Les paludiers de Guérande
- « À 8, 9, 10 ans, on allait faire un tour aux marais »
- « Ma plus belle émotion, c’est le premier grain de sel que j’ai sorti de l’eau »
- « L’avenir ? On a enfin reconnu l’importance des zones humides au sein de la biodiversité »
C'est quoi ?
L’art du paludier consiste à récolter le sel sur le fond argileux des bassins appelés œillets.
Issu d’une tradition vieille d’il y a 2000 ans, le travail du paludier emprunte encore des techniques ancestrales et des outils qui sont restés inchangés depuis plusieurs siècles. Tel un magicien, le paludier métamorphose l’eau de mer en or blanc avec la complicité du soleil. et du vent.
©Ooh collective
Pratique agricole respectueuse de l’environnement, cette tradition est exempte de mécanisation et se transmettait de père en fils jusqu’en 1978, année à laquelle un Brevet professionnel est mis en place en Loire-Atlantique.
L’art du paludier demande la connaissance des réglages de l’eau dans les différents bassins, la maîtrise des conditions météorologiques, mais aussi la résistance physique afin d’entretenir les bassins en hiver et de récolter puis transporter jusqu’à 3 tonnes de sel par jour.
A partir du printemps et tout l’été, à chaque grande marée, le paludier va ouvrir des trappes permettant à l’eau de mer de remplir la vasière, un premier bassin de décantation et d’évaporation. Par un procédé de dénivellation, l’eau va ensuite poursuivre sa route dans divers bassins et être soumise à l’action du soleil et du vent. Lorsqu’elle arrive dans les œillets, bassins dans lesquels se fait la récolte, l’eau de mer atteint une concentration suffisante afin de pouvoir obtenir la cristallisation du sel.
Une année de paludier :
- - En hiver, le paludier protège les salines du gel et des caprices météorologiques en les recouvrant d’eau. C’est le moment de curer les vasières, d’entretenir les talus et de nettoyer les chenaux d’alimentation et d’évacuation.
- - Au printemps, il faut vider les salines de l’eau de pluie, évacuer la vase et les algues, et reconstruire les ponts, ces digues d’argile qui maîtrisent la circulation de l’eau. C’est également à cette époque que sont entrepris des travaux de réfection complète d’un groupe d’œillets (les œillets doivent être refaits tous les 25-30 ans).
- - L’été, c’est le temps de la récolte. À l’aide d’un las, le paludier tire le gros sel à l’aide d’un las et cueille la fleur de sel avec une lousse. Il exploite en moyenne 3 à 4 ha, c’est-à-dire environ 50 à 60 œillets.
- - Une fois que le sel est rentré, l’automne est plutôt calme. Mais le paludier n’est jamais à l’abri de grandes marées qui peuvent interrompre son repos et l’obliger à aller protéger la saline.
Ça se passe où ?
Guérande est un chef-lieu de canton de la Loire-Atlantique.
©Ooh collective, Salines de Guérande
Un brin d’évasion
Le lac rose au Sénégal
Situé à 35 km de Dakar, le lac Rose tient son nom et sa renommée des couleurs exceptionnelles dont il se pare selon les heures de la journée grâce aux algues microscopiques, aux micro-organismes de son eau, ainsi qu’à sa très grande teneur en sel. D’une superficie de 3 km2 et d’une profondeur maximale de 3 mètres, il est exploité pour son sel depuis les années 1970.
Ces paludiers sénégalais, enduits de beurre de karité pour protéger leur peau du sel, travaillent directement dans l’eau et cassent à l’aide d’un piquet la croûte de sel qui repose au font du lac avant de la transporter à l’aide de pirogues sur les berges. Sur le rivage, le sel déposé en talus sèche durant quelques jours avant d’être exporté.
©N.T., Lac rose - Sénégal
Un brin d'histoire
« Cité chérie des ducs de Bretagne, Guérande "la médiévale" domine deux pays aux contrastes marqués : le Pays Blanc, celui du sel et des marais salants, et le Pays Noir, celui de la tourbe et du Parc Naturel Régional de Brière.
Ville médiévale fortifiée, Guérande a su séduire d'illustres écrivains, tels Flaubert, Gracq et surtout Balzac.
Guérande est régulièrement occupée depuis le Néolithique, comme le montrent les nombreux mégalithes et les vestiges de l'époque gauloise et gallo-romaine. Cependant, la naissance de la paroisse est traditionnellement attribuée à Waroc'h (577-594), prince vannetais, qui aurait construit un baptistère à l'emplacement actuel du chœur de la collégiale Saint-Aubin. Vers 848, sous le règne de Nominoë, la ville devient le siège d'un évêché temporaire, puis bénéficie de la fondation, attribuée au roi breton Salomon, d'un collège de chanoines.
Après l'an 1000, les premières défenses s'accompagnent de la mise en place d'une organisation politique et administrative. Mais, ces fortifications sont insuffisantes pour arrêter, en 1342, les troupes de Charles de Blois alliées contre Jean de Montfort, prétendants tous 2 au trône de Bretagne.
Les traités signés en 1365 et en 1381 mettent fin à cette guerre de Succession et inaugurent "l'âge d'or" que Guérande connaît à la fin du Moyen Âge. Une nouvelle enceinte fortifiée est alors construite.
La cité se développe autour du commerce du sel et du vin et se dote d'une flotte maritime importante.
À partir du XVIe s., l'ensablement de ses sites portuaires et l'affaiblissement du sel comme monnaie d'échange lui font perdre sa puissance maritime au profit du Croisic et du Pouliguen. La disparition de la vigne et la suppression de son collège de chanoines, pendant la Révolution, affaiblissent encore Guérande, avant qu'elle ne connaisse un nouvel essor notamment dû au tourisme… »
Office de tourisme de Guérande. -Histoire de cité médiévale. -[réf. du 31 août 2011], [en ligne], disponible sur internet : http://www.ot-guerande.fr/histoire_patrimoine.html
©Ooh collective, Guérande
Histoire du sel de Guérande
La récolte du sel de Guérande remonterait à l'Âge de Fer. Les premières salines utilisant les capacités de stockage de la lagune remontent au IIIe siècle, peu après la conquête romaine.
Mais c’est en 945 que les moines de l’abbaye de Landévenne créèrent les marais salants tels qu’ils se présentent encore aujourd’hui.
La technique d’exploitation du sel de Guérande est antérieure à cette époque et au moins cinq salines de l’époque carolingienne sont encore exploitées aujourd’hui.
Un brin de poésie
Lettre à Gwen
Effleurée par l’idée, sans oser l’entreprendre
Tu me tends la plume, je saisis l’opportunité
De te dévoiler et te faire comprendre
Dès notre rencontre tu m’as bouleversée
Lasse de cette ville folle et tourmentée
Plus un moment de calme et de silence
Tu m’offres ta beauté, m’apportes sérénité
Impossible de me passer de ta présence
Sur tes marais salants semblables aux labyrinthes
Fleurs et roseaux s’entremêlent harmonieusement
Les oiseaux radieux gravent de leurs empreintes
Ce territoire soumis à la grâce du soleil et du vent
Quand au rythme des marées la mer inonde l’étier
Puis se faufile dans les fares pour délivrer son présent
S’évaporant dans les oeillets pour se cristalliser
Et nous offrir la fleur de sel que tu baptises or blanc
Sous la brise de septembre, le long des aires saunantes
En mulons sur les trémets, la récolte est terminée
Les marais sont inondés, les salicornes flamboyantes
Les statices violacés annoncent la fin de l’été
Puis arrive l’hiver, ta mer est déchaînée
Comme deux amants s’unissent la pluie et le vent
Les mouettes affolées, les ailes effilochées
Affrontent les brisants dans un gémissement
Le calme revenu sur ta presqu’île et dans mon âme
Je savoure tes merveilles, tes sublimes parfums
Pour tous ces délices mon cœur s’enflamme
Pays blanc tu m’apaises d’une caresse d’embruns
Lydie Vigneron
Mesquer et la presqu’île guérandaise rendent hommage à Hélène Cadou. Editions du Traict 2010
©Ooh collective
Petit abécédaire
AMICITIA PACTUM SALIS : latin de « l’amitié est un pacte de sel ».
BOUTOUÉ (Le) : En bois et de forme similaire à celle du las, il sert pour repousser la vase dans les fards et dans les œillets avant la récolte, afin d'assurer une grande propreté des fonds.
BOYETTE / HOULETTE (La) : Pelle en acier utilisée pour certains travaux d'entretien des marais salants.
BROUETTE (La) : Elle est utilisée pour transporter le sel des ladures au trémet et peut contenir de 120 à 150 kg de sel.
©Ooh collective
CESSE (La) : Grande écope à bras qui sert à pomper l’eau ou à jeter la vase liquide
FLEUR DE SEL : pellicule de cristaux qui se forme à la surface des œillets. N’ayant pas été en contact avec l’argile, elle est d’une blancheur immaculée. Cette plaque est alors cueillie à l’aide de la lousse à fleur avec beaucoup de délicatesse, car en se cassant, elle risque de couler et de se transformer en gros sel.
FOUR À AUGETS : Technique utilisée dès l’Âge de Fer en Bretagne. Les augets (petits récipients de terre en forme de prisme) contenant une saumure étaient placés dans le four afin de permettre l’évaporation complète de l’eau et d’obtenir un bloc.
GABELLE : Taxe sur le sel instaurée en 1343 par le roi Philippe VI de Valois. Elle sera levée par l’Assemblée nationale en 1790.
GROS SEL : Sel de couleur grise, car il cristallise au contact de l’argile d’où il tire sa richesse en magnésium et en oligo-élément. Il est récolté, non lavé, non raffiné et sans additif.
LADURE (La) : Plateforme ronde située sur les ponts des œillets.
LAS (Le) : Outil muni d’un long manche flexible de 5 mètres, servant à la récolter le gros sel.
LOUSSE À FLEUR DE SEL (La) : Traditionnellement en bois, la lousse à fleur de sel sert à cueillir la fleur de sel à la surface des œillets.
LOUSSE À PONTER (La) : Comparable à la lousse à fleur de sel, la lousse à ponter se différencie par un manche plus court et plus gros. Elle est utilisée pour la réfection annuelle des ponts.
MARAIS SALANTS DE GUÉRANDE : Presqu'île guérandaise donnant naissance aux marais salants les plus septentrionaux d'Europe. Ils s'étendent sur plus de 2 000 hectares à travers 9 communes.
ŒILLETS (Les) : Les bassins de récolte du sel.
PALUDIER : Le paludier est le travailleur des marais. L'étymologie provient du latin palu qui signifie « marais ».
RÂTEAU À LIMU (Le) : Il sert à ratisser les algues vertes.
©Ooh collective, Râteau à limu
ROULAGE DU SEL : transport du sel du trémet à la salorge
SALORGE : bâtiment traditionnel de stockage du sel, maintenant remplacé par des casiers en béton
SEL FIN : Il provient du gros sel séché puis broyé. Naturel, il est non traité, non blanchi et non raffiné.
TRÉMET / TERMET (Le) : plateforme où l’on forme le mulon de sel au bord de la saline
Sources
Terre de sel -Un sel authentique et naturel. -[réf. du 31 août], [en ligne], disponible sur internet : http://www.terredesel.fr/index.php?id=201
Unesco -Le Lac Rose. -[réf. du 31 août 2011], [en ligne], disponible sur internet : http://whc.unesco.org/fr/listesindicatives/2080/
KONIG, Claire. -La route du sel, historique, géologie, alimentation. – 2006, [réf. du 31 août 2011], [en ligne], disponible sur internet : http://www.futura-sciences.com/fr/doc/t/geologie/d/la-route-du-sel-historique-geologie-alimentation_645/c3/221/p4/
Mesquer et la presqu’île guérandaise rendent hommage à Hélène Cadou. -[ouvrage collectif], Editions du Traict, 2010
Liens utiles
Site les salines de Guérande : http://www.salinesdeguerande.com/
Site de l’office de tourisme de Guérande : http://www.ot-guerande.fr
Site Terre de sel : http://www.terredesel.fr
Site la maison des paludiers : http://www.maisondespaludiers.fr/
Site du photographe Emile Barbelette : www.image-photo-nature.com
Site du Collectif d’artistes Douglas’s : http://www.collectifdouglas.com/
Site myspace de Christian Pacher : http://www.myspace.com/christianpacher
À écouter
Christian Pacher, Fiouc ! À écouter sur : http://www.collectifdouglas.com/fiouc-.php