Patrimoine culturel immatériel

L’art du trobar, l’art d’aimer en pays d’ocL’art du trobar, l’art d’aimer en pays d’oc

  • « Ma première rencontre avec les troubadours, c’était le 1er mai 1999, ça devait être ponctuel »
  • « Le patrimoine des troubadours ça représente un pilier de la culture occitane »
  • « Il y a des façons méditerranéennes d’aborder la musique »

C'est quoi ?

À l’aube du XIIe siècle, en Limousin et dans les autres régions de l’actuelle Occitanie, naît une littérature moderne qui va influencer l’Europe entière. Les troubadours chantent l'amour, joie et jeunesse, dans une savante alchimie des mots et des sons. Grands seigneurs ou simples roturiers, ces poètes-musiciens, vont animer plus de deux cents ans de vie intellectuelle avec savoir et connaissance (saber e coneissensa). Génie, humour, amour, chants et courtoisie embellissent leur art. Avec leurs noms et leurs biographies, dont le contenu repose sur de multiples légendes (vidas et razos), ce sont avant tout les chansons qu’il faut retenir et qui s’imposent à nous dans un style sûr et inaltérable.

©Ooh collective
©Ooh collective

Dans la poésie des troubadours la parole est d’or. Celle des cansos est ouvrée et forgée de mots de valeur. Pendant deux siècles, ces artistes de la parole libre s’inventent une esthétique nouvelle, l’art de trobar. Pour comprendre et ressentir cet univers, délibérément exposé en plana lenga romana, en occitan, il faudra lire entre les lignes et cheminer dans l’enchevêtrement métrique et mélodique des chants. Cet entrebescamen est autant artistique qu’amoureux. Trouver pour aimer, aimer pour trouver, créer, inventer et se dépasser. La domna, la dame, est placée au centre de la création lyrique.

Les cours occitanes, espagnoles, italiennes… les personnages politiques influents, accueillent ces poètes, musiciens et chanteurs, avec un intérêt certain. Quand les grands de ce monde participent au débat poétique, les troubadours se mêlent au débat politique. Dans ce contexte de convivialité et partage, convivencia e paratge, naît et s’épanouit le trobar, aujourd’hui considéré, à juste titre, comme le berceau des littératures actuelles. »

Ça se passe où ?

©Ooh collective, Plateau des poètes
©Ooh collective, Plateau des poètes

Le pays d'oc représente l’ensemble des pays de langue occitane c'est-à-dire le midi de la France, limité géographiquement par les dialectes de langue d'oïl au nord et des parlers franco-provençaux. Mais aux XIIe et XIIIe siècles, des troubadours adoptent cette même langue occitane écrite dans le Nord de l’Italie, jusqu’à Dante Alighieri, en Sicile, en Espagne et au Portugal.

Un brin d’évasion

L’art des Meddah

En Turquie, le Meddah est un conteur public d’histoires réalistes et drôles. Son origine est probablement perse et remonte à l’époque médiévale. L'étymologie du mot meddah provient de l’arabe maddah qui signifie « faire l’éloge de quelqu’un » mais désigne aujourd’hui un acteur comique.

Autrefois, il marchait de ville en ville, récitait des contes populaires, éduquait et divertissait le public.

L’improvisation et la rhétorique ont toujours eu une place importante dans l’art du meddah et il n’hésite pas à pimenter ses récits d’anecdotes personnelles ou d’actualité. Les puissants se retrouvent bien souvent au centre des histoires contées avec humour et ironie. Le public réagit et les discussions sont lancées. Les spectateurs actifs réagissent, sont pris à parti.

Le meddah travestit sa voix afin d’interpréter de multiples personnages, joue avec les dialectes, les accents et les déformations des mots. Il trouve la liberté dans l’ironie, la dérision et le double discours.

Un brin d'histoire

©Ooh collective, Béziers
©Ooh collective, Béziers

La langue d'oc

« L'occitan (ainsi appelé aujourd'hui de préférence à langue d'oc) fut au Moyen Âge, avec les troubadours, une grande langue de culture, alors relativement unifiée. Toutefois, le morcellement dialectal amorcé dès le Moyen Âge lui a valu de porter différents noms : limousin, parce que les premiers troubadours du XIIe s. étaient limousins ; provençal, parce que, au cours du haut Moyen Âge, ce mot désignait l'ensemble des habitants de l'ancienne Provincia Romanaou, ou Narbonnaise, de Toulouse aux Alpes.

Le terme « occitan », datant du XIVe s., est dû à l'administration royale. L'ancien occitan se distingue de l'ancien français par son caractère plus conservateur, la romanisation ayant été plus profonde et l'influence germanique plus faible dans le Midi que dans le Nord. La langue se divise en trois grandes aires dialectales :

  • le nord-occitan (limousin, auvergnat, vivaro-alpin)
  • l'occitan moyen, qui est le plus proche de la langue médiévale (languedocien et provençal au sens restreint)
  • et le gascon (à l'ouest de la Garonne).

Avec le félibrige, l'occitan a été l'objet d'un mouvement de renaissance qui se poursuit de nos jours. »

Encyclopédie Larousse. -Occitan. -[réf. du 26 août 2011], [en ligne], disponible sur internet : http://www.larousse.fr/encyclopedie/nom-commun-nom/occitan/74321

©Ooh collective
©Ooh collective

Un brin de poésie

Premier couplet de la Canso de Matfre Ermengau (vers 1288-1322)

Extrait de son Breviari d’amor, un bréviaire composé de 34597 vers.

161- Dregz de natura comanda

don amors pren naissemen
qu’om per benifach ben renda
a cel de cui lo ben pren
et aissi l’amors s’abranda
gazardonan et grazen
pero razos es qu’om prenda
de bon cor per suficien
benifach e gazardo
de cel que non a que do
ni far non pot autra esmenda.

Le droit naturel commande

celui où l’amour trouve son origine
que pour bienfait bien l’on rende
à celui dont on reçoit le bien
ainsi s’enflamme l’amour
par récompense et reconnaissance
mais il est raison qu’on reçoive
comme bienfait et récompense
suffisants de bon coeur
de celui qui n’a rien d’autre à donner
et ne peut faire autre compensation.

Petit abécédaire

AMAN E FIN AMAN : amoureux et amant fidèle en occitan

ART D’AMAR : art d’aimer

ART DE TROBAR : art de trouver, inventer, créer, composer des chansons

BELA FOLOR : belle folie

CANSO : chanson

CHANTAR : chanter, trouver, s’exprimer en public

FINA AMOR : amour fin, pur, parfait

GUITERNE (Une) : instrument plus petit que la guitare, pouvant prendre soit la forme à fond plat de la guitare, soit celle, piriforme, du luth.

OUD (Un) :instrument à cordes pincées le plus représentatif des musiques arabo-islamiques savantes et populaires.

TROBAIRITZ : femme troubadour

TROBAR : trouver

VIOLA : vièle à archet, instrument à cordes frottées, c’est le plus cité et apprécié par les troubadours et les jongleurs.

©Ooh collective, Gérard Zuchetto jouant de la vièle
©Ooh collective, Gérard Zuchetto jouant de la vièle

Sources

ZUCHETTO, Gérard / GRUBER, Jörn. -Le Livre d’or des troubadours : anthologie XIIème-XIVème siècle. -Les Editions de Paris Max Chaleil, 1998, 310 p.

ZUCHETTO, Gérard. -Troubadours Art Ensemble (livret). -Editions Trob’Art Productions, 2002.

FRELAND, François-Xavier. -Saisir l’immatériel : un regard sur le patrimoine vivant. -Unesco, 2009, 351 p.

BALADIER, Charles. -Aventures et discours dans l'amour courtois. -Editions Hermann, 2010

Liens utiles

Site de la ville de Béziers : www.ville-beziers.fr

Site du Centre Interrégional de Développement de l'Occitan (Cirdoc): www.locirdoc.fr

Site de l’Association Trob'Art Productions: www.art-troubadours.com

Site de la formation Troubadours Art Ensemble : www.troubadours-ensemble.com

À écouter

Troubadours Art Ensemble / Sandra Hurtado-Ròs / Gérard Zuchetto, Otra Mar : sephardic and trobadors songs, Tròba Vox, 2010

Troubadours Art Ensemble / Sandra Hurtado-Ròs / Gérard Zuchetto, Florilège, Occitan/Trob‘Art/Concept 6, Tròba Vox, 2002