Patrimoine culturel immatériel

Les mères nourricières du MorvanLes mères nourricières du Morvan

  • « Monsieur MATTE qui a été mon père nourricier travaillait à Saulieu et c’est là qu’il m’a choisi pour être élevé chez lui »
  •  « J’étais jumelle, et je lui ai tendu les bras et lui ai dit Papa, et il a été tellement ému qu’il m’a gardée »

C'est quoi ?

La femme morvandelle a été pendant longtemps recherchée pour ses qualités de nourrice.

L’histoire de la nourrice aurait débuté dès le XIIIe siècle, mais c’est au début du XIXe que de nombreuses régions françaises fournirent des nourrices à l’aristocratie.

Issues des milieux pauvres, ces jeunes femmes qui se devaient d’être jeunes mères afin d’avoir du lait, permettaient ainsi d’améliorer les revenus de sa famille. Il leur fallait certes quitter le bébé dont elles venaient d’accoucher, mais le salaire important leur permettait de subvenir largement aux besoins de leur famille et d’améliorer leur mode de vie. Certaines partaient donc pour la capitale, d’autres restaient sur place et accueillaient chez elles un enfant de la bourgeoisie ou un enfant de l’Assistance dont elles prenaient soin en échange d’une rétribution.

©Ooh collective, Le Parc du Morvan
©Ooh collective, Le Parc du Morvan

La nourrice sur lieu

Lorsqu’elle part pour la ville, la nourrice est traitée comme une domestique privilégiée. Elle reçoit des habits élégants et des accessoires, permettant ainsi à la famille de montrer son rang social à travers ses atours. Afin que son lait soit le meilleur, la nourrice est bien nourrie et ne doit pas se fatiguer. Elle vit avec le nourrisson qu’elle allaite et se doit d’être discrète et posée.

Certaines d’entre elles reviennent au pays instruites, ayant parfois appris à lire et à écrire en profitant des cours donnés par le précepteur des enfants, elles ont pu voyager à l’étranger lorsque ses employeurs devaient se déplacer et ont profité du statut social de la famille pour laquelle elles ont travaillé. Leur regard sur le monde est différent.

La séparation parfois longue, bien que nécessaire à la survie de la famille, rend le retour au pays souvent difficile. Les enfants ne connaissent ou ne reconnaissent parfois pas leur mère et le regard de la mère sur le pays a changé. Certaines d’entre elles retournent à Paris pour être à nouveau engagées comme nourrice ou comme autre domestique.

La nourrice est attachée à l’enfant qu’elle allaite et ce lien perdure souvent longtemps. Une réelle affection les lie et de nombreuses lettres échangées des dizaines d’années plus tard sont le témoin d’une relation forte et d’un amour sincère.

Après 1920, on trouve peu de nourrices. Les hommes partis à la guerre, les femmes se doivent de faire marcher la ferme familiale. Le train de vie des employeurs change et l'on engage moins de domestiques. C’est ainsi que petit à petit le travail de nourrice sur lieu disparaît.

La nourrice sur place

C’est vers 1817 que les morvandelles commencent à accueillir des enfants dans leur propre foyer. Ces enfants venaient soit de familles d’artisans, de commerçants des environs de Paris ou de femmes seules dans l’obligation de travailler qui n’avaient plus le temps de s’occuper de leur bébé mais gagnaient raisonnablement leur vie, soit d’enfants abandonnés et placés dans des familles par l’Assistance publique.

Jusqu’au XVIIIe siècle, les enfants abandonnés étaient recueillis par des ordres religieux comme celui de Saint-Vincent de Paul. Louis XIV instaure un hôpital des enfants trouvés.

Mais c’est en 1761 qu’il est décidé de placer ces enfants dans des familles d’accueil jusqu’à leur majorité (25 ans) avec une rémunération allant jusqu’aux 16 ans de l’enfant. C’est alors que l’Assistance publique va prendre en charge les enfants abandonnés.

Ce sont les familles morvandelles pauvres qui souvent prennent en charge un ou plusieurs enfants de l’Assistance. La famille reçoit ainsi un peu d’argent et par la suite des bras pour travailler à la ferme.

Un service médical chargé de visiter les enfants placés est mis en place. Des directeurs d’agences, responsables du bien-être de l’enfant, se doivent de le suivre de leur arrivée dans la famille, et ce, jusqu’à leur majorité. Malheureusement, la motivation des familles étant souvent financière et les directeurs d’agences ayant parfois fermé les yeux, certains témoignages d’enfants sont douloureux et font part de maltraitances et d’abus.

Bien qu’inadmissibles, ces cas sont fort heureusement isolés et beaucoup d’autres enfants ont été très heureux dans leur famille d’accueil. Traités à l’égal de leurs frères et soeurs nourriciers, ils ont trouvé une véritable famille leur apportant amour et équilibre et leur donnant la force de s’élancer dans la vie.

Ça se passe où ?

Le Morvan est partagé entre les quatre départements (Côte-d'Or, Nièvre, Saône-et-Loire, Yonne) de la Région Bourgogne et forme l'extrémité nord-est du Massif central.

L’étymologie celtique du terme Morvan signifie "montagne noire

©Ooh collective, Alligny-en-Morvan
©Ooh collective, Alligny-en-Morvan

Un brin d’évasion

« Après la mise au monde, il reste l’éducation. Vivre c’est persévérer dans son être. Et pour une société donnée, c’est par l’éducation qu’elle se perpétue dans son être physique et social. Il s’agit d’un accouchement collectif qui prolonge l’enfantement biologique individuel » (Professeur Joseph Ki-Zerbo, 1990).

L’éducation traditionnelle en Afrique Noire

Dans les sociétés traditionnelles d’Afrique Noire, l’éducation ne revient pas uniquement aux parents. En effet, elle a un caractère collectif et la responsabilité incombe non seulement aux parents, mais à toute la famille, aux aînés, au clan, village ou ethnie.

Considéré comme un bien commun, l’enfant est donc soumis à l’éducation de tous. Il peut être conseillé, corrigé ou puni par n’importe quel adulte du village. Il reçoit ainsi des influences individuelles diverses, mais la cohésion du groupe lui amène une éducation globale, continue et polyvalente. Cet apprentissage essentiellement collectif (l’apprentissage d’un métier ou de rituels d’initiations qui sont pris en charge par des personnes qualifiées) apporte une éducation et une instruction constante et intégrée à tous les moments de la vie.

Un brin d'histoire

Histoire du Morvan

C’est vers 52 av. J.-C. que de premiers villages s’implantent dans le massif du Morvan, mais il faut attendre les XIIe et XIVe siècles pour que ces terres abondamment boisées et inhospitalières commencent à y voir s’implanter quelques seigneurs et des familles de serfs qui se mettent à défricher et à cultiver le sol.

Jusqu’à la fin du XIXe siècle, les maisons réunies en petits hameaux restent très simples : des murs épais, un toit de chaume, une salle commune où vivaient bêtes et gens sur un sol de terre battue et une cheminée.

La terre étant pauvre, les récoltes sont maigres. Le travail agricole se fait à l’aide de bovins et la pauvreté du sol pousse les hommes à migrer vers les régions voisines, leur habileté à conduire les bêtes étant très appréciée. Appelés galvachers, ces travailleurs migrants, bien qu’existant depuis plus longtemps, se développent à partir de la seconde moitié du XIXe siècle.

C’est vers les années 1880 que les femmes, souvent amenées à partir travailler comme nourrice à Paris, ramènent un salaire fondamental qui permet d’améliorer les maisons : toit en ardoise, construction d’une chambre supplémentaire, carrelage de tommettes, agrandissement des fenêtres ou enduit à la chaux, et aussi parfois d’acheter de nouvelles terres. Ces femmes apportent aussi une nouvelle conception de l’hygiène qui s’améliore nettement à cette époque ainsi que la des vêtements riches qui leur ont été donnés par les familles pour lesquelles elles travaillaient.

Le Morvan a toujours été cette terre rude dont la richesse reste à notre époque le bois et son industrie. Dans certaines communes, la forêt est encore aussi compacte qu’à l’époque romaine et le Morvan peut aujourd’hui, à une époque où le tourisme tient une place importante, s’enorgueillir de son Parc naturel régional créé en 1970, de sa beauté et de son calme, loin du monde industriel.

©Ooh collective, Maison forte d’Alligny-en-Morvan
©Ooh collective, Maison forte d’Alligny-en-Morvan

Un brin de poésie

L'OREILLER D'UN ENFANT

Cher petit oreiller, doux et chaud sous ma tête, 
Plein de plume choisie, et blanc, et fait pour moi ! 
Quand on a peur du vent, des loups, de la tempête, 
Cher petit oreiller, que je dors bien sur toi !

Beaucoup, beaucoup d'enfants, pauvres et nus, sans mère,
Sans maison, n'ont jamais d'oreiller pour dormir ;
Ils ont toujours sommeil, ô destinée amère !
Maman ! douce maman ! cela me fait gémir ...

Marceline Desbordes-Valmore

Petit abécédaire

ASSISTANCE PUBLIQUE : Établissement public (créé en 1849 pour la ville de Paris) chargé de la gestion des établissements hospitaliers et des services d'aide sociale.

DOCTOR MONOD : C’est en 1874 que le docteur Monod, médecin dans la Nièvre à Montsauche, inquiet de voir le taux de mortalité des nourrissons abandonnés par leur mère partie à Paris, donne naissance avec l’aide du docteur Roussel, à une loi qui instaure un certain nombre de règles au métier de nourrice, dont celle de l’âge minimum requis de l’enfant (7 mois) avant que sa mère puisse s’expatrier, car le départ rapide de la mère après l’accouchement laissait peu de chance de survie à son enfant. La loi instaure également l’obligation de détention d’un carnet de nourrice comportant entre autres un certificat de santé délivré par un médecin et une attestation de bonne morale. La loi met également en place le Conseil national de protection des enfants du 1er âge.

MEUNEUSE OU CONVOYEUSE : personne chargée du transport des enfants de Paris au Morvan.

NOURRICE : le sens premier du mot « nourrice » est une «femme qui allaite un enfant».

NOURRICE SUR LIEU : nourrice qui part souvent pour la capitale, afin de s’occuper des enfants de familles de la bourgeoisie ou de l’aristocratie.

NOURRICE SUR PLACE : nourrice qui accueille chez elle un enfant et en prend soin jusqu’à sa majorité.

NOURRICE SÈCHE : nourrice qui n’allaite plus.

SAINT-VINCENT-DE-PAUL : Prêtre français (1581-1660). Il fonde la communauté des Filles de la Charité et se consacre à l'œuvre des Enfants trouvés et aux réfugiés.

La société de charité Saint-Vincent-de-Paul fondée à Paris en 1833 a pour but la sanctification de ses membres par la pratique de la charité et, notamment, par la visite des familles nécessiteuses.

Sources

BERTE-LANGEREAU, Philippe / RENAULT, Noëlle. -Le pays Morvandiau. -Editions Alan Sutton, 2009, 144 p.

BERTE-LANGEREAU, Philippe. -Les Galvachers du Morvan : mémoire en Image. -Editions Alan Sutton, 2011, 128 p.

BOURDELAIS, Patrice. -Les enfants abandonnés : institutions et parcours individuels. -Editions Belin, 2008

FAY-SALLOIS, Fanny. -Les Nourrices à Paris Au XIXe siècle. -Editions Histoire Payot, 1996, 283 p.

MUNGALA, A. S. -L’éducation traditionnelle en Afrique et ses valeurs fondamentales. -[réf. du 31 août 2011], [en ligne], disponible sur internet : http://ethiopiques.refer.sn/spip.php?article838

SAWADOGO, Oussmane. -L’éducation traditionnelle en Afrique Noire : portée et limites. -[réf. du 31 août 2011], [en ligne], disponible sur internet : http://www.manden.org/article.php3?id_article=25

ACHARD,  Amédée (1814-1875). -La nourrice sur place (1840). -[réf. du 31 août 2011], [en ligne], disponible sur internet : http://www.bmlisieux.com/curiosa/achard01.htm

DELRIEU, André. -Les Enfants-Trouvés, (1831). -[réf. du 31 août 2011], [en ligne], disponible sur internet : http://www.bmlisieux.com/curiosa/delrie01.htm

Liens utiles

Site du Parc naturel régional du Morvan : http://www.parcdumorvan.org

Vigreux Marcel L'industrie des nourrices morvandelles et des enfants assistés au XIX. Bulletin de l'Académie du Morvan n° 25 1987

Cadoret Anne L'accueil d'enfants de l'AP dans le Morvan. Ethnologie française n° 19 1989

À écouter

Sylvie Buisset (interp.), Sainte Thérèse (paroles), Communauté des Béatitudes (musique) Aimer c'est tout donner, Vivre d'amour, Béatitudes Musique 2011