Patrimoine culturel immatériel

L'Art de la faïence à GienL'Art de la faïence à Gien

C'est quoi ?

«  Une grosse fleur en relief dont le tour est agrémenté d’une torsade en trompe-l’œil
terminée par une petite coquille constitue l’emplacement pour déposer la montre. »
Porte-montre, faïencerie de Giens, XIXe siècle.

 «  Ce qui est utile est beau »
Platon

La faïencerie de Gien est fondée en 1821 par Thomas Hulm. Depuis près de deux siècles, son savoir-faire se développe et s’enrichit grâce aux innovations techniques et artistiques, et la faïencerie maîtrise l’intégralité des étapes nécessaires à la fabrication des pièces.

Les étapes de l’art de la faïence

Le moule 

Une fois la pièce imaginée, il faut lui créer un moule. Véritable travail de sculpteur, le modeleur fabrique le moule mère dans du plâtre dur ou de la résine duquel découleront les moules en plâtre.


Salle des moules à Gien © Ooh! Collective

La pâte

Au début il y a la terre, ou plutôt les terres, car bien que le mélange permettant de façonner une pièce de faïence reste à Gien un secret bien gardé, on sait qu’il n’en faut pas moins de 14, dont bien entendu l’argile, le kaolin et le sable.

Broyée, mélangée dans l’eau, tamisée, filtrée, la matière est transformée en barbotine, une pâte très liquide utilisée pour le coulage, une technique de moulage qui permet de fabriquer des formes complexes, ou alors le mélange est déshydraté par filtration et mis en forme de boudin pour le moulage des plateries.

 

Le façonnage

Les ballons de terre (pâte en boudins) sont posés sur un moule tournant qui répartit la pâte et lui donne sa forme. Cette technique est utilisée pour la fabrication d’assiettes.

Pour les formes plus complexes, la barbotine, très liquide est coulée dans un moule en plâtre qui absorbe l’eau et permet un séchage rapide. On obtient ainsi une pièce en cru qui se démoule facilement.

 

Le garnissage

C’est à cette étape que les pièces sont garnies de leurs accessoires tels que les anses, les becs qui sont collés à l’aide d’une barbotine spéciale.


Garnissage d'une tasse © Ooh! Collective

Le finissage

Les pièces sont ébarbées et polies.

La cuisson

Elles sont séchées et cuites à 1160°C et deviennent ainsi des biscuits.

La décoration

Ici le service création élabore de nouveaux décors ou s’inspire des archives de la faïencerie peintes au XIXe afin de rééditer d’anciens modèles.

Les techniques utilisées sont la chromo sérigraphie (c’est le terme exact employé à Limoges pour décrire l’impression des chromos), l’impression main ou la peinture à la main.

La chromo sérigraphie, pratiquée depuis le XIXe siècle, est une décoration par transfert, comme une décalcomanie. Le motif est appliqué sur la pièce émaillée en blanc qui est alors recuite à 1045°C.

L’impression main est le procédé le plus ancien utilisé à Gien. Le motif est gravé manuellement sur une plaque de cuivre qui est alors enduite d’une préparation huileuse, contenant des colorants céramiques. Elle est raclée, recouverte d’un papier de soie puis passée sous presse. Le transfert étant réalisé sur le papier, il est posé contre la faïence et tamponné délicatement à la main pour permettre à la couleur d’adhérer aux parois. La pièce décorée est ensuite confiée au peintre ou dirigée vers l’émaillage. Une impression machine peut être utilisée dans le cas de grandes productions en platerie. Le procédé mécanique utilise alors un écran de sérigraphie, des membranes en latex pressées sur les biscuits et des tampons en silicones.

La peinture à la main est un véritable travail d’artiste. Il crée lui même son mélange par addition d’eau et de glycérine. Le fond bleu, qui a largement participé à la renommée de la faïencerie, est extrêmement difficile à réaliser de façon uniforme et demande au peintre une grande dextérité. La peinture posée, la pièce subit une cuisson de dégraissage qui permet de fixer les couleurs et d’éliminer la matière grasse. Mais avant l’émaillage, chaque pièce est contrôlée et nettoyée.


Peinture à la main © Ooh! Collective

L’émaillage

Cette étape permet de donner l’éclat à la pièce qui est trempée dans un bain d’émail. L’opération est délicate et rapide, car la couche doit être fine, régulière et sans coulure. Le biscuit, poreux absorbe l’eau et fixe ainsi l’émail à sa surface.

La pièce subit alors une cuisson qui dure entre 12 et 24 heures à une température maximum de 1045°C.

Ça se passe où ?

Gien est un chef-lieu de canton de l’est du Loiret, sur la Loire, dans la région Centre.

Le château de Gien est l’un des tout premiers châteaux de la Loire. Il a accueilli Jeanne d’Arc et appartient à la couronne dès le XIVe siècle.

C'est quand ?

Toute l’année depuis 1821.

Un brin d’évasion

L’Art de la céramique en Azerbaïdjan et en Iran

Naghsh o Khâk, signifiant « dessin et terre » est le nom d’un groupe de céramistes formé par Farideh Tathiri-Moghaddam dans la province d’Azerbaïdjan de l’Est. Cette artiste a créé un musée vivant de la céramique pour préserver et faire connaître les méthodes traditionnelles de fabrication de la céramique d’Azerbaïdjan.

« La céramique fut inventée vers six mille ans av. J.-C. au Proche Orient. Tepe Sialk et Shahr-e Soukhteh, situés en Iran, font partie des sites archéologiques les plus importants attestant ce fait. Le tour de poterie (mû à la main) fut inventé en Iran au cours du IVe millénaire av. J.-C., et créa une révolution dans la fabrication de la céramique. Farideh Tathiri-Moghaddam [...] crée des objets en céramique sur lesquels elle trace des dessins inspirés de l’ensemble des arts traditionnels iraniens (architecture, kilim, ornementations des livres anciens, miniature, etc.). Elle considère que la terre est le premier matériau que l’homme-artiste a utilisé pour raconter une histoire ; la sienne ou celle de son pays. Cette capacité de narration est d’après elle la caractéristique principale de l’art iranien, quel que soit son support. Pour elle, la force narrative des dessins iraniens vient du fait que plusieurs espaces sont mis les uns à côté des autres sur une même surface. La terre devient ainsi une toile de peinture, d’où le nom Naghsh o Khâk (dessin et terre) du groupe composé des céramistes qu’elle a formé dans la province d’Azerbaïdjan de l’Est. La terre que ce groupe utilise est celle d’une mine située à Zonouz, à proximité de la ville de Marand ; une terre blanche, riche en kaolin, qui a été longtemps utilisée pour fabriquer des céramiques très ressemblantes à de la porcelaine, et qui donne un éclat particulier à l’émail turquoise. Selon Farideh Tathiri-Moghaddam, conserver l’héritage culturel d’une région, d’une province ou d’un pays ne signifie pas imiter éternellement les mêmes dessins et les mêmes formes. Par contre, retrouver les méthodes des anciens et transmettre leur savoir-faire aux générations futures est indispensable pour ne pas perdre cet héritage, qui est une part de l’identité culturelle de chacun ; en découle l’idée du musée vivant de la céramique, que Farideh Tathiri-Moghaddam et ses élèves ont créé dans une ancienne maison d’habitation restaurée à Tabriz. Ici, les visiteurs voient en pratique les différentes étapes de la fabrication de la boue et sa cuisson selon les méthodes traditionnelles en Azerbaïdjan. »

ZIA, Djamileh. La céramique en Iran, une exposition du groupe Naghsh o Khâk au centre Sabâ [en ligne]. La revue de Téhéran, n°50, janvier 2010.
Disponible sur : <http://www.teheran.ir/spip.php?article1104> (consulté le 12/09/2012)


Chromo sérigraphie, enduit de la préparation huileuse © Ooh! Collective

Un brin d'histoire

Histoire de la Faïencerie de Gien

En 1821, Thomas Hulm dit « Hall » fonde la manufacture de la Faïencerie. C’est à ce moment l’époque de la terre de pipe, terre blanche qui servait à fabriquer les pipes, d’où son nom, et utilisée à Gien pour confectionner la vaisselle blanche, assiettes et bols avec des décors imprimés.

De 1829 à 1849 apparaissent les premières améliorations techniques et artistiques. En 1834, la terre de pipe est supplantée par la faïence fine, plus dure et résistante. Toujours axée sur la vaisselle, la production s’améliore. Ces efforts sont récompensés par une mention à l’Exposition Universelle de Paris en 1839.

C’est entre 1853 et 1865 qu’apparait l’imitation des décors du XVIIIe siècle imprimés et colorés. Réalisée entièrement à la main, cette technique qui lui apporta une médaille d’argent à l’Exposition universelle de Paris en 1867 est toujours utilisée aujourd’hui.

C’est alors qu’apparaissent le « nacré » et les décalcomanies sous émail pour les décors de « Saxe » et de « Marseille ». Quelques années plus tard, de nouvelles réalisations telles que les émaux translucides, les émaux de Longwy, les décors japonais et persans, sont lancées.

Ce sont les 20 dernières années du XIXe qui voient la Faïencerie se distinguer à travers sa créativité et sa performance technique qui permettent la réalisation de pièces monumentales et originales. La manufacture reçoit une médaille d’or à Philadelphie et à l’Exposition universelle de 1900.

Parallèlement, la production industrielle de la vaisselle, du carrelage ainsi que des carreaux du métro parisien (qui sera arrêtée en 1980) est en plein essor.

La Grande Guerre ralentit l’activité, mais de 1920 à 1938, de nombreuses grandes familles françaises et d’Europe commandent des services à leurs armoiries.

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l’exploitation contemporaine se développe. Les années 1970 apportent la concurrence étrangère qui fait régresser la faïence au profit de la porcelaine et de matériaux nouveaux.

La Faïencerie continue aujourd’hui à perpétuer sa tradition tout en exploitant de nouvelles voies dans la création contemporaine.

GILLARD, Michèle-Cécile. Faïence de Gien 1821-1900. Paris : Massin, 2008, 272 p.

190 ans d’histoire et d’émotions [en ligne]. Gien France.
Disponible sur : <http://www.gien.com/ > (consulté le 12/09/2012)


Décoration et émaillage à Gien © Ooh! Collective

Un brin de poésie

L’Abat-jour vert

...J’vivais anqu’ mon péé, pis ma méé
Dans eun’maison qu’j’aimerai toujours
-L’douz’de la rue d’la Pépinière –
C’nid où qu’j’ai vécu tant d’biaux jours

...J’atains pas riche... (ç’atait la mode)
L’mobilier, ç’atait l’ceu d’trop ben
Un bureau... deux lits... eun’commode
...Eun’ormoire... Et v’là tout l’butin

Mais au-d’sus d’la table de cuisine
Dans sa lyr’ suspendue en l’air
Trônait un’lampe si gent’... si fine...
Couifée d’son bel abat-jour vert

Il atait posé tel qu’un dôme
Su’son cercl’ qui vrillait dans l’noir
Et nout’table avait l’air d’un trône
Près duquel on s’rassemblait l’soir.

Camille Delamour

(né en 1923 dans le Loiret, décédé en 1965 à Gien).

Poème de 1957 en berrichon

Petit abécédaire

LA BARBOTINE : pâte liquide utilisée pour le coulage.

LE BISCUIT : nom donné à la pièce après avoir subi sa première cuisson à 1160°C.


Biscuits à la sortie du four © Ooh! Collective

OBJETS INSOLITES OU INHABITUELS DE LA FAÏENCERIE

ASSIETTE MILLEFLEURS : assiette récente au décor fleuri, léger et lumineux créé par Isabelle de Borschgrave que lui a inspiré le jardin romantique d’une amie. Pensées, rose, bleuets, géraniums, camélias, dentzias, sureaux, persicarias, spirées... Tel un peintre botaniste, elle les peignit une à une.

BOÎTE TROMPEUSE : pièce rare et spectaculaire créée par Dominique Grenet en 1880 cette boîte est dissimulée dans la carapace d’une tortue fantastique.

BONBONNIÈRE MONTÉE SUR BRONZE : bonbonnière aux motifs enchevêtrés sur fond vert de la fin du XIXe., son couvercle bombé est entouré d’un jonc torsadé. Elle est posée sur une mouture en bronze doré et repose sur trois petits pieds griffes. Gien a suivi la mode du siècle et fabriqué de nombreux objets montés sur bronze, sur laiton ou sur bois.

ENCRIER PIQUE-PLUMES : encrier de 1860. D’une grande rareté, il est composé d’une soucoupe servant de présentoir, d’un l’encrier boule reposant sur quatre pieds et perforé de quatre trous afin de pouvoir y poser les plumes et de son godet permettant de recevoir l’encre. Son décor de Saxe porte des motifs champêtres en camaïeu bleu pâle sur fond blanc.

LAMPES DE SANCTUAIRE : au XVIIIe, les lampes d’églises étaient souvent en métal ou en faïence. Celles de Gien, appelées « vasques suspendues » ou « plafonniers » sont plus ou moins évasées, plus ou moins profondes et on les trouve dans différents types de décor : camaïeu de bleu en décor Bérain, camaïeu de bleu en décor Saxe, décor italien, décor japonais, décor de Rouen ou encore de cor aux émaux de Longwy...

PLAT À ASPERGES : plat de style naturaliste de 1878, dont le décor évoque le contenu. Il est composé d’un seul tenant d’un panier recouvert de feuilles de vigne sur laquelle est posée la partie centrale fixe représentant une botte d’asperges.

PENDULE « À L’ÉLÉPHANT » : pendule crée par Ulysse Bertrand fin XIXe. Pièce majeure qui reflète le goût de l’époque pour l’exotisme est présentée sur un socle ajouré qui imite ceux de la Chine. L’éléphant et sa parure sont richement décorés à l’orientale. Une large palette de couleur a été utilisée pour décorer cette pièce rare : gris-brun, marron, jaune-oranger, bordeaux, turquoise, bleu, vert, blanc... H : 48 cm ; L : 33 cm.

PORTE-MONTRES : objets de collection, les porte-montres généralement de taille identique sont assez rares. Ils existent dans de nombreux décors : italien, Marseille, turquoise trésaillé...

Sources 

GILLARD, Michèle-Cécile. Faïence de Gien 1821-1900. Paris : Massin, 2008, 272 p.

RENARD, Jean-Claude. Faïences de Gien : Une technique, un art de vivre, une légende. Joué-les-Tours : Éditions Alan Sutton, 2001, 96 p.

BRANCOTTE, Virginie. Camille Delamour :Poète berlingotier. Orléans : Corsaire éditions, 2010, 186 p.

190 ans d’histoire et d’émotions [en ligne]. Gien France.
Disponible sur : <http://www.gien.com/cms/Rub_153/Europe/France/La-Faiencerie-de-Gien/Presentation-de-la-Faiencerie-de-Gien.html> (consulté le 12/09/2012)

Les techniques de fabrication [en ligne]. Gien France.
Disponible sur : <http://www.gien.com/cms/Ress_44/Europe/France/La-Faiencerie-de-Gien/Presentation-de-la-Faiencerie-de-Gien/Les-techniques-de-fabrication.html>

Château de Gien [en ligne]. Conseil Général du Loiret.
Disponible sur : <http://www.loiret.com/chateau-de-gien-36679.htm> (consulté le 12/09/2012)

ZIA, Djamileh. La céramique en Iran, une exposition du groupe Naghsh o Khâk au centre Sabâ [en ligne]. La revue de Téhéran, n°50, janvier 2010.
Disponible sur : <http://www.teheran.ir/spip.php?article1104> (consulté le 12/09/2012)

Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales. Portail Lexical [en ligne].
Disponible sur : <http://www.cnrtl.fr/portail/> (consulté le 12/09/2012)

Dictionnaire Larousse [en ligne].
Disponible sur : <http://www.larousse.fr/> (consulté le 12/09/ 2012)

Liens utiles

Site officiel de la Région Centre : http://www.regioncentre.fr/jahia/Jahia/

Site de la ville de Gien : http://www.gien.fr/Actualites/index.html?s=13

Site de la faïencerie de Gien : http://www.gien.com/boutique/index.php?___store=french

Site du Grand Barbichon : http://www.legrandbarbichonprod.com/

Page du groupe Boréale : http://www.legrandbarbichonprod.com/boreale.html

À écouter :

Boréale, TATARD, Rémy / TROUPLIN, Boris / DANAIS, Léo, Rêve, Golem, Le Grand Barbichon, 2010