Patrimoine culturel immatériel

Les maîtres tapissiers d'AubussonLes maîtres tapissiers d'Aubusson

  • …J’ai fait un stage qui devait durée deux mois….

C'est quoi ?

Tradition pluriséculaire, l’artisanat de la tapisserie d’Aubusson consiste dans le tissage d’une image selon des procédés pratiqués à Aubusson et quelques autres localités de la Creuse (France). Cet artisanat produit des tentures généralement de grande taille destinées à orner des murs, mais aussi des tapis et des pièces de mobilier. La tapisserie d’Aubusson s’appuie sur une image de tout style artistique, préparée sur un carton par un peintre cartonnier à partir de la maquette fournie par un concepteur.Le tissage est effectué manuellement par un lissier sur un métier à tisser placé à l’horizontale, sur l’envers de la tapisserie, à partir de laines teintes artisanalement sur place. Ce procédé exigeant implique un temps de réalisation et un coût importants.Les tapisseries d’Aubusson sont une référence dans le monde entier, au point qu’« Aubusson » est devenu un nom commun dans certaines langues. La production de tapisseries à Aubusson et à Felletin fait vivre trois petites entreprises et une dizaine d’artisans lissiers indépendants, suscitant une activité induite significative.

Thésée vainqueur du Minotaure – Tapisserie de MarcSaint-Saëns
Maison du Tapissier, Thésée vainqueur du Minotaure – Tapisserie de MarcSaint-Saëns

La tapisserie d’Aubusson et de Felletin est caractérisée par le travail en basse-lisse (métiers positionnés à l’horizontale).

Ça se passe où ?

Aubusson est le chef-lieu d’arrondissement de la Creuse, sur la Creuse.

Un brin d’évasion

La fabrication des tissus d’écorce en Ouganda

La fabrication des tissus d’écorce en Ouganda est un artisanat ancien des Baganda, un peuple établi dans le royaume de Buganda, dans le Sud de l’Ouganda. Selon la tradition, les artisans du clan Ngonge, sous la direction d’un Kaboggoza, chef héréditaire des artisans, fabriquaient des tissus d’écorces pour la famille royale baganda et le reste de la communauté. Ce travail repose sur quelqu’uns des savoir-faire les plus anciens de l’humanité, une technique préhistorique antérieure à l’invention du tissage.

L’écorce antérieure du Mutuba (Ficus natalensis) est récoltée pendant la saison des pluies, puis longuement et vigoureusement battue à l’aide de différents maillets en bois pour lui donner une texture souple et fine et une couleur ocre uniforme. Les artisans travaillent dans un hangar ouvert afin d’empêcher l’écorce de sécher trop rapidement. Le tissu d’écorce est porté à la manière d’une toge par les hommes et les femmes, avec une large ceinture autour de la taille pour ces dernières. De couleur ocre pour l’homme ordinaire, il est teint en blanc ou en noir pour les chefs et porté de façon différente pour mettre leur statut en valeur. Il est principalement porté lors de cérémonies de couronnement et de guérison, les funérailles et les rassemblements culturels. Il peut également servir de rideau, de moustiquaire, de linge de lit ou de sac pour conserver les produits.

La fabrication du Tissus d’Ecorce en Ouganda a été proclamé chef d’œuvre de l’Humanité.

Un brin d'histoire

Aubusson, connue depuis le XVe siècle pour ses tapisseries de basse-lisse est restée un centre actif de la tapisserie.

Aubusson
©Ooh collective, Aubusson

Histoirede la tapisserie

Les plus anciennes mentions de tapissiers remontent au XVe siècle. Aux verdurestant représentées aux XVe et XVIe siècles succèdent progressivement les tapisseries à personnages qui relatent des épisodes empruntés à l’histoire, la mythologie, la religion ou la littérature.

Plusieurs événements concourent au développement et au rayonnement de la tapisserie marchoise. En 1601, Henri IV interdit l’entrée en France des tapisseries étrangères.

En 1665, les ateliers privés d’Aubusson acquièrent le titre de "Manufacture Royale". Felletin l’obtient à son tour en 1689. Malheureusement, la révocation de l’Edit de Nantes en 1685 porte un coup dur à la tapisserie, puisque de nombreux lissiers aubussonnais émigrent auprès de princes allemands.

Cependant au cours du XVIIIe siècle, le goût du confort favorise la mode du tapis. En 1740, des métiers de haute-lisse permettent la production de tapis à points noués, dans une région où le tapis ras était habituellement confectionné, selon les méthodes de la tapisserie. Un nouvel arrêt se produit lors de la révolution de 1789, peu propice aux industries de luxe.

Cochenille
©Oohcollective, Cochenille

La généralisation du papier peint devient aussi une concurrente pour les lissiers. La production du XIXe siècle se caractérise ensuite par la création d’ensembles destinés à la décoration intérieure. A la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, Aubusson est une ville prospère avec 1500 à 2000 personnes travaillant dans les ateliers, mais l’esprit artistique fait souvent défaut.

Une renaissance se produit grâce à la rencontre de Jean Lurçat, en 1939, avec Gromaire et Dubreuil. Le succès de Lurçat attire à la tapisserie des artistes aux talents aussi divers que ceux de Jean-Picart-le-Doux, Saint-Saens, J. Lagrange, Dom Robert, R. Wogensky, L.M Jullien, M. Matégot, M. Tourlière, M. Prassinos. Dubreuil, Gromaire, Braque, Vasarely, Cocteau, Dali, Picasso, Ernst, Calder, Le Corbusier…, séduits par l’art séculaire de la tapisserie, donnent des modèles à Aubusson.

Le XXe siècle est sans doute l’une des périodes (avec le XVIIe siècle) les plus importantes de l’histoire de la tapisserie aubussonnaise. Le renouveau de la tapisserie s’est opéré grâce à la réunion de peintres, de directeurs d’ateliers, de lissiers et de teinturiers.

Teintures
©Oohcollective, Teintures

Un brin de poésie

Les papillons (partie 1)
de Gérard de Nerval (1808-1855) Recueil : Odelettes.

I
De toutes les belles choses
Qui nous manquent en hiver,
Qu'aimez-vous mieux ? - Moi, les roses ;
- Moi, l'aspect d'un beau pré vert ;
- Moi, la moisson blondissante,
Chevelure des sillons ;
- Moi, le rossignol qui chante ;
- Et moi, les beaux papillons !
Le papillon, fleur sans tige,
Qui voltige,
Que l'on cueille en un réseau ;
Dans la nature infinie,
Harmonie
Entre la plante et l'oiseau !...
Quand revient l'été superbe,
Je m'en vais au bois tout seul :
Je m'étends dans la grande herbe,
Perdu dans ce vert linceul.
Sur ma tête renversée,
Là, chacun d'eux à son tour,
Passe comme une pensée
De poésie ou d'amour !
Voici le papillon "faune",
Noir et jaune ;
Voici le "mars" azuré,
Agitant des étincelles
Sur ses ailes
D'un velours riche et moiré.
Voici le "vulcain" rapide,
Qui vole comme un oiseau :
Son aile noire et splendide
Porte un grand ruban ponceau.
Dieux ! le "soufré", dans l'espace,
Comme un éclair a relui...
Mais le joyeux "nacré" passe,
Et je ne vois plus que lui !
[…]

La Chasse aux papillons 1968
La Maison du Tapissier, Dom Robert - La Chasse aux papillons 1968

Petit abécédaire

Basse-lisse : désigne la technique employée à Aubusson et Felletin où des lissiers travaillent sur des métiers de basse-lisse, c’est-à-dire des métiers horizontaux, sur lesquels on travaille avec les mains et les pieds, contrairement aux Gobelins (Paris) où le tissage s’effectue en haute-lisse, sur des métiers verticaux, et sur chaîne de laine.

Travail en basse-lisse
©Ooh collective, Travail en basse-lisse

Bolduc : carte d’identité de la tapisserie, selon la loi fiscale de 1968.

Carton : modèle de la tapisserie, à la grandeur du tissage et au motif inversé, également appelé patron.

Chapelet : échantillonnage des laines, choisi en accord avec le créateur du motif, que le lissier emploie pour tisser.

Chiné : résultat d’un mélange de plusieurs fils de couleurs différentes, il permet les dégradés.

Corde : formée de quatre à cinq écheveaux de laine groupés, elle pèse environ 550 grammes.

Echeveau : assemblage de fils.

Grattoir : peigne plat, à quelques dents, en fer ou en ivoire, utilisé pour tasser les fils de la trame des demi-duites. Il précède le tassement plus fin du peigne.

Lisses (ou lices) : sont les cordelettes de coton reliant chaque fil de chaîne aux barres de lisses, elles mêmes actionnées par les pédales pour ouvrir la chaîne et passer la trame grâce aux flûtes garnies de laine ou de soie (aux Gobelins on utilise des broches).

Miroir : permet au lissier de contrôler le tissage réalisé à l’envers.

Moche (la) : demi écheveau, enroulé.

Ourdissage : résultat de l’assemblage, sous forme de faisceaux. On prépare les nappes de chaîne sur un ourdissoir.

Peigne : permet de tasser vigoureusement les duites qui sont obtenues par un aller-retour du fil de trame entre les deux nappes de la chaîne. Le peigne est en bois, ivoire ou matière plastique.

Piqué : résultat d’un mélange de plusieurs fils de couleurs opposées qui permet les contrastes.

Tenture : ensemble de tapisseries relatant les divers épisodes d’une même histoire.

Tombée de métier : l’équipe et parfois le public est réuni autour du lissier pour dérouler l’œuvre réalisée : le lissier sectionne à l’aide de ciseaux les fils de la chaîne, libérant ainsi la tapisserie des deux ensouples.

Verdure : tapisserie traditionnelle, à dominante verte, animée par des végétaux ou des monuments.

Sources

Centre de documentation du musée départemental de la tapisserie.

Dom ROBERT. - La clef des champs Dom Robert. - Privat Ed., 2003, 176 p.

GUINOT, Robert. - La tapisserie d’Aubusson et de Felletin. - Lucien Souny Ed., 2009.

Liens utiles

Site de la Maison du Tapissier: http://mtapissier.lacreuse.com/

Site de l’UNESCO: http://www.unesco.org

Site Dom Robert: http://www.domrobert.com

Site de l’Abbaye d’En Calcat: http://www.encalcat.com/

Site du Conseil Général de la Creuse: http://www.creuse.fr/

A écouter

Eric Montbel,Glassery Part 1 / Part 2, La Charmeuse de Serpent, Le Grand Barbichon Prod.