Patrimoine culturel immatériel

La transhumance des abeillesLa transhumance des abeilles

- Tant qu’il y aura des fleurs et des milieux sauvages, on pourra faire quelque chose avec les abeilles

C'est quoi ?

De nombreux apiculteurs pratiquent ce qu’on appelle l’apiculture pastorale en référence au mode d’élevage méridional des moutons. Ils transhument leurs ruches plusieurs fois au cours de l’année pour faire bénéficier leurs abeilles des floraisons successives et de la diversité des espèces mellifères, sauvages ou cultivées. En se déplaçant progressivement du Sud vers le Nord, en passant peu à peu des plaines aux collines puis aux montagnes, ils arrivent à faire plusieurs récoltes de miel. Certains font voyager leurs colonies pour offrir à leurs butineuses des menus diversifiés et obtenir ainsi des miels spécifiques, mono ou polyfloraux, particulièrement recherchés des amateurs. D’autres fuient leurs régions d’hivernage au moment où les agriculteurs traitent leurs cultures, craignant l’impacte des pesticides sur la santé de leurs abeilles : ils recherchent des étendues de friches, des zones pastorales, des espaces de campagne où la végétation n’a pas été polluée.

Autrefois les ruches étaient portées à dos d’homme, de mulet ou sur des charrettes tirées par des bœufs ou des chevaux et déposées un peu plus loin, les déplacements étant limités par la lenteur du voyage. Elles sont aujourd’hui transportées sur des camions à plateau et sur des grandes distances. Chargements et déchargements sont maintenant mécanisés et permettent de transporter en un seul voyage un grand nombre de ruches.

Transhumance de nuit
©Ooh collective, Transhumance de nuit

Ce déplacement se fait le plus souvent de nuit, quand les colonies sont rentrées. Il faut éloigner les ruches à plus de trois kilomètres à vol d’abeilles pour éviter que les butineuses reviennent à leur ancien emplacement de récolte de pollen. On fait voyager les abeilles « ruches fermées » ou ruches « ouvertes ». La première technique, la seule employée jusqu’à une période récente, consiste à enfermer les abeilles et à les libérer à l’arrivée sur leur nouveau lieu de vie. Aujourd’hui on préfère laisser les ruches ouvertes, ce qui évite l’étouffement des colonies surtout s’il fait chaud et si le voyage dure plusieurs heures. Cependant, en cas de panne ou d’accident, les abeilles risquent de sortir et d’attaquer le chauffeur et les habitants alentours.

Le déplacement des ruches entre départements est soumis à la même réglementation que celui des troupeaux de moutons ou de vaches. Les apiculteurs qui veulent transhumer leurs ruches doivent le signaler à la direction des services vétérinaires de leur département afin d’obtenir une carte annuelle d’apiculteur pastoral. L’état sanitaire de leur rucher est inspecté et à la veille du départ, un « certificat sanitaire de provenance » leur est délivré, valable seulement 48 heures.

Ça se passe où ?

Le Massif de l’Esterel est un donjon de roches rouges ponctué d'une végétation au vert très soutenu, qui plonge dans le bleu turquoise de la Méditerranée et s'y reflète dans une féerie de couleurs.

Informations sur le Massif :

  • Superficies : 32 000 Hectares (dont 13 000 classés et protégés).
  • Hauteur : 614 m pour son sommet le Mont Vinaigre.
  • Localisation : Bord de mer entre Mandelieu-La Napoule, les Adrets et St Raphaël.
  • Conseil d’accès : Par « la Porte des Trois Termes » à l’Est.
  • Types de roches : Volcaniques, ère primaire.
  • 6 000 ha de forêt domaniale (entretenue par l'Office National des Forêts), le reste est composé de forêts communales, départementales et privées.
  • 400 Km de routes, de pistes et de sentiers balisés.

Massif de l’Esterel
©Ooh collective, Massif de l’Esterel

C'est quand ?

Pour donner une idée du déplacement d’un apiculteur, prenons l’exemple d’un professionnel installé dans le Var. Ses ruches passent la saison froide sur le littoral varois, où il y a toujours des fleurs ; à l’automne les abeilles sont sur la bruyère, puis elles butinent le romarin, le mimosa et la lavande maritime.

Apiculteurs
©Ooh collective

Au début du mois de mars, des arboriculteurs de la région de Manosque, dans les Alpes-de-Haute-Provence, louent ses ruches pour que des abeilles pollinisent leurs pommiers : elles y restent entre huit jours et trois semaines jusqu’à ce que toutes les fleurs des pommiers soient épanouies. Puis l’apiculteur les transporte vers le Nord, dans la partie basse des Hautes-Alpes, où les butineuses se nourrissent sur les vergers de pommiers et de poiriers, et dans les champs de pissenlit.

Début juin, on se remet en route pour monter encore un peu et poser les ruches à côté des prés à la grande diversité floristique. A la fin du mois d’août, une partie des ruches est transportée en altitude près de la station d’Orcières-Merlette. Les abeilles y produisent un miel de haute montagne composé en particulier de rhododendron, de trèfle blanc, d’épilobe, de ronce et de framboisier. L’autre moitié du rucher voyage jusque sur le plateau drômois, où les champs de lavande sont en fleurs.

L’association des abeilles et de la lavande est ancienne et le miel de lavande très prisé. Les apiculteurs passent contrat avec des lavandiculteurs qu’ils rémunèrent le plus souvent en miel. Si l’apiculteur bénéficie du travail du cultivateur de lavande, le butinage des abeilles augmente en échange le rendement en essence de lavande de 10 à 15%. C’est pourquoi certains producteurs de lavande sont en même temps apiculteurs. En octobre, toutes les ruches sont réinstallées dans le Var pour l’hivernage.

Un brin d’évasion

Les abeilles noires et les ruches troncs des Cévennes

Une ruche tronc est un modèle d'apiculture très ancien directement inspiré du processus de nidification des abeilles dans des troncs d'arbres creux. Au fil des siècles et des millénaires, ce savoir-faire dérivé de l'observation de la nature s'est enrichi et a conduit à la constitution de ruchers troncs, des ensembles architecturaux de taille variable selon les ressources du milieu et pouvant regrouper jusqu'à plusieurs centaines de ruches.

Parc National des Cévennes
©Guy Grégoire, Parc National des Cévennes

Ces ensembles de ruches troncs, appelés en Cévennes « apio » existent toujours, à l'état de traces ou en cours de restauration et de repeuplement. Ils représentent souvent le résultat de plusieurs siècles de travail, de générations et de générations d'apiculteurs de la montagne. Ils abritent encore quelques colonies d'abeilles noires résistantes qui ont survécu à une phase d'abandon partiel ou total de ces ruchers.

Un brin de poésie

Âme et jeunesse
De Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859).

Puisque de l'enfance envolée
Le rêve blanc,
Comme l'oiseau dans la vallée,
Fuit d'un élan ;

Puisque mon auteur adorable
Me fait errer
Sur la terre où rien n'est durable
Que d'espérer ;

A moi jeunesse, abeille blonde
Aux ailes d'or !
Prenez une âme, et par le monde,
Prenons l'essor ;

Avançons, l'une emportant l'autre,
Lumière et fleur,
Vous sur ma foi, moi sur la vôtre,
Vers le bonheur !

Vous êtes, belle enfant, ma robe,
Perles et fil,
Le fin voile où je me dérobe
Dans mon exil.

Comme la mésange s'appuie
Au vert roseau,
Vous êtes le soutien qui plie ;
Je suis l'oiseau !

Bouquets défaits, tête penchée,
Du soir au jour,
Jeunesse ! On vous dirait fâchée
Contre l'amour.

L'amour luit d'orage en orage ;
Il faut souvent
Pour l'aborder bien du courage
Contre le vent !

L'amour c'est Dieu, jeunesse aimée !
Oh ! N'allez pas,
Pour trouver sa trace enflammée,
Chercher en bas :

En bas tout se corrompt, tout tombe,
Roses et miel ;
Les couronnes vont à la tombe,
L'amour au ciel !

Dans peu, bien peu, j'aurai beau faire :
Chemin courant,
Nous prendrons un chemin contraire,
En nous pleurant.

Vous habillerez une autre âme
Qui descendra,
Et toujours l'éternelle flamme
Vous nourrira !

Vous irez où va chanter l'heure,
Volant toujours ;
Vous irez où va l'eau qui pleure,
Où vont les jours ;

Jeunesse ! Vous irez dansante
A qui rira,
Quand la vieillesse pâlissante
M'enfermera !

Petit abécédaire

Abeille : insecte hyménoptère social vivant dans une ruche, produisant du miel et de la cire, et dont une espèce a été domestiquée par l’homme (genre Apis, famille des apidés). L’élevage des abeilles s’appelle l’apiculture.

Abeille domestique (apis mellifica) vit au sein de sociétés comprenant de 20 000 à 100 000 individus, répartis en trois castes :

- les ouvrières, femelles stériles de 15 mm de long, qui assurent tous les travaux de la ruche et butinent inlassablement de fleur en fleur.

- la reine, unique femelle fertile ; elle se distingue extérieurement des ouvrières par sa grande taille (20 mm) et son abdomen plus allongé.

- les mâles ou faux bourdons ont essentiellement un rôle de reproducteur ; ils se reconnaissent à leur forme trapue, leur aspect velu et leurs gros yeux ; ils ne possèdent pas de dard ; au nombre de quelques centaines, ils naissent à la fin du printemps et meurent à la fin de l’été.

Abeille chauffeuse : abeille dite « brûlante » elle produit une chaleur jusqu’à 43°C, pour permettre de réchauffer les nymphes à l’intérieur du nid à couvain. Les abeilles pratiquant cette posture de réchauffage sont épuisées au bout de trente minutes.

Cellule : les cellules des rayons d’abeilles mellifères nichant dans des cavités consistent en des parois de cire arachnéennes, dont les bords supérieurs présentent des bourrelets d’une épaisseur moyennes d’environs 0,4 millimètres, formant ensemble un réseau composé de mailles hexagonales.

Colonie orpheline : colonie n’ayant pas de reine à sa tête.

Lait « soeural » : les abeilles ne produisent pas de lait maternel mais un authentique lait «soeural », produit par des glandes situées dans leur tête, pour nourrir les petites sœurs. La quantité de lait sœural qu’une larve d’abeille consomme au cours de son existence larvaire s’élève à 25 milligrammes, soit 25 microlitres.

Esterel : Plusieurs hypothèses existent concernant l'origine du nom du massif : pré-latin « ester » (rocher) ;  latin « sterilis » (à cause de la pauvreté des sols) ; ou « sueltiri » du nom d'une tribu celto-ligure ayant occupé l'endroit.

Propolis : mélange de cire, de pollen et de résines que les abeilles utilisent comme mastic pour, entre autres, réduire l’entrée dans la ruche.

Rayon : les rayons et leurs 100 000, voire 200 000 cellules, assurent pour les abeilles de manière idéale une multitude de fonctions qui sont par exmple le refuge, l’atelier de production de miel, l’entrepôt de miel, l’entrepôt de pollen, la nursery pour la progéniture, etc...

Toilettage : la reine est toilettée pratiquement en permanence par les abeilles constituant sa cour. Car parmi toutes les abeilles de la colonie, c’est elle, en premier lieu, qui doit être exempte de maladie.

Transhumance : du latin « trans », qui signifie au-delà, et « humus », terre.

Trophallaxie : pour éviter aux abeilles réchauffeuses de couvain, dites aussi « abeilles brûlantes », d’effectuer un long chemin pour aller se nourrir et risquer ainsi de faire baisser la température du couvain, des abeilles « citernes à miel » circulent sur le rayon leur donnant des baisers sucrés. Ce transfert direct de nectar ou de miel s’appelle la trophallaxie.

Sources:

BRISEBARRE, Anne-Marie. - Bergers et Transhumances. - De Borée Ed., 2007, 223 p.

TAUTZ, Jürgen (et al.). - L’étonnante abeille. - De Boeck, 2009, 278 p.

MAZOYER, Marcel (sous la dir.). - Larousse agricole : le monde paysan au XXIè siècle. - Larousse, 4ème éd., 2009, 800 p.

Liens utiles

Site des Apiculteurs en Provence : http://www.miels-de-provence.com/index.php

Site de l'association l'Arbre aux Abeilles : http://www.ruchetronc.fr

Site du Parc national des Cévennes : http://www.cevennes-parcnational.fr/

Site de l’Office du tourisme de Mandelieu-La Napoule : http://www.ot-mandelieu.fr/mandelieu/vacances_cote_d_azur/Loisir_nature/esterel.htm

Site des Musiques des Territoires d’Auvergne : http://www.amta.com.fr/

A Ecouter:

Faï Petar, Jaunes Tulipes, Les Brayauds, Auvergne, Musique à Danser, AMTA, 2005.