Patrimoine culturel immatériel

Le Guignol lyonnaisLe Guignol lyonnais

  • J’étais dans la pièce où ma grand-mère était en train de faire des costumes, mon grand-père confectionnait ses dernières marionnettes…
  • Ma petite fille n’a pas 15 ans… je sais que le patrimoine n’est pas mort ! …

C'est quoi ?

L’homme a toujours ressenti le besoin de raconter des histoires et cherché à représenter le monde qui l’entoure. La plus ancienne marionnette retrouvée proviendrait d’une tombe égyptienne à une époque comprise entre 1580 et 1080 av. J.-C. Elle représenterait une tête de chacal, celle d’Anubis.

Cependant, dans le monde si riche et si divers de la marionnette Guignol tient une place à part.

Créé vers 1808 par Laurent Mourguet, cette marionnette lyonnaise acquiert très rapidement un succès national.

Marionnettiste de la compagnie des Zonzons
©Sylvain Freyermuth, Marionnettiste de la compagnie des Zonzons

Laurent Mourguet, né à Lyon en 1769, fils de canut (ouvrier de la soie) se destine au même métier que son père, mais la Révolution et les difficultés économiques qui s’ensuivent l’obligent à embrasser divers petits boulots. Il travaille comme marchand ambulant, arracheur de dents, puis machiniste et marionnettiste. Il créé rapidement son petit théâtre aux côtés d’un associé violoniste, le Père Thomas. Ce dernier, fort attiré par la bouteille, quitte Laurent Mourguet, qui décide de crée une marionnette inspirée par ce personnage. On est en 1804 et Gnafron vient de naître. Peu de temps après, il crée une autre marionnette à son effigie cette fois : Guignol.

Marionnette d’un nouveau genre, Guignol qui détrôna Polichinelle (ce dernier régnait en force en France), est un héros populaire. Il est à l’écoute du peuple et se positionne comme son défenseur. Mieux que ça, il est le peuple, vit et parle comme lui. C’est ainsi qu’on découvre un personnage bavard détestant l’injustice, qui s’exprime en parler lyonnais et tient des propos critiques sur le pouvoir en place, ce qui l’amène rapidement à subir la censure.

Laurent Mourguet improvisait les pièces qu’il jouait, mais ne sachant ni lire ni écrire, il n’en retranscrivait aucune. C’est la première censure imposée par Napoléon III en 1852 qui, obligeant les troupes à soumettre les textes, permît un début de conservation.

Le répertoire se développant sans cesse, les enfants de Laurent Mourguet participèrent à la retranscription de cette richesse et commencèrent à écrire les dialogues, afin d’avoir un aide-mémoire. On doit également la préservation du répertoire classique à un magistrat, Jean-Baptiste Onofrio (publié en 1865) bien qu’il ait revendiqué avoir censuré quelques grivoiseries.

Marionnettes de la compagnie des Zonzons
©Sylvain Freyermuth, Marionnettes de la compagnie des Zonzons

Durant la première guerre mondiale, une série de cartes commentant l’actualité du jour (réalisées par Jean Coulon et Gérôme Coquandier) à travers les personnages de Guignol et Gnafron, subiront parfois la censure, le texte étant jugé trop acide vis-à-vis des autorités politiques.

La censure a rendu les textes de Guignol plus lisses, et a fait naître le répertoire des parodies du Théâtre classique (pour adultes), des pièces d’inspiration traditionnelle et des pièces pour enfants.

Si Guignol est aujourd’hui davantage connu comme un théâtre pour enfants, il y a eu encore beaucoup de pièces destinées aux adultes de la fin du XIXe siècle aux années 1990 (avec Jean-Guy Mourguet).

Quelques personnages du théâtre de Guignol :

Guignol et Gnafron : duo indissociable, Guignol est impulsif, coléreux et naïf, alors que son ami le tempère. Plein de bon sens, ce cordonnier ayant un léger penchant pour la bouteille est un grand philosophe.

Guignol et Gnafron
©
Sylvain Freyermuth, Guignol et Gnafron

Madelon est la femme de Guignol. Ménagère fidèle mais ronchon, elle réprimande Guignol lorsqu’il boit trop ou qu’il rentre tard à la maison.

La Toinon, parfois femme de Gnafron, elle peut aussi tenir différents rôles selon le besoin de la pièce.

Le Bailli est le représentant de l’ordre (maire ou juge)

Le Gendarme, personnage plutôt simplet, il applique sans réfléchir les décisions du Bailli. Souffre-douleur, c’est lui qui goûte le plus à la tavelle de Guignol.

Ça se passe où ?

Lyon est situé au confluent du Rhône et de la Saône. C'est le chef-lieu du département du Rhône et de la région Rhône-Alpes.

Des traboules à Lyon
©Ooh collective, Des traboules à Lyon

Un brin d’évasion

Jacques et Louis Poire Cuite à Lille

Beaucoup plus au Nord et quelques décennies plus tard naît Louis de Budt dit « Poire Cuite ». Il créé son théâtre de marionnettes en 1870 dont le héros, Jacques, rappelle en certains points notre ami lyonnais. Justicier, protecteur des petites gens et armé d’un bâton, cette marionnette est de caractère naïf, jovial, un peu frustré et s’exprime en patois. Jacques annonce traditionnellement le programme de la soirée, invite les spectateurs à acheter des poires cuites à l’entracte, puis interprète un vaudeville.

Louis Poire Cuite dispose d’une cinquantaine de marionnettes et interprète plus de 200 pièces inspirées de romans populaires, des opéras et opérettes ainsi que des pièces comiques et féériques.

Un brin d'histoire

« Lyon gallo-romaine : splendeur et décadence de la capitale des Gaules. L’histoire de Lyon, alors appelée Lugdunum, (nom qui signifierait Colline des Corbeaux ou Colline de la Lumière) commence au 1er siècle avant J.-C. : il est courant de fixer la naissance de Lyon à la fondation de la cité par un légat romain le 9 octobre 43 avant J.-C. sur l’actuelle colline de Fourvière. 
Pourtant, les premières traces d'occupation humaine remontent au premier âge du fer. […]

A la croisée du Rhône et de la Saône, Lugdunum se développe.[…]. La ville devient le berceau du christianisme en Gaule. Le supplice de Sainte-Blandine 177 annonce de nombreux martyrs de chrétiens. […] A la fin du IIIe siècle, le déclin de la puissance romaine expose Lugdunum aux violences des invasions Barbares qui chassent les habitants de la ville haute.

Lyon médiévale ou la cité ecclésiastique. Il faut attendre le IXe siècle et l'émergence de l'Eglise pour que la ville s'épanouisse à nouveau. Suite à des déformations successives du langage Lugdunum devient Lyon. […] La prospérité va grandissante pour la ville ecclésiastique. Le commerce reprend et conduit à l’essor de l’artisanat et à la diversification des activités professionnelles, notamment dans le secteur de l’alimentation et du textile. Un soulèvement des "Bourgeois" (marchands, banquiers, artisans) leur permet d'obtenir le droit de s'administrer eux-mêmes mais surtout confère à la ville sa devise officielle : "Avant, avant, Lion le Melhor »

La Renaissance : l'apogée de Lyon. La prospérité de Lyon ne cesse alors de croître pour atteindre son apogée à la Renaissance. Aux XVe  et XVIe siècles, l'essor et le prestige de la ville sont incomparables. […] Lyon devient l’un des principaux centres européens du grand commerce et de la banque. Les traits essentiels du commerce lyonnais se dégagent : prédominance de l’ensemble du secteur textile, mais plus particulièrement des soies et soieries. La banque naît du grand commerce. C'est ici que s'établit la première lettre de crédit.

L'expansion se prolonge au cours des XVIIe et XVIIIe siècles. […]L'élite mondaine, intellectuelle et artistique s'y installe […] A l’essor du textile, s’ajoute le développement de la métallurgie. […]Pour le pouvoir royal, Lyon joue le rôle de ville-relais au plan politique, financier mais aussi militaire, notamment pendant les guerres d'Italie. […] Au XVIe siècle, François Ier encourage l'activité du tissage de la soie pour mettre un coup d'arrêt aux importations intempestives. […]

Les XVIIe et XVIIIe siècles à Lyon : la ville classique. A partir du XVIIe siècle, Lyon n’offre plus le même visage qu’au temps de la Renaissance. Les fondements de sa fortune et l’équilibre de ses activités ont évolué. L’héritage du passé n’est pas perdu pour autant, mais la capitale du grand commerce et de la banque est devenu ville manufacturière, ville des soieries, des marchands-fabricants et du petit peuple des tisseurs.

La cité industrielle du XIXe siècle. L'Empire se montre très favorable à la ville. La prospérité industrielle, et d'abord celle des soyeux, ne cesse de croître. […] Lyon doit son caractère de ville ouvrière à tous les travailleurs de la soie, ouvriers, apprentis, tisseurs, teinturiers. En 1831 et 1834, les canuts se révoltent, contre le refus des fabricants d’appliquer le tarif minimum des prix de façon. Cet épisode révélateur d'une condition ouvrière très rude ne doit pas faire oublier que les lyonnais gardent humour et gaieté, comme en témoigne la marionnette de Guignol.

Le décret du 24 mars 1852 […] rattache à Lyon les trois faubourgs, La Guillotière, Vaise et la Croix-Rousse. […]Des travaux d'envergure modifient la physionomie de la ville : l'Opéra, le Palais de Justice, le Palais de la Bourse. […] La Troisième République perpétue cette urbanisation : les universités, la Préfecture, la Basilique de Fourvière sont construits à cette époque, ainsi que la demeure des Frères Lumière, devenue Institut Lumière, qui en 1895 offrent au monde l'un de ses plus importants divertissements avec l'invention du cinéma.[…]

Une ville au visage modifié. […]Grâce au développement des transports, d'infrastructures et d'équipements culturels et la création en 1960 du quartier d'affaires de la Part-Dieu. Lyon acquiert sa dimension européenne.

Lyon contemporaine : en marche vers l'avenir. […]Pendant près d’un demi-siècle, les destinées de la ville sont confiées à Edouard Herriot. Le foisonnement architectural juxtapose, dès le début du siècle, aux témoignages souvent splendides de l'histoire, des quartiers neufs et projette Lyon dans la modernité. […]En 1942, Lyon devient la capitale de la Résistance Française et s'illustre au travers d'hommes tel que Jean Moulin. […]

Un nouvel élan est donné dans les années 1980 […] En quelques dizaines d'années Lyon est devenue une métropole où se côtoient harmonieusement les réussites du passé et la définition de l'avenir. […]»

Un brin de poésie

Petit extrait

GNAFRON

« T’as donc pas vu dans les journaux de Paris qu’y paraît que le lyonnais, c’est pas du français ? »

GUIGNOL

« Et t’as cru ça grand bête ! Y sont jaloux pasce que c’est nous que le parlons le mieux, le français, le plus vieux. Te sais donc pas que étions capitale avant eusses ; que nous faisions le vin quand y buvaient pas seulement du rapé, qu’y avait déjà chez nous une Compagnie des Eaux avec ses tuyaux sur des arqueducs grands comme des cathédrales, que leur Paris était encore qu’un village en bois au bord d’un gaillot si peu conséquent qu’on le traverserait en quatre brassées. Ils ont la langue de tout le monde ces faiseurs de fufus : nous, nous parlons comme nos anciens et le gone qu’en aurait honte, ce serait un mauvais gone, un mauvais Français, un Barrabas, un Judas. T’entends ? Faut pas plus renier son parler que son vin. ».

G4. L’apprentisse, par Thomas Bazu.

Petit abécédaire

Belin : agneau (parler lyonnais). Expression de tendresse qu’on dit volontiers aux enfants.

Cache-maille : tirelire (parler lyonnais).

Canut : ouvrier qui travail dans le tissage de la soie.

Gnafron : personnage du théâtre de Guignol, il serait né en 1804. Laurent Mourguet se serait inspiré de son associé le père Thomas (Lambert Grégoire Ladre).

Gnafre : savetier, cordonnier (parler lyonnais).

Gone : le môme (parler lyonnais).

Marionnette à gaine : Guignol est une marionnette à gaine, c'est-à-dire que la main du manipulateur est à l’intérieur de la marionnette. La tête de la marionnette est manipulée par l’index du marionnettiste, le pouce dirige un bras et les trois autres doigts mettent en mouvement l’autre bras. La tête et les mains sont sculptées dans du bois tendre comme le tilleul.

L’ouverture du castelet se situait à 1,70m environ, ce qui permettait au manipulateur de se tenir debout tout en étant caché du public.

Mourguet, Jean-Guy : marionnettiste, c’est le dernier descendant de la famille Mourguet. Passionné de Guignol ; il exerce au théâtre du Quai Saint-Antoine avant de prendre sa retraite en 1991.

Jean-Guy Mourguet
©coll. part. J.-G.M., Jean-Guy Mourguet

Salsifis : nom donné à la queue de cheveux de Guignol, serrée et noire comme le légume. Il rappelle le catogan porté à l’époque.

Tavelle : trique, bâton (parler lyonnais) Elle représente une pièce de métier à tisser des soyeux lyonnais.

Tibi : théâtre argentin. Tibi est une marionnette à gaine, héros populaire contemporain. Javier Villafan (le teatro Andariega) en est l’un des précurseurs. Le théâtre de Tibi est éducatif et a pour vocation l’apprentissage de la vie en société, de l’histoire ou de la géographie. Après 1958 (date de la retraite de J. Villafan), Alfredo Bagalio prend la relève.

Tibi
©Ooh collective, Tibi

Sources

LEFORT, Stéphanie. -Marionnettes : le corps à l’ouvrage. -A la croisée Ed., 2007, 126 p.

TABEY, Jean-Paul. -Guignol : Marionnette lyonnaise. -Alan Sutton Ed., 2005, 124 p.

DE VISAN, Tancrède. -Le Guignol Lyonnais. -De Borée Ed., [complétée par Gérard Truchet], 2004, 141 p.

FEREY, Catherine / BLAZY, Simone. -Des objets qui racontent l’Histoire : Marionnettes. -EMCC, 2000, 114 p.

DU PUITSPELU, Nizier / BUTIN, Jean (préf.). -Le littré de la Grand’Côte. -Editions lyonnaises d’art et d’histoire, 2001, 353 p.

GRATTEPIERRE, Chaon. –Le Littré du Gourguillon : le dictionnaire du vrai parler lyonnais. –Editions lyonnaises d’art et d’histoire, 2003, 285 p.

Liens utiles

Portail culturel de la ville de Lyon :http://www.culture.lyon.fr/culture/

Site de la compagnie des Zonzons :http://www.guignol-lyon.com/

Site du musée théâtre guignol de Brindas : http://mtg1.corelis.fr/

Site des musées Gadagne :http://www.gadagne.musees.lyon.fr/

Site de l’association Mandopolis :http://www.mandopolis.org/

Site de Melonious Quartet :http://www.myspace.com/meloniousquartet

Site de la Fédération des Associations de Musiques & Danses Traditionnelles :http://www.famdt.com/

A écouter

Melonious Quartet, Habanera Casalinga, La Miugrana, 2008, Mandopolis