Patrimoine culturel immatériel

La légende de la Tarasque à TarasconLa légende de la Tarasque à Tarascon

  • « Ce monstre m’a toujours fasciné, je me suis dit qu’un jour il va falloir que je pousse la Tarasque !»
  • « La transmission elle se fait aussi par les écoles sportives »
  • « La Tarasque s’identifie aux Tarasconnais, on a eu la chance que l’UNESCO l’inscrive au patrimoine de l’humanité »

C'est quoi ?

Frédéric Mistral décrit la Tarasque ainsi :

La bèstio a la co d’un coulobre,
d’iue mai rouge qu’un cinobre
Sus l’esquino a d’escaumo e d’àsti que fan p?u
D’un gros leinoun porto lou mourre,
E sièis pèd d’ome pèr mies courre;
Dins sa caforno, souta un moure
Que doumino lou Rose, emporto ce que p?u

La bête a la queue d’un dragon, des yeux plus rouges que cinabre, - sur le dos des écailles et des dards qui font peur ! – d’un grand lion elle porte le mufle, - elle a six pieds humains, pour mieux courir ; - dans sa caverne, sous un roc – qui domine le Rhône, elle emporte ce qu’elle peut (Frédéric Mistral, Mirèio)

©Ooh collective, La Tarasque (2011)
©Ooh collective, La Tarasque (2011)

Les premiers écrits de la Légende apparaissent aux XIIe et XIIIe siècles : in Mombritius, Sanctuarium, tome II :

« Il y a avait en ce temps-là, au-dessus du Rhône, près d’une vaste caverne, dans un certain bois en Arles et Avignon, sur la rive occidentale, un énorme dragon, moitié animal terrestre, moitié poisson, qui faisait périr les nombreuses personnes qui traversaient et passaient par-là, et même les ânes et les chevaux. Il retournait aussi les bateaux qui franchissaient le Rhône. Des gens et des troupes armés venaient souvent là, mais ils ne parvenaient pas à le tuer, parce que, expulsé du bois, il se cachait dans le fleuve ; Et il était plus gros qu’un bœuf, plus long qu’un cheval. Il avait une gueule et une tête de lion, des dents pointues comme des épées, une crinière de cheval, le dos tranchant comme une hache, des écailles hérissées comme des tarières pour déchirer, six pieds aux griffes d’ours, une queue de vipère, et était protégé de chaque côté par deux boucliers semblables à des carapaces de tortues. Douze lions ou autant d’ours ne pouvaient l’emportaient sur lui. Comme les habitants n’avaient pu le faire périr par aucun moyen, ils apprirent par sa renommée que la bienheureuse Marthe brillait par ses miracles et chassait les démons ; ils allèrent vers elle lui demandant de venir et d’expulser le dragon de son territoire.

©Ooh collective, Sainte-Marthe et la Tarasque (Peinture de Philippe Roquette)
©Ooh collective, Sainte-Marthe et la Tarasque (Peinture de Philippe Roquette)

« La sainte amie de Dieu se dirigea tout droit vers le lieu. L’hôtesse du Christ mettant sa confiance en son hôte, dénicha le dragon dans le bois, dévorant un homme qu’il avait égorgé ; elle jeta sur lui l’eau bénite qu’elle avait apportée et lui montra un crucifix : le dragon s’arrêta vaincu comme une brebis et la bienheureuse l’attacha avec sa propre ceinture, et aussitôt il fut entièrement écrasé par le peuple avec des lances et des pierres. Ce dragon étant alors nommé Tirascurus, cet endroit à partir de ce moment et par la suite en fut nommé Tirasconus. Il était auparavant dit Nerluc, c’est-à-dire « bois noir », parce qu’il y avait là des bois obscurs et noirs. C’était, bien sûr, un dragon du genre de celui qui est appelé Léviathan dans le Livre de Job, qui avala sans sourciller des fleuves et crut que le Jourdain s’engloutirait dans sa gueule. Il était venu de la mer de la Galatie d’Asie, engendré par Léviathan, serpent aquatique très féroce, et un taureau sauvage. La Galatie a engendré le taureau sauvage dont les excréments liquides et brûlants repoussent ses poursuivants : il les projette sur une longue distance comme une flèche et tout ce qu’il a atteint est brûlé comme dans un incendie »

CANTIQUE À SAINTE MARTHE – TARASCON (extrait d’archives)

Tels qu’après les orages
Le soleil radieux
Dissipe les nuages
Rend leur éclat aux cieux
Tel le Dieu que j’adore
Trop longtemps ignoré
Du couchant à l’aurore
Voit son nom adoré
(….)
Que le ciel applaudisse
Aux chants de son amour
Et que l’enfer frémisse
Du bonheur de ce jour
Chantons tous la victoire
Du maître des vainqueurs :
Consacrons à sa gloire
Et nos voix et nos cœurs
Seigneur, sanctifiez et gardez votre peuple, et faites qu’étant aidé par l’assistance de cette grande sainte, il vous soit agréable par le règlement de sa vie, et qu’il vous serve dans la tranquillité d’une sainte confiance. Amen

Ça se passe où ?

©Ooh collective, Tarascon
©Ooh collective, Tarascon

Tarascon est un chef-lieu de canton des Bouches-du-Rhône, situé au bord du fleuve entre Arles et Avignon.

C'est quand ?

La légende donne naissance aux festivités de la Tarasque depuis 1469; la fête de la Tarasque est célébrée le dernier week-end de juin, Sainte Marthe est fêtée quant à elle le 29 juillet.

Un brin d’évasion

Le Festival du Bateau-Dragon en Chine

Inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’humanité

Le festival du Bateau-Dragon est un festival chinois traditionnel. En Chine on le fête tous les ans le cinquième jour du cinquième mois du calendrier lunaire chinois. Le festival a une histoire de 2500 ans. Il a trouvé son origine dans une coutume de répudiation des esprits mauvais et plus tard il a évolué de nombreuses manières populaires comme des cérémonies commémoratives, des jeux ou des soins médicaux. Les principales célébrations concernent des offrandes sacrificielles en faveur de Qu Yuan (BC 340 ~ 278), l'un des plus grands poètes romantiques de la période des Royaumes Combattants, commémorant Wu Zixu Wu Zixu (BC 526 ~ 484), un dignitaire du Royaume Wu, en suspendant du moxa et de l'acore calame au-dessus de la porte, en buvant du vin mêlé de réalgar, en mangeant des boulettes de riz gluant, en manœuvrant des bateaux-dragons et en repoussant les esprits mauvais. Les activités marquant le festival diffèrent selon les endroits mais celles du comté de Zigui et de la ville de Huangshi, de la ville de Miluo dans la province du Hunan, et de la ville de Suzhou dans la province du Jiangsu sont les plus représentatives. Le festival du Bateau-Dragon, qui comporte des savoirs traditionnels, un esprit national et des implications culturelles spécifiquement chinois, a une grande influence sur le mode de vie des Chinois.

Un brin d'histoire

« Jadis, dans cette région, terre de forêts et de marécages dus aux débordements du Rhône, émergeaient des îlots formés des dépôts et alluvions. Seul, l'un de ses îlots était constitué par un rocher. Les Salyens (mélange de Celtes et de Ligures), premiers occupants de ce rocher perdu dans les marécages, baptisèrent le site TARASCO.

Les Massiliens y établirent un comptoir commercial trois siècles avant notre ère. Plus tard, les Romains élevèrent, sur cette même place, une citadelle surveillant le passage du Rhône.

La ville fut le théâtre, vers l'an 48, d'un événement aux conséquences historiques. Marthe, missionnaire du Christ, débarquée en Provence avec les "Saintes-Maries-de-la-Mer", arriva à Tarascon et délivra le pays du monstre amphibie qui terrorisait la région : La Tarasque. Elle s'installa ensuite auprès des Tarasconnais. La sainte femme fit l'objet d'une dévotion particulière et devint la patronne de Tarascon. Sous l'égide de la sainte Hôtesse, la ville grandit et prit une place importante dans la région malgré la proximité de villes prépondérantes comme Arles et Avignon.

De nombreux pèlerins accoururent, et les plus grands rois de France se recueillirent sur son tombeau. Le premier, Clovis, en l'an 500, accorda certains privilèges à la ville, privilèges confirmés par ses successeurs, et Louis XI eut beaucoup de libéralités pour l'église qu'il éleva au rang de Collégiale. Jusqu'à la Révolution, on pouvait compter jusqu'à 15 couvents qui accueillaient pèlerins et personnalités. En 843, lors du partage de l'Empire de Charlemagne, le Rhône devint une frontière politique et Tarascon revêtit une importance stratégique de premier ordre.

En 1435, René d'Anjou, surnommé par ses sujets "Le Bon Roy René", hérita de la Provence et vint séjourner souvent dans son château au bord du Rhône. Il réunit autour de lui une cour de chevaliers, de nobles familles et d'artistes, ce prince se plaisait à organiser des tournois et des fêtes. Il organisa ainsi les Jeux de la Tarasque qui, de nos jours, ont lieu chaque année, le dernier week-end de juin. À sa mort, en 1481, la Provence devint française.

La prospérité de la cité ne déclina qu'à la Révolution et, de ce riche passé, elle a conservé un patrimoine très important. C'est beaucoup plus tard qu'un autre personnage marqua l'histoire de Tarascon. En effet, en 1872, Tartarin de Tarascon naquit sous la plume d'Alphonse Daudet. »

Ville de Tarascon. -Histoire de Tarascon. -[réf. du 24 août 2011], [en ligne], disponible sur internet : http://www.tarascon.fr/tarascon-en-provence/visiter/histoire-legendes-tarascon/histoire-tarascon.html

©Ville de Tarascon, Daniel Soulier (Tartarin depuis 1990)
©Ville de Tarascon, Daniel Soulier (Tartarin depuis 1990)

Un brin de poésie

Les Salonais (habitants de Salon de Provence) à Sainte-Marthe

Refrain
Que ton peuple se lève et parte
Les voix du ciel t’appellent encor ;
De tes vœux, ô Salon, porte le doux trésor
Au vieux tombeau de Sainte-Marthe !

1
Si rien ne trouble son repos,
Marthe a gardé sa vigilance.
Son cœur répand la grâce avec plus d’abondance
Que le Rhône à la mer ne peut verser de flots.

2
O vous qu’enivre un bien mortel,
Vous que la soif de l’or altère,
Accourez à ses pieds apprendre le mystère
Du négoce divin qui fait gagner le ciel !

3
Oui ! Nous venons en ce beau jour
emprunter une flamme vive
Aux lampes de la crypte où dort la vierge active,
La flamme de la foi, de l’espoir, de l’amour

La Laido Bèstio

Chanson de Jean-Bernard Plantevin

1 - La laido bèstio,
Mourre de loup, man de dragoun, coua de tarasco,
La laido bèstio,
Lengo de serp, pèu de gramuso e nas de masco
La laido bèstio,
Bano de biòu, pitre gounfla, pleno de niero,
La laido bèstio,
Dènt de lioun, pèd de canard, longo criniero.

2 - La laido bèstio,
Crèsto de gau, gauto frounsido e espaludo
La laido bèstio,
Crid de tigras, tèsto peludo e mameludo,
La laido bèstio,
Pougnoun d’acié, gràndis auriho e cambo torto,
La laido bèstio,
Uei de grapaud, bouco de fiò, toujour pèr orto.

3 - La laido bèstio,
Crebo lis iue, sènt marrit e cago de flamo,
La laido bèstio,
Estrasso tout de sis arpioun coume de lamo
La laido bèstio,
Escracho tout amé soun quiéu d’elefantasso,
La laido bèstio,
Estripo tout amé sa barjo de diablasso.

4 - La laido bèstio,
Treviro tout, fai mai de mau qu’un terro-tremo,
La laido bèstio,
Espèio tout, lis enfant, lis ome e li femo,
La laido bèstio,
Suço lou sang fin qu’à la darriero degouto,
La laido bèstio,
Fai atencioun de pas te trouba sus sa routo.

5 - La laido bèstio,
Pren toun coutèu, pren toun fusiéu e part en casso,
La laido bèstio,
Fai la peta lèu-lèu avans que te fracasso
La laido bèstio,
Aganto la, fai lèu avans que t’escagasso,
La laido bèstio,
Estranglo la e tiro avans que t’esfangasso.

6 - La laido bèstio,
Fau l’estourba, l’estrigoussa à cop de bato,
La laido bèstio,
Fau l’espeça, la bastouna à cop de lato,
La laido bèstio,
L’esplumassa, i’espalanca li quatre pato,
La laido bèstio,
L’escoutela, l’escournioula fin que s’amato.

Traduction de la langue d’oc :

1 - La bête immonde, / Museau de loup, mains de dragon, queue de tarasque. / La bête immonde, / Langue de serpent, peau de lézard et nez de sorcière / La bête immonde, / Cornes de boeuf, poitrail gonflé, pleine de puces / La bête immonde, / Dents de lion, pieds de canards, longue crinière

2 – Crête de coq, joues ridées et larges épaules / Cri de tigre, tête poilue et grosses mamelles / Poignets d’acier, grandes oreilles et jambes tordues / Yeux de crapaud, bouche de feu, toujours par chemins.

3 – Elle crève les yeux, elle sent mauvais et pète des flammes / Elle déchire tout avec ses ongles comme des lames / Elle écrase tout avec son derrière d’énorme éléphante / Elle étripe tout avec sa mâchoire de diablesse.

4 – Elle retourne tout et fait plus de mal qu’un tremblement de terre / Elle écorche tout, les enfants, les hommes et les femmes / Elle suçe le sang jusqu’à la dernière goutte / Fais attention de ne pas te trouver sur sa route.

5 – Prends ton fusil, prends ton couteau et pars en chasse / Fais la exploser avant qu’elle ne te fracasse / Capture-la, fais vite avant qu’elle ne t ‘écrase / Étrangle-la et tire avant qu’elle ne te réduise en bouillie.

6 – Il faut l’assommer, la rosser à coups de bâtons / la plumer, lui casser les quatre pattes / La découper au couteau, l’étrangler jusqu’à ce qu’elle s’aplatisse au sol.

©Ooh collective, Chapelle Saint-Gabriel de Tarascon
©Ooh collective, Chapelle Saint-Gabriel de Tarascon

Petit abécédaire

EAU BÉNITE : en bénissant l'eau et le sel par ses prières et par ses invocations, l'Église a l'intention que Dieu répande en eux une vertu céleste pour chasser les démons et éloigner les maladies, et par conséquent pour que le peuple chrétien obtienne par l'usage de l'eau bénite des effets salutaires.

GARGOUILLE DE ROUEN : « C'était un dragon d'eau (à opposer aux dragons réputés pour cracher le feu), qui hantait la forêt du Rouvray, à l'embouchure de la Seine et au pied du mont Gargan, et qui faisait un grand carnage d'hommes et d'animaux. Référence probablement aux inondations qui périodiquement dévastaient la vallée. C'est saint Romain, évêque de Rouen au VIIe siècle, qui en a débarrassé la région, non sans se faire seconder par deux criminels : un voleur qui préfère s'enfuir, et un assassin condamné à mort qui, lui, fait face et se voit absout. Le saint passe l'étole au cou de la Gargouille et la confie à son compagnon, avant qu'elle soit publiquement brûlée. »

Société de mythologie française. -La Gargouille. -[réf. du 24 août 2011], [en ligne], disponible sur internet : http://www.mythofrancaise.asso.fr/mythes/figures/Gargouille.htm

MÂCHECROUTE LYONNAISE : « son effigie est monstrueuse, ridicule et terrible aux petits enfants ; ayant les yeux plus grands que le ventre et la tête plus grosse que tout le reste du corps, avec d’amples, larges et effrayantes mâchoires bien édentellées, tant au-dessus comme au-dessous ; lesquelles, au moyen d’une petite corde cachée dans le bâton doré faisait l’une contre l’autre terriblement cliqueter ». Rabelais 1548

LA GRANDE GOULE DE POITIERS : « Ce monstre légendaire – figure hybride de reptile aux pattes d’aigle et aux ailes de chauve-souris – est associé au souvenir de sainte Radegonde, fondatrice de l’abbaye Sainte-Croix au VIe siècle. On raconte que plusieurs moniales, chargées de se rendre dans les caves du monastère, n’en sont pas remontées…On prétend également que ces caves communiquent avec des galeries souterraines, hantées par la présence d’un terrifiant dragon qui s’y engouffre depuis le lit du Clain tout proche. Sur la prière de ses sœurs, sainte Radegonde va affronter la féroce créature, munie d’armes dont la nature varie selon les différentes versions du conte : un pain béni, la relique de la Sainte Croix (détenue par l’abbaye), sa crosse d’abbesse (qu’elle ne possédait pourtant pas, étant simple religieuse dans son propre monastère), ou encore son seul courage ! Néanmoins, la Grand’Goule est vaincue. »

Office de tourisme de Poitiers. -La Grand'Goule. -[réf. du 24 août 2011], [en ligne], disponible sur internet : http://www.ot-poitiers.fr/home/decouvrir/histoire-de-la-ville-legendes/la-grand-goule.aspx

Sources

AMANN, Dominique. -La Tarasque : un dragon en Provence. -Editions Gaussen, 2011, 110 p.

LAROUSSE, Pierre. -Dragons : le Grand dictionnaire universel du XIX. –(tome 6, p. 1177), [réf. du 24 août 2011], [en ligne], disponible sur le site : http://www.maremurex.net/larousse.html

Unesco. -Le festival du Bateau-Dragon. -[réf. du 24 août 2011], [en ligne], disponible sur internet : http://www.unesco.org/culture/ich/index.php?lg=fr&pg=00011&RL=00225

Liens utiles

Site de la ville de Tarascon : www.tarascon.fr

Site de Jean-Bernard Plantevin : www.jbp.free.fr

Site de l’Unesco : www.unesco.org

À écouter

Jean-Bernard Plantevin, Cigalejado, Association Croupatas, 2007