Patrimoine culturel immatériel

Les Maîtres tuiliers de Gironde-sur-DroptLes Maîtres tuiliers de Gironde-sur-Dropt

C'est quoi ?

« Les tuiles qui protègent de la pluie ont été faites par beau temps »
Proverbe français

«  Il pleure ?
- Non l’enfant, il est juste amoureux »

L’enfant évoquant la passion de Jean-Marie l’artisan, pour son métier

La fabrication des tuiles et des carreaux de Gironde, fabriqués en terre cuite, se fait grâce à un procédé traditionnel et artisanal. La fabrication est restée manuelle jusqu’à la première moitié du XXe siècle. Certaines étapes sont aujourd’hui mécanisées.

 Fabrication artisanale des carreaux de Gironde © Ooh! Collective
Fabrication artisanale des carreaux de Gironde © Ooh! Collective

LES ÉTAPES DE FABRICATION DE LA TUILE ET DU CARREAU DE GIRONDE

La préparation de l’argile

  1. L’extraction de l’argile se fait dans les carrières par temps sec (en été)

  1. Elle est ensuite est acheminée en piles à l’extérieur pour qu’elle puisse s’humidifier

  1. L’argile est mise dans le distributeur, dont le rôle est de distribuer les terres pour la fabrication artisanale et industrielle.

  1. La terre est ensuite déposée dans le désagrégateur, une machine qui la broie, puis emmenée en vrac sur un tapis dans le mouilleur afin d’être humidifiée dans des bassins.

  1. Pour les carreaux industriels, deux cylindres lisses vont écraser les derniers grumeaux avant qu’elle ne soit transportée à nouveau sur un tapis puis mise dans la mouleuse.

  1. Pour la fabrication artisanale, la terre est mise au distributeur qui part dans des bassins à tremper pendant toute une nuit, pour qu’elle se transforme en pâte molle. À l’ouverture des trappes des bassins, la terre descend dans le malaxeur. C’est une mouleuse différente que pour la fabrication industrielle, car il ne s’agit pas là de mouler les carreaux mais de rendre la terre homogène et molle.

  1. Elle est enfin acheminée par de grosses charrettes anciennes appelées des charretons.

Le moulage

  1. Une fois la terre préparée, elle est mise de tas en tas pour la fabrication à la main faite à l’aide d’un cadre de bois. Les carreaux ainsi formés en terre crue sont tapés afin de bien les former, puis passent une semaine au sol afin de durcir.

  1. Les tuiles bardelis faites à la main sont également moulées dans un cadre en bois qui a été sablé. Le tuilier, après y avoir étalé la terre la retire à l’aide d’un bois, puis forme le bord de la tuile à crochet. Sa courbure lui est donnée au séchage.

Le séchage et la cuisson

  1. Carreaux et tuiles sèchent pendant deux semaines en été, presque trois semaines en hiver.

  1. Une fois moulés à l’aide d’un cadre de bois, ils sont posés sur des étagères où ils continueront à sécher grâce au vent et à la chaleur.

  1. Enfin ils iront dans un séchoir à 40°C afin d’éliminer toute l’humidité.

  1. C’est seulement alors qu’ils seront cuits à 1000°C dans le four « tunnel ».

Pour traiter les carreaux de Gironde, il est conseillé d’attendre 3 semaines afin qu’ils soient bien secs, car ils ont été trempés dans l’eau pour effectuer la pose. On peut ensuite les traiter avec un mélange d’huile de lin et de térébenthine (ou de utiliser de l’hydrofuge sans silicone) et effectuer plusieurs passages espacés chacun de 24h, jusqu’à saturation.

 Enfournement des tuiles © Ooh! Collective
Enfournement des tuiles © Ooh! Collective

Ça se passe où ?

Gironde-sur-Dropt est une commune française de Gironde, en Aquitaine, située à 49 km au sud-est de Bordeaux.

C'est quand ?

Tout au long de l’année, cependant le temps de séchage diffère selon les saisons. Les carreaux sèchent pendant deux semaines en été et presque trois semaines en hiver.

En été, les carreaux sont fabriqués en 1 semaine, et la deuxième semaine, ils sont tapés, ébarbés et ramassés.

En hiver, le même travail dure 3 semaines en tout.

Un brin d’évasion

La revitalisation du savoir traditionnel de l’élaboration de la chaux artisanale à Morón de la Frontera, Séville, Andalousie.

« La pratique traditionnelle de l’élaboration de la chaux a longtemps été une source d’emploi pour Morón de la Frontera et un marqueur de son identité. Lorsque la production a été remplacée par la chaux industrielle, les fours sont peu à peu tombés en désuétude et la transmission de ce savoir a cessé.

Les principaux objectifs du projet sont de sensibiliser à la pratique et à l’importance de l’élaboration artisanale de la chaux, tout en améliorant les conditions de vie des artisans. L’Association culturelle des fours à chaux de Morón a été créée à cet effet. Elle a donné naissance à un centre d’ethnographie et à un musée vivant où le processus de fabrication est exposé in situ. Les fours ont été restaurés et le projet encourage activement la transmission des techniques aux nouvelles générations. Les activités de sensibilisation, organisées en collaboration avec les artisans de la chaux, mettent l’accent sur la récupération de l’expertise et des techniques en vue de leur utilisation dans la construction durable. [...] »

Ce projet a été sélectionné en 2011 comme activité visant à la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel.

La revitalisation du savoir traditionnel de l’élaboration de la chaux artisanale à Morón de la Frontera, Séville, Andalousie [en ligne]. UNESCO ;
Disponible sur : <http://www.unesco.org/culture/ich/index.php?lg=fr&pg=00011&Art18=00511> (consulté le 26/09/2012)

 Ébarbage des carreaux © Ooh! Collective
Ébarbage des carreaux © Ooh! Collective

Un brin d'histoire

Histoire du nom de Gironde-sur-Dropt

Appelé Gironde Sainte-Pétrionille en l’an II, puis Gironde, et Sainte-Pétronille Gironde en 1801, la ville prend le nom de Gironde-sur-Dropt en 1968. Le nom de la rivière, affluent de la Garonne, apparaît en 1004 sous la forme de Droth puis Drot un demi-siècle plus tard qui est la forme courante utilisée au Moyen Âge jusqu’au milieu du XVIIIe siècle. C’est à ce moment-là qu’apparaît la forme Dropt, née peut-être de l’erreur d’un cartographe. Cette forme, toujours d’actualité sur les cartes, devient « le Drot » lorsque qu’on pénètre dans le Haut Entre-deux-Mers, au point où même les panneaux d’entrée d’agglomération s’y perdent...

Histoire de la vallée du Dropt

La vallée fut peuplée en deux vagues successives au VIe puis au IVe siècle avant J.-C. par des peuples celtes.

L’empereur Auguste créé la province romaine d’Aquitaine.

En 418, les Wisigoths s’installent dans la région. Ils sont écrasés par Clovis un peu moins d’un siècle plus tard qui les repousse en Espagne. La vallée du Dropt devient alors un royaume franc. Elle sera partagée au VIIIe siècle entre les Franques et les Gascons, puis devient entièrement carolingienne, pour gagner son indépendance en 832. Charles le Chauve en prend possession après s’être disputé le territoire avec Pépin II. La vallée est ensuite le témoin d’invasion et de ravages par les Vikings.

Au Xe siècle, le sud de la Loire est témoin de l’éclosion de comtés. Les comtes du Poitou contrôlent l’Aquitaine.

L’extinction des ducs de Gascogne (la famille des Sanche) permet d’unir la Gascogne et Bordeaux au duché d’Aquitaine en 1058.

 Moulage des carreaux artisanaux © Ooh! Collective
Moulage des carreaux artisanaux © Ooh! Collective

« Aliénor, duchesse d’Aquitaine, épouse Henry Plantagenêt qui devient en 1154 Henry II, roi d’Angleterre. Par ce mariage, Aliénor apporte (entre autres) à la couronne d’Angleterre le Périgord et l’Agenais.

Sous les règnes de Henry II et de Richard Ier Cœur de Lion, toute la vallée du Dropt est en zone anglaise.

Henry II, roi d’Angleterre, duc d’Aquitaine par son mariage, est donc aussi vassal du roi de France, mais un vassal plus puissant sur le continent que son suzerain. Cette situation, insupportable pour les deux souverains, sera à l’origine de deux siècles de conflits. » (*)

Les rois de France et d'Angleterre s’opposèrent jusqu'à la bataille décisive du 17 juillet 1453, à Castillon, qui mit fin aux hostilités.

« Ainsi, un siècle après la fin de la guerre de Cent Ans, les Guerres de Religion désolent la région, en partie gagnée par les idées de la Réforme : nouvelles horreurs, inspirées par les haines religieuses réciproques entre seigneurs.

Blaise de Monluc, Lieutenant Général de la Guyenne, s'illustre tristement dans ses opérations de maintien de l'ordre (il y gagna un surnom : Monluc, le "boucher royaliste").

Le 15 janvier 1790, la Constituante crée de nouvelles divisions administratives : les départements, au nombre de 83. La géométrie de la vallée ne se prêtait pas à la création d'un « département du Dropt »... Elle est donc partagée entre les trois départements de la Dordogne, du Lot-et-Garonne et de la Gironde. Ce sont les divisions que nous connaissons aujourd'hui, à quelques infimes retouches de « frontières » près.

Le XIXe siècle verra la réalisation du grand rêve des populations actives de la vallée : Le Drot navigable d'Eymet à son embouchure. [...] » (*)

(*) : Le Dropt dans l’Histoire [en ligne]. Vallée du Dropt. Disponible sur : <http://www.valleedudropt.com/p2.php3> (consulté le 26/09/2012)

 Four du XVIIIe siècle © Ooh! Collective
Four du XVIIIe siècle © Ooh! Collective

Un brin de poésie

Extrait de l’acte de vente de la tuilerie de Gabriel de Laville Monbazon à Jean Lalaurie, le 26 octobre 1873

Six moules pour fabriquer les grands canaux,
cinq moules pour petits canaux,
deux moules pour carreaux à six faces,
trois moules pour tuiles à bâtir,
trois moules pour tuiles baronnes,
quatre moules pour tuiles à bâtir,
deux moules pour tuiles de puits,
quatre moules de différentes dimensions,
deux moules pour tuiles d’ouvertures,
un moule pour carreaux à six faces,
un moule pour tuiles faitaux,
quatre moules pour tuiles courbes
et un grand moule,
le tout en bois,

quatre moules pour tuiles à crochet,
un moule pour tuile de jardin,
trois moules pour tuiles à bâtir
et trois moules barronnes,
le tout en fer,

deux petits moules pour tuiles à bâtir
en bois et bordés de fer.

Deux brouettes profondes,
deux brouettes pleinières,
un crible à sable,
un crible à terre,
une échelle,
deux bancs pour tailler les tuiles,
un poële,
deux machines,
un banc pour mettre la terre,
dix tuyaux,
dix-sept moules en fonte pour tuyaux,
trente-six rouleaux en bois pour tuyaux,
deux comportes,
vingt et une nattes,
deux pelles en tolle,
une pelle en bois,
un arrosoir,
un seau,
un crible en fer pour laver la terre,
six cent quatre vingt quatre claies
et deux fourgons
et divers autres objets non détaillés sur la demande des parties.

La présente vente est ainsi faite moyennant la somme de deux mille francs...

Extrait de l’ouvrage : BOISSIÈRE, Pierre. Tuileries et Tuiliers de Lot-et-Garonne. Monflanquin : Éditions de la MJC, 1997, p. 38

Petit abécédaire

LA BARDIÈRE : l’argile qui a séché est mise dans cette fosse en pierre dans laquelle on ajoute de l’eau. Le tout macère pendant une journée avant de pouvoir malaxer la terre et la mouler.

 Distribution de l'argile dans la bardière © Ooh! Collective
Distribution de l'argile dans la bardière © Ooh! Collective

LA TUILE CANAL À CROCHET : apparue dans les années 1950, la tuile canal à crochet est positionnée en rangées dans lesquelles l’eau s’écoule. Posée sur des linteaux, elle est tout d’abord soutenue par un crochet, puis deux aujourd’hui afin d’en assurer la stabilité. Façonnée par la filière , le crochet était parfois fabriqué directement manuellement à la tuilerie à l’aide d’une pince en bois.

LA TUILE DE « GIRONDE » : la tuile traditionnelle dite de « Gironde » est une tuile canal issue de fabriques locales.

LA TUILE PLATE À CROCHET : cette tuile est fabriquée à la main dans un moule en bois. Sa courbure lui est donnée au séchage.

LA TUILE MÉCANIQUE : elle est fabriquée à base d’une galette rectangulaire issue de la mouleuse et passée sous presse. Elle est posée sur une étagère et maintenue par deux crochets placés sur la face intérieure. L’étanchéité est obtenue, car elles se recouvrent légèrement entre elles par les côtés et le bas. Sur leur surface, des motifs contribuent à ce que l’eau ne déborde pas dans les joints et leur ajoutent une valeur décorative.

LE FOUR « TUNNEL » : four dans lequel les tuiles crues chargées sur wagonnet entrent d’un côté et ressortent par l’autre bout du tunnel, cuites et refroidies au bout de trois jours. La zone de cuisson se situant au centre du tunnel, les tuiles ont le temps de se réchauffer et de se refroidir en douceur.

HISTOIRE FAMILIALE DE L’ENTREPRISE STORME-PRUVOST : « Construite vers 1830, la tuilerie a appartenu successivement aux familles Merveillot et Jeaussaume. Désaffectée en 1950, cette tuilerie, dont il ne subsiste actuellement que le séchoir, est rachetée et reconstruite par M. Storme en 1966 pour fabriquer des tuiles et surtout des dalles, appelées " carreaux de Gironde ". La production est industrialisée pour rentabiliser l'affaire, mais l’entreprise continue néanmoins à produire un carreau fait à la main, destiné aux restaurations conduites par le service des Monuments historiques.
La terre est extraite sur place, parfois l' excavation atteint 10 mètres de profondeur. » (1)

(1) Tuilerie Merveillot, actuellement Strome-Pruvost [en ligne]. Mérimée – Ministère de la Culture et de la Communication.
Disponible sur : <http://www.valleedudropt.com/architecture/gironde2.htm> (consulté le 26/09/2012)

Sources 

BOISSIÈRE, Pierre. Tuileries et Tuiliers de Lot-et-Garonne. Monflanquin : Éditions de la MJC, 1997, p. 38

Strome-Pruvost : Fabricant Carreaux terre cuite, briquette et tuiles [en ligne]. Carreaux de Gironde.
Disponible sur : <http://www.carreauxdegironde-storme-pruvost.com/> (consulté le 26/09/2012)

Carreaux de Gironde [en ligne]. Disponible sur : <http://www.carreaux-de-gironde.fr/> (consulté le 26/09/2012)

Charte de recommandations architecturales et environnementales [en ligne]. Communauté de Communes de l’estuaire.
Disponible sur : <http://www.cc-estuaire.fr/cce_vie/fr/images/stories/telechargements/Agenda21/Charte_architecturale_environnementale_et_energetique_V2.pdf> (consulté le 26/09/2012)

Les carreaux [en ligne]. Tuilerie Déjean.
Disponible sur : <http://www.tuilerie-dejean.com/carreaux-de-gironde.html> (consulté le 26/09/2012)

Ville la plus proche et la plus loin de Gironde-sur-Dropt [en ligne]. Annuaire-Mairie.fr.
Disponible sur : <http://www.annuaire-mairie.fr/distance-gironde-sur-dropt.html> (consulté le 26/09/2012)

Liens utiles

Site de l’Office de Tourisme de l’Entre-deux-mers : http://www.entredeuxmers.com/

Site de l’entreprise Strome-Pruvost : http://www.carreauxdegironde-storme-pruvost.com/

À écouter :

Nicole Barré, piste 20 de l’album Piano Mélodies