, de formation et de recherche, ouvre ses portes, suivi en 1987 par l’École Supérieure Nationale des Arts de la Marionnette.

« Avec l’Amitié et la Volonté, les utopies les plus grandes deviennent réalité… » Jacques Félix

Ça se passe où ?

©Ooh collective, Place de la gare à Charleville-Mézières
©Ooh collective, Place de la gare à Charleville-Mézières

Capitale mondiale des arts de la Marionnette, cité natale d’Arthur Rimbaud, Charleville-Mézières est le chef-lieu du département des Ardennes.

C'est quand ?

Sur un rythme triennal depuis 1972, le Festival devient biennal en 2009 fêtant ainsi en 2011 ses 50 ans.

©Festival mondial de théâtre de marionnettes de Charleville-Mézières,  Affiche de 1976
©Festival mondial de théâtre de marionnettes de Charleville-Mézières,  Affiche de 1976

Un brin d’évasion

Autre lieu, autre homme, mais également une histoire de passion, de rencontres, de création et de partage. C’est en 1947 que Jean Vilar fonde le Festival d’Avignon avec l’idée de créer un lieu de théâtre différent de celui qui se pratique à Paris. " Redonner au théâtre, à l'art collectif, un lieu autre que le huis clos (…) ; faire respirer un art qui s'étiole dans des antichambres, dans des caves, dans des salons ; réconcilier enfin, architecture et poésie dramatique".

Conscient du danger de la routine, il invite sans cesse de nouveaux metteurs en scène, ouvre de nouveaux espaces scéniques et intègre même d’autres arts tels que la danse, le théâtre musical ou le cinéma.

La Chartreuse de Villeneuve lez Avignon, devient le Centre international de recherches de création et d'animation, lieu de résidence pour les artistes, elle organise aussi des expositions, des concerts et propose chaque été dans le cadre du festival, des Rencontres internationales.

Parallèlement au festival, le « off » se développe. Des compagnies de plus en plus nombreuses profitent du public du festival et apportent créativité, vie et festivités qui aujourd’hui, font partie intégrante du festival.

C’est en 2004 qu’Hortense Archambault et Vincent Baudriller reprennent la direction du Festival. Ils placent au cœur de leur démarche la rencontre entre la création artistique et un large public et inventent le Festival en compagnie des artistes. Mais aujourd’hui encore, la création contemporaine reste au coeur du festival.

Un brin d'histoire

Histoire de Charleville-Mézières

C’est en 1606 sur la petite principauté d’Arches que Charles de Gonzague, prince de Nevers et duc de Mantoue décide de créer une ville nouvelle, basée sur la symétrie et sur l’ordre classique. C’est ainsi que Charleville, cité articulée autour de la place Ducale, voit le jour. Grâce à certains privilèges, Charles de Gonzague réussit à attirer commerçants et artisans, au détriment de la ville voisine de Mézières.

Cette dernière, ville moyenâgeuse, avait été un véritable centre économique jusqu’au XVIe siècle. Située sur les bords de la Meuse, ses cinq ports permettaient un commerce important de marchandises entre la France et l’Empire. En 1521, Bayard réussit à briser le siège des troupes de Charles Quint. Prenant alors conscience de la force militaire de Mézières, la France renforce les fortifications et érige la citadelle en 1590, mais enserrée, la ville ne se développe plus et commerçants, artisans et main d’œuvre de qualité, souvent chassés par la construction de la citadelle, s’installent à Charleville.

Concurrentes, mais liées dans leur croissance et leur destin, Mézières et Charleville ont été unies pour le meilleur en 1966 et constituent aujourd’hui, avec Étion, Mohon et Montcy Saint Pierre, la ville chef-lieu du département des Ardennes.

La création du Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes en 1961 a eu un impact majeur sur la vie culturelle de la ville de Charleville-Mézières.
Après la création de l’Institut International de la Marionnette en 1981, l’École Supérieure Nationale des Arts de la Marionnette en 1987, l’année 1991 voit l’inauguration d’un automate géant « Le Grand Marionnettiste ». Cette œuvre conçue à la demande de Jacques Félix a été créée par Jacques Monestier et présente chaque jour en douze tableaux la légende ardennaise des quatre fils Aymon.

Charleville-Mézières est aujourd’hui devenue la « capitale mondiale des arts de la marionnette ».

Un brin de poésie

L'étoile a pleuré rose ...

L'étoile a pleuré rose au cœur de tes oreilles,
L'infini roulé blanc de ta nuque à tes reins ;
La mer a perlé rousse à tes mammes vermeilles
Et l'Homme saigné noir à ton flanc souverain.

Arthur Rimbaud
né à Charleville-Mézières en 1854.

Petit abécédaire

BODSON (Lucile) : Directrice de L’Institut International de la marionnette depuis 2003.

CABANIS (Anne-Françoise) : Directrice du Festival Mondial des Théâtre de Marionnettes de Charleville-Mézières depuis 2008.

CONDÉ (Geo) - 1891-1980 : Marionnettiste, peintre, sculpteur, céramiste et musicien. Fondateur de la compagnie « Le Théâtre de la Maison de Lorraine », Georges Condé, dit Geo Condé forme Jacques Félix (futur créateur des Petits Comédiens de Chiffons et du Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes de Charleville-Mézières) aux techniques de la marionnette. Sa compagnie proposera des spectacles de marionnettes à fils et à gaines pour tous les âges jusque dans les années 60.

FÉLIX (Jacques) – 1923-2006 : Marionnettiste et créateur. Créateur de la compagnie des Petits Comédiens de Chiffons, en 1941 (officiellement en 1945), créateur du Festival Mondial des Théâtre de Marionnette de Charleville-Mézières en 1961, fondateur de l’Institut International de la marionnette en 1981 et de l’Ecole Supérieure des Arts de la Marionnette avec Margareta Niculescu en 1987. Jacques Félix a été secrétaire général de l’Union Internationale de la Marionnette (UNIMA) de 1980 à 2000.

©Festival mondial de théâtre de marionnettes de Charleville-Mézières,  Jacques Félix
©Festival mondial de théâtre de marionnettes de Charleville-Mézières,  Jacques Félix

FÉLIX (Jean-Luc) : président du Festival mondial des théâtres de marionnettes de Charleville-Mézières, plasticien, scénographe, sculpteur et fils de Jacques Félix.

GONZAGUE (Charles de) : prince de Nevers et duc de Mantoue, fondateur d’une cité nouvelle en 1606 : Charleville.

MARIONNETTE À TRINGLE : La marionnette prend vie manipulée à l’aide d’une tringle et de fils. Le théâtre de marionnettes siciliennes "Opera dei Pupi", dont les mises en scène recherchées se rapprochent de la commedia dell’arte, a été élu en 2001 Chef-d'œuvre
du patrimoine oral et immatériel de l'humanité.

MARIONNETTE À FILS : La marionnette prend vie, manipulée à l’aide de fils. La marionnette est entièrement reliée à des fils et manipulée à l’aide d’un contrôle en forme de croix.

MARIONNETTE À GAINE : Cette marionnette, dont Guignol et Polichinelle sont les fiers représentants, est composée d’une tête creuse et d’un costume fixé à la base du cou. La main du manipulateur est cachée à l’intérieur de la marionnette, un ou deux doigts passés dans le cou et les autres dans les bras.

©Anik Rubinfajer, Marionnette à tige - Michèle Nguyen
©Anik Rubinfajer, Marionnette à tige - Michèle Nguyen

NICULESCU (Margareta) : metteur en scène et pédagogue. Elle étudie la mise en scène à l’IATC de Bucarest (Roumanie), et devient metteur en scène et directrice du théâtre Tandarica de Bucarest. Elle devient la directrice de l’IIM (Institut International de la Marionnette) de 1985 à 1998 et est, avec Jacques Félix, la fondatrice de l’ESNAM (École Nationale Supérieure des Arts de la Marionnette) dont elle devient la directrice de 1987 à 1998. Selon Jean-Luc Félix, fils de Jacques Félix : « Sans Margareta rien n’aurait pu se faire ». Margareta Niculescu dirait surtout « Avec Jacques tout a pu se faire ».

THÉÂTRE D’OMBRES CHINOISES : Son histoire remonte à plus de 2 000 ans. La légende raconte que vers la fin de la dynastie Qin (221 av. J.-C. à 206 apr. J.-C.), les armées Chu et Han sont entrées en guerre. Le chef de l'armée Han fit ériger des milliers de personnages en cuir sur le haut de ses fortifications dans le but de décourager l’ennemi, qui découvrant une armée aussi nombreuse, battit en retraite.

WEBER (Raymond) : Président de l’institut International de la Marionnette depuis 2007.

©Ooh collective, Charleville-Mézières
©Ooh collective, Charleville-Mézières

Sources

Institut International de la Marionnette. -La marionnette dans la rue. -Puck : la marionnette et les autres arts, n°12, 1999, Editions L’entretemps, 111 p.

Institut International de la Marionnette. -Les mythes de la marionnettes. -Puck : la marionnette et les autres arts, n°14, 2006, Editions L’entretemps, 174 p.

BODSON, Lucile / NICULESCU, Margareta / PEZIN, Patrick (sous la dir.). -Passeurs et complices : Passing it on. -La main qui parle coll., Editions de l’Institut international de la marionnette, Editions l’Entretemps, 2009, 299 p.

CABANIS, Anne-Françoise / FELIX, Jean-Luc / VAILLANT, Philippe (sous la dir.). -Naissance d’un festival Jacques Félix, marionnettiste et « créateur » : mémoires et témoignages 1961-2011. -Editions Les 3 mondes, 2011, 160 p.

LEFORT, Stéphanie. -Marionnettes : le corps à l’ouvrage. -Editions A La Croisée, 2007, 126 p.

FRELAND, François-Xavier. -Saisir l’immatériel : un regard sur le patrimoine vivant. -Unesco, 2009, 351 p.

DECOMBE, Christian / DEMET, Marie-Martine. -Pays de France : à la découverte du patrimoine régional. -Edité par la Caisse nationale de Crédit Agricole, 2001, 317 p.

Mairie de Charleville-Mézières. -Présentation générale.-[réf. du 26 août 2011], [en ligne], disponible sur internet : http://www.charleville-mezieres.fr/Decouverte-de-la-ville/Presentation-de-la-Ville/Presentation-generale

Festival d’Avignon. -Les origines. -[réf. du 26 août 2011], [en ligne], disponible sur internet : http://www.festival-avignon.com/fr/History/8

Chine information. -Théâtre d’ombres chinoises. -[réf. du 26 août 2011], [en ligne], disponible sur internet : http://www.chine-informations.com/guide/theatre-ombres-chinoises_197.html

Liens utiles

Site de la ville de Charleville-Mézières : www.charleville-mezieres.fr

Site du festival mondial des théâtres de marionnettes : www.festival-marionnette.com

Site de l’institut international de la marionnette : www.marionnette.com

Site de Jacques Monestier, Conception et réalisation du "Grand Marionnettiste": http://www.jacques-monestier.com/fr/reportages/marionnettiste_crea.php

Site myspace du Collectif Markus : http://www.myspace.com/collectifmarkus

Site du Grand Barbichon Prod’ : www.legrandbarbichonprod.com

À écouter

Collectif Markus, Ridées 6 temps, Le bal du printemps, Le Grand Barbichon Prod’, 2007