Patrimoine culturel immatériel

Le maloyaLe maloya

C'est quoi ?

« Le maloya est à la fois une forme de musique, un chant et une danse propres à l’île de la Réunion. Métissé dès l’origine, le maloya a été créé par les esclaves d’origine malgache et africaine dans les plantations sucrières, avant de s’étendre à toute la population de l’île. Jadis dialogue entre un soliste et un chœur accompagné de percussions, le maloya prend aujourd’hui des formes de plus en plus variées, au niveau des textes comme des instruments (introduction de djembés, synthétiseurs, batterie...). Chanté et dansé sur scène par des artistes professionnels ou semi-professionnels, il se métisse avec le rock, le reggae ou le jazz, et inspire la poésie et le slam. Autrefois dédié au culte des ancêtres dans un cadre rituel, le maloya est devenu peu à peu un chant de complaintes et de revendications pour les esclaves et, depuis une trentaine d’années, une musique représentative de l’identité réunionnaise. Toutes les manifestations culturelles, politiques et sociales sur l’île sont accompagnées par le maloya, transformé de ce fait en vecteur de revendications politiques. Aujourd’hui, il doit sa vitalité à quelque 300 groupes recensés dont certains artistes mondialement connus, et à un enseignement musical spécialisé au Conservatoire de la Réunion. Facteur d’identité nationale, illustration des processus de métissages culturels, porteur de valeurs et modèle d’intégration, le maloya est fragilisé par les mutations sociologiques ainsi que par la disparition de ses grandes figures et du culte aux ancêtres. »

Willy Philéas
©Ooh collective, Willy Philéas

Doit-on parler de maloya ou des maloyas ?

Il y a deux sphères culturelles dominantes dans le maloya réunionnais.

La sphère Nord-Est et la sphère Sud-Ouest.

Dans ces deux univers encore complètement étanches il y a de cela 15 ans deux pratiques différentes du maloya s’opèrent.

Dans la région Nord-Est les pratiquants du maloya sont très empreints de spiritualité, le maloya est une musique liée au culte des ancêtres afro-malgaches.

Il y a aussi dans cette région une façon bien spéciale de chanter le maloya en créole qui est plus « piké » dans la façon d’interpréter que dans le Sud. Aussi dans cette région le maloya en mode responsorial domine et donne un visage très marqué du maloya solèy lévan.

Dans la région Sud-Ouest, les pratiquants du maloya, bien que pratiquants du culte des ancêtres comme leurs homologues de l’autre région, s’expriment essentiellement en créole dans leur maloya. Le maloya sudiste semble plus anciennement enraciné dans la terre réunionnaise car il n’y a que peu de chants en dialectes dans le Sud. Berceau de la contestation sociale et culturelle dans les années 1970, beaucoup de chants parlent du quotidien des travailleurs, des problèmes de la vie quotidienne, de la lutte pour de meilleures conditions de vie.

Entretien avec Stéphane Grondin(Président du collectif MALOYA ALL STARS, musicien traditionnel, ethnomusicologue)

Ça se passe où ?

La Réunion est un Département et Région français d’outre-mer (D.R.O.M.), constitué par une île de l'océan Indien, à 560 km à l'Est de Madagascar.

Ile de La Réunion
©Ooh collective, Ile de La Réunion

Un brin d'histoire

Histoire de la Réunion

« Il semble que l'île soit restée déserte, même après sa découverte par les Portugais – dont Pedro de Mascarenhas qui lui donne le nom de Mascareigne – au début du XVIes., et il faut attendre encore plusieurs années après sa prise de possession par les Français (1638) pour que commence son peuplement. Des colons s'installent dans ce qui s'appelle depuis 1649 l'île Bourbon, dont le développement est concédé à la Compagnie française des Indes orientales (1664). Au début du XVIIIes., celle-ci, qui exploite également depuis peu l'île de France (actuelle île Maurice), organise une sorte de division du travail entre les deux îles. À l'île Bourbon, qui ne possède pas de sites portuaires favorables, est dévolue la production, à l'île de France, le commerce international. Les colons français de Bourbon commencent par introduire le caféier. La nouvelle culture, pour se développer, utilise des esclaves noirs prélevés sur la côte orientale de l'Afrique et à Madagascar, et accessoirement des Indes. En 1761, le nombre d'habitants s'élève à 22 500, aux quatre cinquièmes noirs, contre un millier au début du siècle. Les besoins alimentaires de la population (et de celle de l'île de France) entraînent le développement des cultures vivrières (blé, maïs) et de l'élevage. Mais la colonisation ne se fait pas sans mal (difficultés dues au relief, révoltes de « nègres marrons », blocus anglais…), et la production de café stagne, comme celles de girofle ou de poivre. Avec la suppression du privilège de la Compagnie (1767) disparaissent de nombreux abus.

Champs de canne à sucre
©Ooh collective, Champs de canne à sucre

De la Révolution de 1789 à celle de 1848, l'île change plusieurs fois de nom. Elle devient la « Réunion » en 1793 (pour commémorer la « réunion » des Marseillais et des gardes nationaux le 10 août 1792), puis l'île Bonaparte jusqu'à son occupation par les Anglais en 1810. Rendue à la France en 1815, elle redevient alors l'île Bourbon, ne reprenant son nom actuel qu'en 1848. Ses liens traditionnels étant rompus avec l'île Maurice, dont les Anglais ont pris possession en 1815, et les besoins en sucre de la métropole s'étant accrus du fait de la perte de Saint-Domingue, son économie est reconvertie dans la culture de la canne. La population croît rapidement (180 000 habitants en 1860). Après l'abolition de l'esclavage en 1848, une politique d'immigration de travailleurs à faible coût (Indiens tamouls notamment) est menée activement. Mais les petits propriétaires blancs, qui n'ont pas les moyens de recruter des salariés, abandonnent leurs plantations et se consacrent désormais à de pauvres cultures vivrières ou à celle de plantes à parfum dans l'arrière-pays montagneux (les « terres des Hauts »). La société réunionnaise prend à ce moment la forme hiérarchisée qui n'a pas totalement disparu aujourd'hui.

1860 est une année charnière. La crise sucrière mondiale s'installe, et l'économie de La Réunion entre dans une longue phase de stagnation qui se prolonge jusqu'à la Seconde Guerre mondiale. Des facteurs locaux (cyclones, épidémies, épiphyties) aggravent la situation. Le rythme d'accroissement de la population faiblit, l'immigration est bloquée. Malgré une remontée au cours de la décennie 1930, la production de sucre reste inférieure à ce qu'elle était soixante-dix ans plus tôt.

Ile de La Réunion
©Ooh collective, Ile de La Réunion

En 1946, année de la départementalisation, l'île compte 225 000 habitants. Les investissements sanitaires font tomber fortement la mortalité, alors que la natalité reste forte. Cette situation, qui se traduit par un taux de croissance naturel de 3 % par an, dure jusqu'à la fin des années 1960, lorsque la fécondité commence à fléchir. La jeunesse de la population, qui en est la conséquence, constitue une donne importante de la vie politique locale. Elle contribue à expliquer, avec les tensions sociales, les poussées de fièvre que connaît fréquemment l'île (manifestations violentes dans le quartier du Chaudron à Saint-Denis en 1992 et 1997). Comme dans tout l'outre-mer, le débat politique porte sur le statut de l'île et l'autonomie, insuffisamment reconnue, aux yeux de la gauche, par les lois de décentralisation de 1982. Par ailleurs, La Réunion est davantage engagée dans la coopération régionale que ses homologues. Elle fait en effet partie de la Commission de l'océan Indien (C.O.I.), créée en 1984.

Histoire du maloya

Le mot maloya est cité en public pour la première fois vers 1930. C’est dans une pièce de Théâtre du folkloriste Georges FOURCADE intitulé Zistoires la caze, qu’est décrite l’utilisation du kayamb, du bobre et du timba pour l’exécution d’un chant maloya, héritage des ancêtres mozambicains.

Cependant cette musique des noirs est attestée depuis quasiment le début du peuplement de l’île vers 1700. Sous des formes diverses et variées, les musiques noires traverseront le temps, les modes, se mélangeront, se complèteront pour former le socle de notre maloya actuel.

Kayamb
©Ooh collective, Kayamb

Marginalisée pendant la période coloniale, considérée comme dénigrée au début de la période départementaliste des années 1950, le Parti communiste réunionnais en fait une musique de classe des années 1960 à 1981.

Au grand jour depuis les années 1980, le maloya que nous connaissons aujourd’hui est à la croisée des chemins. A cheval entre une tradition reconstituée et une recherche d’ouverture sur le monde, les musiciens actuels peuvent se baser sur l’héritage des maîtres du maloya.

Le rouler
©Ooh collective, Le rouler

Un brin de poésie

Mé aswar sad mwin lé anvi èt
Sad mon kèr i plèr
T’in ti pé lékim dolo

Mais ce soir ce que j’ai envie d’être
ce que pleure mon cœur
c’est d’être une petite écume de mer

Po digdig out pyé
T’in ti ponyé la briz dann pyé filao
Po fane out sové
La pokor pinyé

Pour chatouiller tes pieds
d’être un léger souffle de vent dans les filaos
pour éparpiller tes cheveux pas encore peignés

Démavouz la vi, 1979 - recueil de Danyèl WARO

Petit abécédaire

Démavouz la vi : (néologisme de Danyèl WARO) : passage d’un état de maladie, de faiblesse (…) d’une vie subie à un état de force, de santé, d’une vie assumée. D’une vie « mavouz » à une vie « démavouzée ».

Episa lo félir, episa lo pétrir, lo fon la mèr i krak, lo fon la mèr i kas, Gran dézord : « tout d’un coup la fêlure, tout d’un coup la fissure, le fond de la mer craque, le fond de la mer casse, fracas épouvantable » poème de Albany en évoquant l’origine tellurique de la Réunion qui signifie :

« la lav an lwil i koul » : la lave coule comme de l’huile (D.W.)

Malbar : Au lendemain de l’abolition de l’esclavage ce sont plus de 130 000 engagés Indiens, venant de différentes région d'Inde comme le Tamil Nadu, le Golfe du Bengale, de la côte de Malabar ou encore la côte du Coromandel, qui passeront par les camps d’ouvriers agricoles des grandes propriétés sucrières de l’île.

Maloya : On dit que le mot maloya pourrait aussi venir d'une déformation du malgache maloy aho, qui signifieraitdire ce que l'on à sur le cœur.

Mavouz : malade (voir démavouz)

Saint-Benoît : Le nom de cette commune, créée en 1815, vient du prénom du gouverneur Pierre-Benoît Dumas qui, avec l'accord des autorités ecclésiastiques, l'érigea en paroisse.

Solitaire de l’île de la Réunion : oiseau de la race des ibis aujourd’hui disparu. Comme le dodo de l’île Maurice, il est arrivé en volant et a progressivement perdu l’usage de ses ailes.

Sources :

ALBANY, Jean. - Bleu Mascarin. - [recueil de poèmes], 1969.

ALBANY, Jean. - Bal indigo : poèmes et chansons en créole. - 1976.

POUNIA, Gilbert. - Somin Granbwa. - [poésie], Grand Océan Ed., 1997, 100 p.

WARO, Danyèl. - Démavouz la vi. - [compr. une lecture de Félix Marimoutou], Edition K’A, (réed.), 2008.

MARIMOUTOU, Félix. - Chant et poèmes. - [Note : étude des textes et des chansons de Jean Albany, Gilbert Pounia et Danyèl Waro], Edition K’A, 2007.

BROIN, Mélanie. - Île était une fois...l'histoire naturelle de La Réunion. - Océan Ed., 2010, 63 p.

COMBEAU, Yvan (sous la dir.). - L’île de La Réunion dans le XXe siècle un itinéraire français dans l'océan indien : colonie, département, région. - Centre de Recherches sur les Sociétés de l’Océan Indien, Océan Ed., 2009, 400 p.

Article Larousse. - Île de La Réunion. - [Document en ligne], [réf. du 28 août 2010], Disponible sur Internet : http://www.larousse.fr/encyclopedie/litterature/R%C3%A9union/176442

Liens utiles

Site de Maloyallstars : http://www.maloyallstars.com/

Site de Gramoun Sello : http://www.myspace.com/gramounsello

Site de la famille Lélé : http://www.groovelele.fr/