Patrimoine culturel immatériel

Le tour du Saint-CordonLe tour du Saint-Cordon

  • Je suis né pendant la procession du Saint-Cordon…
  • Croyant ou pas croyant du tout, c’est une expérience forte…

C'est quoi ?

Au début du XIe siècle, une maladie contagieuse, il s’agissait probablement d’une pathologie provoquée par l’argot de seigle, liée à une malnutrition endémique, ravagea la ville de Valenciennes. Les chroniqueurs racontent qu’en quelques jours, l’épidémie fit plus de 8000 victimes. Menacés d’une destruction totale, tant le fléau était violent, les Valenciennois se tournèrent vers la Vierge Marie dont la dévotion fut toujours en grand honneur dans la cité.

Notre-Dame du Saint Cordon
©Ooh collective, Notre-Dame du Saint Cordon

Un ermite nommé Bertholin vivait près d'un oratoire dédié à Marie, au lieu-dit Fontenelles, hameau situé entre Maing et Trith-Saint-Léger. Aux derniers jours d'août, la tradition précise que Marie apparut à Bertholin : « Va, lui dit-elle, va trouver mon peuple de Valenciennes ; annonce-lui que j'ai désarmé le bras de mon fils, la nuit qui précédera la fête de ma Nativité, mon peuple saura que j'ai entendu ses cris de détresse. Que mes serviteurs se rendent sur les remparts de la ville, ils y verront des merveilles. »

Moine Bertholin
©Ooh collective, Moine Bertholin

On dit que réunis sur les murailles, les quinze mille spectateurs virent tout à coup les ténèbres se dissiper, la nuit se changer en lumière, tandis qu'apparaîssait à leurs regards une reine majestueuse, entourée d'un cortège d'anges, semblant venir de la chaumière de l'ermite et stationnant au-dessus de la chapelle du Neuf Bourg dédiée à Marie par Charlemagne. Elle tenait en mains une pelote de cordon écarlate. Un ange aurait alors saisi le bout du « Céleste filet », et d'un vol rapide entourant la ville et ses alentours, laissa tomber derrière lui le précieux cordon. Le circuit terminé, la vision s'évanouit ; à l'instant même, on dit que la contagion cessa et ceux qui étaient atteints furent guéris.

Espace Bertholin
©Ooh collective, Espace Bertholin

Le 8 septembre, fête de la naissance de la Vierge Marie, à la pointe du jour, Bertholin revint à Valenciennes, porteur d'un nouveau message de la Vierge. Il fit connaître au peuple de Valenciennes les volontés de leur Libératrice - en reconnaissance pour le bienfait reçu, ils devront chaque année, le 8 septembre, suivre en procession le tracé du Saint-Cordon. Au nom de la population de Valenciennes, le magistrat s'engagea par vœu à satisfaire au désir de Marie. Depuis maintenant près de dix siècles, les Valenciennois ne manquèrent pas à cet engagement sacré, la confrérie des Royés de Notre-Dame du Saint-Cordon constituée dès cette époque assure et entoure toujours d'une grande solennité cette manifestation.

Royé
©Royé

Prière dite des Royés

O Notre Dame du Saint-Cordon, Reine du ciel et de la terre,
Mère de grâce et de miséricorde, nous vous offrons l’hommage de notre confiance et de notre amour.
Nos pères ont crié vers vous dans leurs tribulations et leurs souffrances ; devant votre image, ils espéraient dans les jours d’affliction, ils se réjouissaient dans les jours prospères.
Jamais, vous ne les avez abandonnés, et plus d’une fois, vous avez, en leur faveur, déployé la puissance de votre bras et de la tendresse de votre cœur maternel.
Voyez nous sommes leurs enfants ; nous avons reçu d’eux, en héritage, le saint respect, la douce confiance, l’affectueux amour dont ils étaient pénétrés à votre égard. Ô bonne mère, pourriez-vous ne pas nous protéger, comme vous les avez protégés eux-mêmes ?
Ô Marie ! attirez les grâces de Dieu sur la ville de Valenciennes, sur tous ses habitants qui viennent vous invoquer dans votre sanctuaire.
Préservez-nous de tous les fléaux ; mais préservez-nous surtout du péché ; obtenez la conversion aux pécheurs et la persévérance aux justes.
Ô notre Mère ! Ô notre Reine ! Ô Notre Dame du Saint-Cordon ! Priez pour nous, protégez-nous, sauvez-nous ! Ainsi soit-il.

Ça se passe où ?

Valenciennes
©Genealo.net

C'est quand ?

Chaque deuxième dimanche de septembre depuis l’an 1008

« Le petit tour » vers 10 heures, dès la fin de la messe célébrée en plein air, la procession se met en route. Selon un usage très ancien, les pèlerins commencent par emprunter quelques rues du centre de la ville. C’est la procession intra-muros, puisqu’elle se déroule à l’intérieur du tracé des anciennes fortifications de la ville, aujourd’hui démantelées. Elle est familièrement appelée le « petit tour » et dure environ une heure. Les rues parcourues sont souvent étroites et sinueuses.

Le Tour des jeunes
©Ooh collective, Le Tour des jeunes

Après la messe début du grand tour à 11H00

Le « grand tour » : vers 11H00, parvenus au niveau des anciens remparts de la ville, c'est-à-dire des boulevards qui ceinturent le centre-ville, les pèlerins commencent le « grand tour ». C’est la procession extra-muros proprement dite. Pour effectuer ce vaste circuit, les groupes partiront vers 11 heures de la place du Canada et ils reviendront vers 16 heures. Le parcours compte environ 14 kilomètres, divisés en deux moitiés inégales : environs 8 km avant la halte du midi, un peu plus de 6 km ensuite.

Entrée dans la ville
©Ooh collective, Entrée dans la ville

La « rentrée en ville » : la procession circulaire revient à son point de départ vers 16 heures. Le temps que tous se désaltèrent et se regroupent, et la procession de rentrée en ville peut commencer. C’est un bref parcours de 1,4 km à travers le centre de la ville, jusqu’à l’esplanade où la messe a été célébrée le matin. La prédication finale introduit la neuvaine qui suit le dimanche.

La neuvaine : exercice spécifiquement religieux d’une durée de 9 jours après la procession. Au sein de la ville, sont dès lors organisés des offices spécifiques (prière des Laudes, etc.). Le dernier jour de la neuvaine, au cœur même de la basilique, les Royés portent une ultime fois en procession la statue de la Vierge mais cette fois-ci en effectuant un tour à l’intérieur même de la basilique. L’assemblée chante une dernière fois le cantique traditionnel en levant les flambeaux.

Un brin d’évasion

La plupart des apparitions dites mariales se passent en extérieur, comme à Lyon (Fête de la Lumière) ou Fatima, au Portugal.
Il est un lieu de vénération moins connu en France, et qui pourtant rassemble chaque année plusieurs centaines de pèlerins : l’apparition de Marie aurait eu lieu dans une chambre à coucher d’un petit village de l’Indre, Pellevoisin.

Chambre-chapelle sanctuaire marial de Pellevoisin
©Chambre-chapelle sanctuaire marial de Pellevoisin (INDRE – France) 

Un peu plus haut, à Banneux en Belgique est vénérée La Vierge des Pauvres : à l’origine du sanctuaire sont huit apparitions de Marie à une fillette de 11 ans, Mariette Beco, d’une famille peu pratiquante. Les apparitions sont reconnues par l’évêque en 1949. Le pape Jean-Paul II est venu en pèlerin le 21 mai 1985. La fête du sanctuaire a lieu le 15 janvier.

Un brin d'histoire

Valenciennes apparaît pour la première fois dans un document de l'époque relatant une sentence rendue en l'an 693 par Clovis II, Roi des Francs. Envahie par les Normands en 881, elle se retrouve ensuite dans les mains du Duché de Lorraine, dépendant de l'empire germanique. En 1008 une famine provoque une terrible épidémie de peste, la Vierge Marie aurait alors déroulé autour de la ville un cordon qui miraculeusement aurait protégé ses habitants de la peste.

Au XIVe siècle Albert de Bavière fait construire la Tour de la Dodenne et la cloche qui sonne encore aujourd'hui à Notre-Dame du St-Cordon. Au XVe siècle, rattaché à la Bourgogne, le Hainaut perd de son autonomie, mais Valenciennes jouit d'une incroyable renommée grâce aux personnalités qu'elle abrite : le chroniqueur Georges Chastelain, le poète Jehan Molinet, le peintre miniaturiste Simon Marmion, le sculpteur Pierre du Préau et l'orfèvre Jérôme de Moyenneville.

En 1524 Charles Quint fait son entrée à Valenciennes. En 1552, Henri II Roi de France s'allie aux protestants contre Charles Quint. Après la révolte des gueux, en 1566, Philippe II, Roi d'Espagne, masse ses troupes à la porte d'Anzin dans une forteresse appelée "La Redoute" qui fut ensuite assiégée par les Valenciennois en 1576. Malgré ces différentes querelles Valenciennes reste espagnole. En 1591 les jésuites créent une école puis font bâtir l'église Saint-Nicolas. En 1611 la façade de l'hôtel de ville est entièrement reconstruite en style Renaissance. Au XVIIe siècle, l'Escaut est canalisé entre Valenciennes et Cambrai, les manufactures d'étoffes de laine et de toiles fines en bénéficient. En 1677 les armées de Louis XIV occupent la ville qui devient française en 1678 par le traité de Nimègue. Fortifiée par Vauban, elle devient l'une des principales places fortes françaises du Nord.

La situation économique de Valenciennes va en empirant jusqu'à la découverte du charbon. Le premier puits est creusé à Fresnes en 1718 et la découverte du charbon gras en 1734 à Anzin forme la Compagnie des Mines d'Anzin.

La ville devient au XVIIIe siècle un centre actif de la dentelle et de la porcelaine. Elle est alors surnommée l'Athènes du Nord, pour son rayonnement artistique.

Sous-préfecture en 1824 elle devient au XIXe siècle, un grand centre industriel, grâce au charbon qui en fait la capitale de la sidérurgie du Nord. En 1890 une loi du 6 août déclasse la ville comme place de guerre.

De 1891 à 1893 les fortifications sont démolies et la ville est décorée de la Légion d'Honneur en 1900.

L'armée allemande l’occupe en 1914. C'est l'armée britannique et son corps canadien qui la délivrent en 1918 après de durs combats.

La ville est bombardée le 10 mai 1940. Un incendie dévore le cœur de la cité. Les troupes allemandes l’occupent à nouveau le 27 mai. En 1944 les troupes américaines entrent dans Valenciennes et la libèrent le 2 septembre. La crise des années 70 provoque la fermeture des usines métallurgiques, de textiles, et de produits alimentaires. Malgré tout, Valenciennes conserve des fabriques de tubes, des ateliers de constructions ferroviaires et de mécanique automobile.

Un brin de poésie

Valenciennes viendrait de Vallée des Cygnes…

Le cygne
De Sully Prudhomme (Recueil Les Solitudes, 1869), prix Nobel de Littérature.


Sans bruit, sous le miroir des lacs profonds et calmes,
Le cygne chasse l'onde avec ses larges palmes,
Et glisse. Le duvet de ses flancs est pareil
A des neiges d'avril qui croulent au soleil ;
Mais, ferme et d'un blanc mat, vibrant sous le zéphire,
Sa grande aile l'entraîne ainsi qu'un blanc navire.
Il dresse son beau col au-dessus des roseaux,
Le plonge, le promène allongé sur les eaux,
Le courbe gracieux comme un profil d'acanthe,
Et cache son bec noir dans sa gorge éclatante.
Tantôt le long des pins, séjour d'ombre et de paix,
Il serpente, et, laissant les herbages épais
Traîner derrière lui comme une chevelure,
Il va d'une tardive et languissante allure.
La grotte où le poète écoute ce qu'il sent,
Et la source qui pleure un éternel absent,
Lui plaisent ; il y rôde ; une feuille de saule
En silence tombée effleure son épaule.
Tantôt il pousse au large, et, loin du bois obscur,
Superbe, gouvernant du côté de l'azur,
Il choisit, pour fêter sa blancheur qu'il admire,
La place éblouissante où le soleil se mire.
Puis, quand les bords de l'eau ne se distinguent plus,
A l'heure où toute forme est un spectre confus,
Où l'horizon brunit rayé d'un long trait rouge,
Alors que pas un jonc, pas un glaïeul ne bouge,
Que les rainettes font dans l'air serein leur bruit,
Et que la luciole au clair de lune luit,
L'oiseau, dans le lac sombre où sous lui se reflète
La splendeur d'une nuit lactée et violette,
Comme un vase d'argent parmi des diamants,
Dort, la tête sous l'aile, entre deux firmaments.

Petit abécédaire

Châsse : « fierte » est un coffre précieux qu’on porte en procession et dans lequel on conserve les reliques d'un saint.

Manteau de la Vierge : rappelle la frange du manteau du Christ qu’une femme aurait touché pour être guérie. Cela fait également référence au « manteau de soleil » dont est enveloppée la femme « couronnée d’étoiles », en qui la tradition catholique reconnaît la Vierge Marie, reine du ciel. La confrérie des Royés a voulu que l’actuel manteau d’apparat de la statue soit couleur soleil. Le précédent manteau était bleu, fidèle en cela à l’ancienne coutume qui tout au moins en Occident associe le bleu à la Vierge Marie depuis le XIIe siècle.

Nativité : la fête de la Nativité désigne la naissance de la Vierge Marie traditionnellement portée le 8 septembre. Autres fêtes mariales : le 15 août fête de l’Assomption, le 8 décembre, fête de l’Immaculée Conception.

Royés : le service autour de la statue est assuré par les membres de la Confrérie des Royés de Notre-Dame du Saint-Cordon. Elle est composée de :

- 40 membres dits "Royés actifs", domiciliés à Valenciennes ou dans les communes voisines ou y ayant résidé, âgés de 21 ans au moins, et qui s'engagent à préparer et à participer à toutes les manifestations en l'honneur de Notre-Dame du Saint-Cordon et à assurer le service à chacune des sorties de la Vierge, et en particulier pendant le "Grand Tour".

- de "Royés honoraires", pris soit parmi les anciens Royés actifs, soit parmi les personnalités qui ont aidé à rehausser ou à maintenir le culte de Notre-Dame du Saint-Cordon.

- de "Royés à la suite", parmi lesquels sont choisis au fur et à mesure des places disponibles ceux qui complèteront le nombre des Royés actifs. Ils participent au service, comme les Royés actifs.

Leur insigne est un brassard bleu, rayé de blanc, et le bâton garni de buis.
Les demandes d'admission, après au moins 3 années de service du Grand Tour, doivent être adressées par écrit au Président de la Confrérie. Celles-ci sont soumises à l'examen du bureau, présentées à l'approbation de Monsieur le Curé et ratifiées par l'assemblée annuelle de la Confrérie."

Sourire : vers 1804-1806, le sculpteur valenciennois Gillet a voulu donner à Marie un visage extrêmement souriant, un peu telles les madones de Léonard de Vinci.

Valenciennes : le nom provient de « vallée des cygnes », puis « val de cygnes », qui aurait donné Valenciennes.

Sources

FOYER, Dominique. - Le Saint-Cordon de Valenciennes : 1000 ans d'un miracle. - Nouvelle Cité Ed., 2008, 188 p.

Liens utiles

Site de Notre Dame de Saint-Cordon : http://www.saint-cordon.com/

Site sur l’histoire de Valenciennes : http://valenciennes.chez.com/

Site de l’Association Cathocambrai Développement : http://www.cathocambrai.com/

A Ecouter :

Jean-Jacques REVILLION, La bière, Elève Toi Donc Belle - Chants Traditionnels Du Nord De La France, 2006.