Patrimoine culturel immatériel

Le rituel du bain à LourdesLe rituel du bain à Lourdes

C'est quoi ?

L’eau est symbole de Lourdes par excellence. Le rituel du bain à Lourdes est donc indiscutablement lié à ce qui se vit quotidiennement au sanctuaire. Le pèlerin est invité, croyant, non croyant, ou encore d’autres confessions, à boire, se laver (s’asperger le visage) ou encore se baigner dans les piscines (bains).

les Robinets
©Ooh collective - les Robinets

L’eau est évoquée à travers quelques-unes des 16 apparitions (d’après le sanctuaire de Lourdes) :

Jeudi 11 février 1858 : la première rencontre.

« Première apparition. Accompagnée de sa sœur et d'une amie, Bernadette se rend à Massabielle, le long du Gave, pour ramasser des os et du bois mort. Enlevant ses bas pour traverser le ruisseau et aller dans la Grotte, elle entend un bruit qui ressemblait à un coup de vent, elle lève la tête vers la Grotte : "J'aperçus une dame vêtue de blanc : elle portait une robe blanche, un voile blanc également, une ceinture bleue et une rose jaune sur chaque pied". Bernadette fait le signe de la croix et récite le chapelet avec la Dame. La prière terminée, la Dame disparaît brusquement. »

67 les Robinets
©Archives des Sanctuaires Notre-Dame de Lourdes - 67 les Robinets

Dimanche 14 février 1858 : l’eau bénite

Deuxième apparition. Bernadette ressent une force intérieure qui la pousse à retourner à la Grotte malgré l'interdiction de ses parents. Sur son insistance, sa mère l'y autorise ; après la première dizaine du chapelet, elle voit apparaître la même Dame. Elle lui jette de l'eau bénite. La Dame sourit et incline la tête. La prière du chapelet terminée, elle disparaît.

Jeudi 18 février 1858 : la Dame parle

Troisième apparition. Pour la première fois, la Dame parle. Bernadette lui présente une écritoire et lui demande d'écrire son nom. Elle lui dit : "Ce n'est pas nécessaire.", et elle ajoute : "Je ne vous promets pas de vous rendre heureuse en ce monde mais dans l'autre. Voulez-vous me faire la grâce de venir ici pendant quinze jours? ».

Vendredi 19 février 1858 : le premier cierge

Quatrième apparition. Bernadette vient à la Grotte avec un cierge bénit et allumé. C'est de ce geste qu'est née la coutume de porter des cierges et de les allumer devant la Grotte.

Mardi 23 février 1858 : le secret

Septième apparition. Entourée de cent cinquante personnes, Bernadette se rend à la Grotte. L'Apparition lui révèle un secret "rien que pour elle".

Jeudi 25 février 1858 : la source

Neuvième apparition. Trois cents personnes sont présentes. Bernadette raconte : "Elle me dit d'aller boire à la source (…). Je ne trouvai qu'un peu d'eau vaseuse. Au quatrième essai je pus boire. Elle me fit également manger une herbe qui se trouvait près de la fontaine puis la vision disparut et je m'en allai." Devant la foule qui lui demande: « Sais-tu qu'on te croit folle de faire des choses pareilles ? », elle répond : « C'est pour les pécheurs. »

Samedi 27 février 1858 : silence

Dixième apparition. Huit cents personnes sont présentes. L'Apparition est silencieuse. Bernadette boit l'eau de la source et accomplit les gestes habituels de pénitence.

Lundi 1er mars 1858 : la première miraculée de Lourdes

Douzième apparition. Plus de mille cinq cents personnes sont rassemblées et parmi elles, pour la première fois, un prêtre. Dans la nuit, Catherine Latapie, une amie lourdaise, se rend à la Grotte, elle trempe son bras déboîté dans l'eau de la source : son bras et sa main retrouvent leur souplesse.

Mercredi 3 mars 1858 : le sourire de la dame

Quatorzième apparition. Dès 7 heures le matin, en présence de trois mille personnes, Bernadette se rend à la Grotte, mais la vision n'apparaît pas ! Après l'école, elle entend l'invitation intérieure de la Dame. Elle se rend à la Grotte et lui redemande son nom. La réponse est un sourire. Le curé Peyramale lui redit : "Si la Dame désire vraiment une chapelle, qu'elle dise son nom et qu'elle fasse fleurir le rosier de la Grotte".

Jeudi 16 juillet 1858 : la toute dernière apparition

Dix-huitième apparition. Bernadette ressent le mystérieux appel de la Grotte, mais l'accès à Massabielle est interdit et fermé par une palissade. Elle se rend donc en face, de l'autre côté du Gave... et voit la Vierge Marie, une ultime fois : "Il me semblait que j'étais devant la grotte, à la même distance que les autres fois, je voyais seulement la Vierge, jamais je ne l'ai vue aussi belle !".

la Grotte
©Ooh collective - la Grotte

Prière des pèlerins à Lourdes.

Vierge Sainte, au milieu de vos jours Glorieux, n’oubliez pas les tristesses de la terre. Jetez un regard de bonté sur ceux qui sont dans la souffrance, qui luttent contre les difficultés et qui ne cessent de tremper leurs lèvres aux amertumes de cette vie ;
Ayez pitié de ceux qui s’aimaient et qui ont été séparés !
Ayez pitié de l’isolement du cœur !
Ayez pitié de la faiblesse de notre foi !
Ayez pitié des objets de notre tendresse !
Ayez pitié de ceux qui pleurent, de ceux qui prient, de ceux qui tremblent ;
Donnez à tous l’espérance et la paix.
Ainsi soit-il.

Ça se passe où ?

Chef-lieu de canton des Hautes-Pyrénées, Lourdes se situe sur le gave de Pau, en bordure des Pyrénées.

Sanctuaire de Lourdes
©Ooh collective - Sanctuaire de Lourdes

Un brin d’évasion

Le Miqvé, bain rituel dans la tradition juive.

C’est une sorte de petite piscine dont la construction obéit à des règles précises. Elle contient de l’eau dont la quantité et la provenance sont également réglementées. Elle sert à purifier les personnes et les objets.

Le Miqvé doit contenir au moins 750 litres d’eau. Le terme de Miqvé se trouve dans le premier chapitre de la Genèse au verset 10 « Et au Miqvé (rassemblement) des eaux, il leur donna le nom de mers ». L’eau du Miqvé possède une vertu purificatrice ; elle doit être naturelle et provenir soit d’une source, soit de l’eau de pluie, de la glace ou de la neige. La mer, une rivière, un lac ou un bassin rempli d’eau de pluie offrent eux aussi une eau purificatrice.

Le Miqvé est l’endroit où l’on lave les personnes et les objets d’une impureté dont les origines peuvent être très diverses. L’impureté des personnes est essentiellement liée à l’idée de la mort (…)

Ainsi, de nos jours la fréquentation du Miqvé est surtout assurée par :

1 : les femmes à la veille de leur mariage et les femmes mariées qui viennent s’immerger après chaque accouchement ou menstruation.

2 : les personnes qui se convertissent au judaïsme.

3 : également certains hommes, le vendredi avant le Chabbat ou à la veille du Kippour (non obligatoire).

Chez les Hassidim, l’immersion dans le Miqvé est un acte mystique de renaissance, de rapprochement avec Dieu exécuté avec grande ferveur et indispensable chaque matin avant la prière, la pureté physique étant inextricablement liée pour eux à la pureté spirituelle.

Un brin d'histoire

En 1858, l’évêque de Tarbes s’était imposé une entière réserve au sujet des apparitions de Lourdes, attendant les conclusions de la commission d’enquête qu’il avait formée en 1858. Le 18 janvier 1862, l’évêque promulgue un mandement par lequel il s’appuie sur les conclusions positives de la commission et déclare que l’Immaculée Mère de Dieu est réellement apparue à Bernadette Soubirous dans la Grottes de Massabielle.

La première cérémonie officielle a lieu deux ans après, le 4 avril 1864 : c’est la bénédiction de la statue de la Grotte. A cette occasion, la paroisse de Lourdes y vient en procession. Le premier pèlerinage est celui de Loubajac, organisé, le 21 juillet 1864.

En mars 1866, la ligne de chemin de fer Bordeaux-Tarbes est prolongée jusqu’à Lourdes et, en juin 1867 est inauguré le tronçon Pau-Lourdes : ainsi est terminée la ligne Bayonne-Toulouse, qui va faciliter l’arrivée de pèlerinages de la région. Le premier train spécial est celui de Bayonne, avec 700 pèlerins, le 16 juillet 1867. En 1872, le nombre de pèlerins passe de 28000 à 119 000.

Le journal Le Pèlerin écrit en 1880 « le miracle c’est que tous ces 917 malades pauvres dont plusieurs, au dire des médecins, ne devaient point, en demeurant paisiblement dans leur lit, passer la semaine sur terre, pas un seul n’est mort ni en route, ni à Lourdes ni au retour, malgré les fatigues de tout genre et une installation, incomplète et insuffisante. Quel est l’hôpital de mille personnes qui ait une aussi bonne semaine ? » C’est cette même année que naquit l’Hospitalité de Lourdes où spontanément des bénévoles se sont proposés d’aider des malades.

Les services essentiels sont alors mis en place : transport de la gare vers les lieux d’hébergement des malades ; acheminement des mêmes malades, chaque jour, des « hospices » vers la Grotte et les piscines et inversement ; infirmières au service des malades, service d’ordre à la Grotte et aux piscines ; bains aux piscines assurés pour les hommes par les « Hospitaliers » et pour les femmes par des infirmières.

Article 1 de la chartre de l’Hospitalité de Lourdes :

« L’hospitalité Notre Dame de Lourdes est une association de personnes bénévoles qui travaillent en commun à Lourdes, pour le service des pèlerins et spécialement des pèlerins malades. En droit canonique, depuis 1928, c’est une archiconfrérie. Son origine se trouve dans une rencontre toute fortuite, à Lourdes en 1880. Des pèlerins et des malades, venus répondre à l’appel de Notre-Dame, transmis par Sainte-Bernadette, de venir en procession, boire et se laver à la Fontaine de la Grotte, rencontrèrent des passants qui voulurent les aider et les servir ».

Hospitalières de Lourdes
©Ooh collective – Hospitalières de Lourdes

Un brin de poésie

Étoile du matin, inaccessible reine,
Voici que nous marchons vers votre illustre cour,
Et voici le plateau de notre pauvre amour,
Et voici l’océan de notre immense peine.

Ainsi nous naviguons vers votre cathédrale.
De loin en loin surnage un chapelet de meules
Rondes comme des tours, opulentes et seules
Comme un rang de châteaux sur la barque amirale.

Deux mille ans de labeur ont fait de cette terre
Un réservoir sans fin pour les âges nouveaux.
Mille ans de votre grâce ont fait de ces travaux
Un reposoir sans fin pour l’âme solitaire.

Vous nous voyez marcher sur cette route droite,
Tout poudreux, tout crottés, la pluie entre les dents
Sur ce large éventail ouvert à tous les vents
La route nationale est notre porte étroite.

Nous allons devant nous, les mains le long des poches,
Sans aucun appareil, sans fatras, sans discours,
D’un pas toujours égal, sans hâte ni recours.
Des champs les plus présents vers les champs les plus proches...

Nous sommes nés pour vous au bord de ce plateau,
Dans le recourbement de notre blonde Loire,
Et ce fleuve de sable et ce fleuve de gloire
N’est là que pour baiser votre auguste manteau.

Un homme de chez nous, de la glèbe féconde
A fait jaillir ici d’un seul enlèvement,
Et d’une seule source et d’un seul portement,
Vers votre assomption la flèche unique au monde.

Tour de David, voici votre tour beauceronne.
C’est l’épi le plus dur qui soit jamais monté
Vers un ciel de clémence et de sérénité,
Et le plus beau fleuron dedans votre couronne.

Un homme de chez nous a fait ici jaillir,
Depuis le ras du sol jusqu’au pied de la croix,
Plus haut que tous les saints, plus haut que tous les rois,
La flèche irréprochable et qui ne peut faillir.

C’est la pierre sans tache et la pierre sans faute,
La plus haute oraison qu’on ait jamais portée,
La plus droite raison qu’on ait jamais jetée,
Et vers un ciel sans bord la ligne la plus haute.

Charles PÉGUY.

Procession Mariale
©Ooh collective- Procession Mariale

Petit abécédaire

Chemins de l’eau : un chemin de l’eau est proposé au pèlerin avec neuf points d’eau. Parmi eux : Meriba, En-Gaddi, Nazareth, l’autre Piscine : Siloé.

Myriam / Maryam : nom que les musulmans donnent à Marie. La sourate 19 du Coran est dite « Sourate à Maryam ».

Mystère lumineux : proposé par Jean-Paul II, ce Mystère rejoint les trois autres - Mystère Joyeux, Mystère Douloureux et Mystère Glorieux - que composent le Rosaire, prière du chapelet des catholiques méditant la vie du Christ à travers Marie.

Porte : accès au sanctuaire par la Porte Saint-Joseph, Porte Saint-Michel.

Servant : le bénévole-hospitalier est d’abord considéré comme « serviteur », comme bénévole servant le malade.

Service Saint-Jean-Baptiste : services de l’Hospitalité des piscines.

Siloé : le nom de cette piscine veut dire « Envoyé ». Cité dans l’évangile de Jean « Jésus cracha à terre, fit de la boue avec sa salive, en enduisit les yeux de l’Aveugle et lui dit : « va te laver à la piscine de Siloé ». L’aveugle s’en alla, il se lava et il revint voyant clair ».

Vierge Marie : décrite comme « Virgo orans » (la vierge priante), comme Virgo pariens (vierge mère) et Virgo offerens, Vierge qui offre. « la source de vie qu’il (le Christ) a prise dans le sein de la Vierge, il l’a placée dans les fonts du baptême ; il a donné à l’eau ce qu’il avait donné à sa mère ».

la Vierge Marie
©Ooh collective – la Vierge Marie

Sources

POINT, René. - Servir les malades à Lourdes : 1885-1985, 100 ans d'Hospitalité. - NDL éd., 2009.

Eglise catholique. - Le culte de la Vierge Marie [Texte imprimé] : exhortation apostolique "Marialis cultus", 2 février 1974 / Paul VI. - éditions P. Téqui, 2006.

Le chemin de l’Eau. – NDL éd.

OUAKNIN, Marc-Alain. - Les symboles du judaïsme. - Editions Pierre Assouline, 1999.

Liens utiles

Site officiel des Sanctuaires Notre-Dame de Lourdes : http://fr.lourdes-france.org

A écouter :

Jacques Berthier (musique) - Ubi Caritas - Ateliers et Presses de Taizé, 71250 Taizé, France - extrait du CD t 566 6 Laudate omnes gentes, ©A & P de Taizé.