Patrimoine culturel immatériel

Les maîtres chapeliers à Chazelle-sur -LyonLes maîtres chapeliers à Chazelle-sur -Lyon

  • « J’ai eu une formation de design, et le fait que ça reste sur papier, j’en ai eu assez »
  • « Mon plus beau souvenir ? La camaraderie »
  • « On a des professeurs qui viennent de la haute couture et il y a Monsieur Peysselon qui me transmet le savoir-faire »

C'est quoi ?

Le savoir-faire des chapeliers à Chazelles sur Lyon est lié à l’histoire du feutre. La légende raconte que ce sont les Chevaliers qui, de retour des Croisades, auraient appris aux habitants l’art de fouler le feutre. Ce sont des poils de chameau importés de Turquie qui étaient alors utilisés. D’après les archives, c’est par une balle de poils de chameau que se serait développée la peste à Chazelles en 1623.

©Ooh collective
©Ooh collective

Pendant plusieurs siècles, les matières utilisées pour la fabrication du feutre étaient la laine, les poils de chèvre et de chameau, ou encore de rat musqué et de castor, mais ces derniers étaient très coûteux. C’est vers 1730 qu’est introduit en France le secret de feutrer les poils de lapin et de lièvre, poils qui permettent un feutre de bien meilleure qualité.

Jusqu’au XIXe, la plupart des ateliers de province se contentent de fabriquer le cône de base nécessaire au chapeau, alors que la finition se faisait à Lyon. C’est à partir de 1850 qu’un homme, Clément Clavel, initie la fabrication complète du chapeau. Dorénavant, les chazellois mettent en forme, garnissent et livrent aux consommateurs. C’est ainsi que l’industrie chazelloise prend un essor extraordinaire et acquière une renommée internationale. La fabrication du chapeau de feutre exige un savoir-faire particulier, et malgré les innovations techniques la structure de base est restée très proche de ce qu'elle était.

Les étapes de fabrication du feutre

Préparation et choix du poil

Elle s’effectue dans un atelier spécialisé, la couperie. Cet établissement nettoie la peau, la dépouille de ses poils grossiers avant de la secréter. Cette étape de secrétage donne au poil son pouvoir feutrant. Elle consiste à plonger les peaux dans un bain dont la composition était tenue secrète (d’où le nom de la manoeuvre) afin de fendiller la surface du poil et lui enlever son élasticité. Les aspérités des poils vont alors s’accrocher les unes aux autres sous l’action de l’eau et de la chaleur.

Le soufflage du poil

Le poil est introduit dans la souffleuse, une machine longue de 6 m, composée de compartiments munis de cylindres perforés et de rouleaux à pointes fines (le picker) et traversée par une ventilation qui permet la sélection des poils. Ainsi, le poil, déchiqueté et dépouillé de ses débris de peau, vole de cage en cage et seul le duvet s’achemine jusqu’au bout.

©Ooh collective, Soufflage du poil
©Ooh collective, Soufflage du poil

Le bastissage

Le bastissage donne naissance à la première forme du chapeau, la cloche. Le poil, posé dans la bastisseuse est roulé, brossé et battu afin de l’ouvrir puis envoyé dans une cage vitrée circulaire qui l'aspire sur un cône en couche légère et homogène. Il suffit ensuite au bastisseur d’arroser le cône permettant l’agglomération des poils et de dégager la cloche délicatement. Avant l’arrivée des machines, ces opérations se faisaient manuellement à l’aide d’un arçon.

Le semoussage

À la sortie de la bastisseuse, les cloches sont pliées par six dans des serpillères humides. Après un léger essorage mécanique, le semousseur les travaille rapidement afin qu’elles ne redeviennent pas poils. Il fait « marcher les chapeaux », c'est-à-dire qu’il plie, déplie et roule les cloches en tous sens sur une table chauffée à la vapeur, permettant ainsi aux poils de s’amalgamer. Il contrôle ensuite la régularité du feutre afin de ne laisser passer aucun défaut et rectifie les imperfections.

Le foulage mécanique

Les cloches sont avant tout vérifiées soigneusement par le contremaître de la foule. Le feutre est ensuite « cailloté ». Il est passé sur une fouleuse qui permet un feutrage progressif. La vapeur dont il est imprégné le raffermit et lui permet de mieux supporter le foulage proprement dit. Pour le feutrage, les cloches passent entre différents rouleaux et sont arrosées d’eau chaude additionnée d’une solution d’acide sulfurique. La contraction et la dilatation lient les poils et resserrent le feutre, diminuant ainsi sa taille de 2/3.

La teinture

Après la teinture, les cloches sont essorées puis mises à sécher dans une chambre chaude où la température est maintenue entre 45°C et 55°C.

L’abattage de bords et de tête

Les têtes des cloches sont étirées sur des machines afin de les arrondir, car elles sont pointues lorsqu’elles sortent des fouleuses.

Si la forme définitive du feutre le demande, les bords sont alors abattus, ce qui élargit les bords et donne une première ébauche du chapeau.

L’apprêtage

Les chapeaux doivent être plus ou moins apprêtés selon leur forme et leur finition.

Les finitions

On distingue essentiellement trois qualités : le ras, le taupé et le flamand. Le ras est une finition qui demandait le ponçage de la cloche. Le taupé subit une opération appelée castorinage qui provoque un effet de lainage afin que le poil ressorte. Il est ensuite tondu et brossé. Seul le poil haut de gamme est traité de la sorte. Le feutre flamand est une imitation fourrure obtenue par brossage du feutre à l’aide d’un carrelet ou dans une carreleteuse.

L’appropriage

L’approprieur reçoit les cloches teintes et apprêtées. Cette étape consiste à former manuellement le chapeau à l’aide de la marmite, du bonhomme, du formillon, de la forme, du collier et de la ficelle.

Le bichonnage

Opération consistant à redonner au chapeau la forme définitive des bords ainsi que l’éclat et le toucher perdus au cours des transformations précédentes.

Le garnissage

Les bords des chapeaux sont piqués et les garnisseuses confectionnent les coiffes, posent les cuirs, les galons et les noeuds.

©Ooh collective, Garnissage
©Ooh collective, Garnissage

Ça se passe où ?

Chazelles-sur-Lyon est un chef-lieu de canton situé dans les Monts du Lyonnais, dans le département de la Loire. Le nom Chazelles vient de Casella qui veut dire « petite maison » ou château.

Un brin d’évasion

Le voile des religieuses

Portée jusqu’en 1964, la cornette était une grande coiffure aux bords déployés portée par les soeurs de Saint-Vincent de Paul, un ordre hospitalier créé au XVIIe siècle. Cette cornette était réalisée dans un rectangle de coton amidonné, fixée par une épingle à nourrice. Devant, les ailes de la cornette étaient rabattues. En dessous, un bonnet plissé sur le front et dépassant de la cornette protégeait la tête.

Le voile des femmes est issu d’un héritage Antique des grecs, des romains ainsi que des moeurs païennes. Les femmes respectables se devaient de cacher leurs cheveux, par pudeur et modestie. D’une valeur essentiellement sociale au départ, c’est le christianisme qui avancera le premier des arguments strictement religieux, au point où l’expression « prendre le voile » est encore utilisée aujourd’hui pour parler de l’entrée d’une femme dans les ordres.

Un brin d'histoire

©Ooh collective
©Ooh collective, Chazelles-sur-Lyon

Petite histoire de Chazelles-sur-Lyon

« Au départ, deux paroisses semblent avoir coexisté : Chazelles avec son église dédiée à Saint Michel (citée en 969) et Saint Romain le vieux (1183).

Ce dernier serait tombé en désuétude à partir du milieu du XIIe siècle, époque à laquelle s’installent les Chevaliers de Saint Jean de Jérusalem. Les Chevaliers présents à Chazelles du XIIe siècle à la Révolution, bâtissent une Commanderie fortifiée autour de laquelle s’agence le paysage urbain et artisanal. La légende raconte que ce sont les Chevaliers, de retour des croisades qui auraient appris aux habitants l’art de fouler le feutre. »

Commune de Chazelles sur Lyon. -Un peu d’histoire. -[réf. du 30 août 2011], [en ligne], disponible sur internet : http://www.chazelles-sur-lyon.fr/article/view/txt_un-peu-d-histoire_id_20

Présente dès le XVIe siècle, la production de chapeaux de feutre de poils se développe à la fin du XIXe et prend un essor extraordinaire propre à Chazelles-sur-Lyon vers 1930. Cette industrie qui se retrouve alors sur tous les marchés mondiaux, transforme et modèle la ville aussi bien architecturalement qu’économiquement ou socialement. Après cette période de fort développement, le patrimoine s’essouffle et disparaît en 1997. Aujourd’hui, l’Atelier-Musée du Chapeau de Chazelles-sur-Lyon fait revivre ce passé glorieux et transmet ce savoir-faire particulier.

Un brin de poésie

LES CHAZELLOIS

Les Farlots chantent... (chanson populaire sur l’air de Cadet Rousselle) (chanson du film présenté ci-dessus « Les maîtres chapeliers à Chazelles-sur-Lyon)

On retrouve ici un point d’histoire locale. Nous sommes en 1922 et Chazelles, dont le canton avait disparu en 1825 au profit de Saint-Galmier, réclame qu’on le lui restitue,Saint-Galmier étant alors beaucoup moins peuplé que Chazelles. Ce sera chose faite en 1925.

Dans notre beau département (bis)
Il existe un pays charmant (bis)
Beaucoup plus grand que Viricelles :
Ce pays se nomme Chazelles !

REFRAIN
Ah ! Ah ! Ah ! Oui vraiment
Les chazellois sont épatants !

Les Chazellois sont rigolos, (bis)
Mais ils n’aiment pas beaucoup l’eau : (bis)
Si la « Fonfort » est salutaire
Le vin fait bien mieux notre affaire !

Mais nous ne buvons plus « le chien », (bis)
Car ça ne faisait pas de bien : (bis)
Ça coûte les yeux de la tête,
Et ça vous met l’âme en tempête !

Chazelles par ses chapeliers, (bis)
Est connu dans le monde entier. (bis)
Sans une gentille coiffure,
On n’a jamais noble figure !

Si vous voulez être élégants,
Pas besoin de canne et de gants, (bis)
Un beau chapeau fera l’affaire,
Et ça suffira bien pour plaire !

Nous avons de bons ouvriers, (bis)
Toujours vaillants, peu cancaniers, (bis)
Et nos habiles garnisseuses
N’ont pas des doigts de paresseuses !

Nous avons six mille habitants, (bis)
Mais nous ne sommes pas contents : (bis)
Malgré nos nombreuses fabriques,
Les « Sans-Garmios » nous font la nique !

Aussi nous crions pour de bon, (bis)
« Donnez-nous le demi-canton : (bis)
« En deux partageons le fromage
« Et puis chacun sera bien sage !

Si vous voulez venir nous voir, (bis)
On vous montrera le lavoir (bis)
Le vieux château, la vieille église
Et la Poterne, place exquise !

Notre campagne a ses attraits, (bis)
Elle a collines et forêts, (bis)
En fait de vignes quelques treilles
Où pendent des grappes vermeilles !

Le dimanche avec les amis, (bis)
Accompagnés de nos « mamies » (enfants) (bis)
Nous partons avec la bourgeoise,
Faire un petit tour à la Coise

Et nous rentrons chez nous joyeux, (bis)
Après avoir à qui mieux mieux (bis)
Mangé de bon coeur la friture
Très satisfaits, je vous l’assure !

Saluons donc en terminant, (bis)
Notre pays toujours charmant : (bis)
Laissons en paix la politique
Et vivons tous en République !

©Ooh collective
©Ooh collective, Albert Néel - Artiste peintre Chazellois

Petit abécédaire

APPROPRIAGE : étape consistant à former manuellement le chapeau

ARÇONNAGE : ancienne opération manuelle permettant de souffler le poil à l’aide d’un arc.

BASTISSAGE : étape de fabrication de la première grande cloche.

BICHONNAGE : Opération consistant à redonner au chapeau la forme définitive des bords ainsi que l’éclat et le toucher perdus au cours des transformations précédentes.

CHIMISTE : ouvrier teinturier de Chazelles

COUPERIE : atelier spécialisé dans la préparation du poil.

DUVET : poil léger qui s’achemine au bout de la souffleuse et sort en nappe.

ÉJARRER : dépouiller la peau de ses poils grossiers.

FOULAGE : étape de fabrication permettant le feutrage progressif de la cloche.

JARRE : poil le plus lourd qui tombe sous la souffleuse et ne sera pas utilisé.

PICKER : dans la souffleuse, arbre muni de pointes fines tournant à 450 tours par minute

SECRÉTAGE : technique introduite en France vers 1730 permettant la préparation du poil de lapin

SEMOUSSAGE : étape de transformation lors de laquelle le semousseur fait « marcher les chapeaux », c'est-à-dire qu’il plie, déplie et roule les cloches en tous sens sur une table chauffée à la vapeur, permettant ainsi aux poils de s’amalgamer.

SOUFFLEUSE : machine de 6 m de long et 2 de large dans laquelle le poil subit différentes transformations afin d’obtenir un poil sélectionné et homogène qui sera la matière première du feutre.

©Ooh collective
©Ooh collective, Moules à chapeaux

BENHAYOUN, Gaëlle. -Essai d’analyse transculturelle des : affaires du voiles islamique en France entre 1989 et 2004. -D.U. de psychiatrie transculturelle, Université Paris 13 – U.F.R. Santé, médecine, biologie humaine de Bobigny, 2007, [réf du 30 août 2011], [document en ligne], disponible sur internet : http://www.clinique-transculturelle.org/pdf/memoire_du_benhayoun.pdf

Les Jacobins de Toulouse. -Les Filles de la charité. -[réf. du 30 août 2011], [en ligne], disponible sur internet : http://www.jacobins.mairie-toulouse.fr/expos/soeurs_de_charite/menu/accueilsc2.htm

Chazelles Histoire. -Historique. -[réf. du 30 août 2011], [en ligne], disponible sur internet : http://www.chazelles-histoire.net/spip.php?article243

Communauté de communes de Forez en Lyonnais. -Chazelles sur Lyon : Histoire et Patrimoine. -[réf. du 30 août 2011], [en ligne], disponible sur internet : http://www.cc-forez-en-lyonnais.fr/histoire_chazelles.asp

BOLOMIER, Eliane. -Du poil de lapin au chapeau de feutre, la chapellerie à Chazelles-sur-Lyon. -Edition Atelier-Musée du Chapeau, 2005, 46 p.

BOLOMIER, Eliane. -Cent ans de chapeaux, 1870-1970. -Edition Musée du Chapeau, 1993, 63 p.

BOLOMIER, Eliane / DUMONTHIER, Jean / GAUDIN, Jean-Pierre / MOREL, Pierre. -L’encyclopédie du couvre-chef, l’homme et sa tête. -Edition Samedi midi patrimoine, 2008, 400 p.

BOLOMIER, Eliane. -Le chapeau, grand art et savoir-faire. -Edition SOMOGY, 1996, 160 p.

Liens utiles

Site de la commune de Chazelles-sur-Lyon : http://www.chazelles-sur-lyon.fr

Site de la Communauté de communes de Forez en Lyonnais : http://www.cc-forez-en-lyonnais.fr

Site de l’atelier-musée du chapeau : www.museeduchapeau.com

À écouter

Les Farlots, Les Chazellois (chanson populaire sur l’air de Cadet Rousselle), Les Farlots chantent les Montdu Lyonnais